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«Il y a des pulsions totalitaires» – Interview dans le JDD

Le 49.3, que le gouvernement a annoncé hier est un outil constitutionnel. Pourquoi s’indigner de son utilisation ?

Le gouvernement veut tuer le débat avec le 49.3. Normalement, c’est une arme faite pour mettre au pas la majorité. Mais là, il s’en sert pour bâillonner l’opposition.

L’opposition qui joue l’obstruction, Le gouvernement qui dégaine le 49.3,… Chacun n’est-il pas dans son rôle ?

Ce n’est pas un jeu ! Cette réforme modifie la vie de millions de gens pour plusieurs générations. Pourquoi ce bazar ? Il n’y a pas de crise financière du système de retraites. Et l’espérance de vie en bonne santé régresse. Les gens savent donc qu’ils seront tous perdants. Ils rejettent cette réforme. C’est du Macron pur jus : il méprise la vie des gens du commun.

Allez-vous déposer une motion de censure ?

Oui. Bien sûr. Le gouvernement nous a laissé un delai très serré un dimanche mais nous allons y arriver.

Vous comptez réellement faire tomber le gouvernement en pleine épidémie de coronavirus ?

C’est le gouvernement qui prend le risque. D’ailleurs, ils ont changé de ministre de la Santé en cours, d’épidemie.

Comment pourrez-vous continuer à lutter après le 49.3 ?

Il y a deux textes pour cette réforme. Le 49.3 ne peut s’appliquer qu’au premier. Pas au second. Le gouvernement nous coupe la parole sur le premier, nous la prendrons donc dix fois plus sur le second. Ensuite, le texte ira au Sénat. LREM y est minoritaire. La Chambre haute n’est ni folle ni molle. Puis le texte reviendra à l’Assemblée. De nouveau on ne lâchera rien. Macron a sous-estimé la capacité de résistance du pays et la nôtre. Sa majorité s’exaspère. Du coup elle se crispe dans l’autoritarisme.

Quel autoritarisme ?

Le régime macroniste c’est violences et novlangue Ce qui est baptisé « tous gagnant » c’est en vrai « tous perdants » ! Et s’il y a tant de violences policières c’est parce que Macron lui-même a nommé l’ultra violent Préfet Didier Lallement. Et maintenant, le régime entre jusque dans la vie privée des gens. Par exemple en confiant le contrôle des échanges sur les réseaux sociaux à des entreprises privées. Ces méthodes font système. Du coup des remugles de totalitarisme jaillissent à tous propos. Ainsi quand le rapporteur du texte sur les retraites nous dit : « La république c’est nous ! Vous, vous n’êtes rien ».

De « totalitarisme », vraiment ?

Certes, nous ne sommes pas dans un régime totalitaire. Mais il y a des pulsions totalitaires. Voyez le sort réservé à Jérôme Rodriguez. Les députés de la majorité aussi violent beaucoup de lignes rouges. Menaces et pressions physiques, insultes : sans la fermeté des présidences de séance à certains moment, l’hémicycle serait intenable.

Pour autant, est-ce raisonnable que les échanges à l’Assemblée soient aussi lents ?

Les grévistes ont tenu pendant 61 jours de grève, ils n’auraient pas admis qu’on baisse le pavillon au bout de dix jours. Nous menons pour eux la guérilla parlementaire. Elle paie. Toutes les tentatives de diversions de Macron échouent. Exemple son plan « contre le séparatisme ».

C’est-à-dire ? Il n’y a pas de dérives islamistes en France selon, vous ?

Pourquoi en faire un sujet maintenant ? Oui, certains veulent imposer la religion en politique. Plusieurs communautarismes agressifs sont à l’œuvre. La France sait les juguler du fait de son expérience dans le passé avec l’Église catholique qui a refusé le suffrage universel et la république jusqu’en 1920. On sait que l’erreur est de ressourcer le fondamentalisme religieux en surjouant la peur qu’il inspire. Le premier séparatisme est celui des riches qui abandonnent le reste de la société. Et celui des libéraux qui font reculer l’État et les services publics hors des quartiers. L’unité du pays se reconstruit en ce moment dans la revendication sociale qui se moque des différences de foi, de couleur, de genre. Ça fait peur au régime. Il préfère la guerre de religion qui divise le peuple. Macron veut plaire à la droite en allant sur le terrain de l’extrême droite… Il a perdu d’avance. N’est pas Sarkozy qui veut. Il sert la soupe a Le Pen et nuit à l’unité de la Nation.

Sur la réforme des retraites, comment débloquer la situation ?

Le gouvernement serait sage en retirant son texte jusqu’à la fin de la « conférence de financement ». Il pourrait ainsi revoir sa copie sérieusement. Elle est baclée. Trop d’inconnues, trop d’ordonnances, trop de bricolages. Le Conseil d’État et d’autres autorités l’ont dénoncé.

Les manifestations sont de moins en moins suivies. D’où pourrait venir le sursaut ?

Contre la loi El Khomri aussi, on nous disait : « le mouvement s’essouffle » ! À la fin, François Hollande y a laissé sa chemise. La colère du peuple va passer du chaud au froid : ce sera le plus terrible. Le pouvoir mesure-t-il son isolement ? Les grévistes, après 61 jours sans salaire, ne sont pas des vaincus, mais des gens qui ont des comptes à régler. Le régime va le payer bien avant 2022.

Vous souhaitez le retrait du projet du gouvernement. Comment continuer à financer notre système ?

Peut-on prendre au sérieux la prévision du Conseil d’orientation des retraites qui va du simple au triple dans cinq ans ? En 2024, on aura fini de payer la dette sociale et il rentrera toujours 24 milliards par an: on pourra diminuer les cotisations sociales et réduire ce déficit. Il n’y a donc pas de problème financier.

Vous proposez le retour de la retraite à 60 ans via une hausse des cotisations et des salaires : comment obliger les entreprises à augmenter les rémunérations ?

En payant les femmes comme les hommes. Au fond le partage de la richesse est l’enjeu. Aujourd’hui tout va aux dividendes. Augmenter le Smic produit une hausse mécanique du niveau de tous les salaires. 1% de mieux donne 2,5 milliards de cotisations. En mai 1968, on l’a fait de 30% en une nuit !

Le retrait de la réforme est-il plus important que les municipales pour La France insoumise ?

Pour nous, l’essentiel est de mettre la réforme des retraites de Macron échec et mat. Mais les gens vont aussi se saisir de cette élection pour punir En Marche. De notre côté, nous nous nous sommes mis au service des listes citoyennes sans rien réclamer pour notre sigle. Nous sommes présents dans plus de 500 listes, parfois en tête. Ailleurs, le sectarisme incroyable d’EELV ne nous a pas découragé. Nous faisons liste commune avec eux dans plus de 150 cas. 200 fois avec les communistes. 10 avec le NPA. Les insoumis veulent l’union populaire sur tous les fronts : au Parlement, dans la rue et les élections. La double prise de conscience d’une catastrophe écologique et sociale imminente nous ouvre un chemin. Le goût de l’entraide est de retour. On peut travailler à un « gouvernement de salut commun »

Serez-vous candidat à la présidentielle de 2020 ?

J’ai une décision à prendre. Personne ne me tordra le bras, ni dans un sens ni dans l’autre. J’ai l’âge et l’expérience nécessaires pour savoir que les circonstances commandent.

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