Le dimanche 15 mars 2020, au soir d’un premier tour des municipales qui a connu l’abstention la plus forte de la 5e République à cause de l’épidémie de coronavirus, Jean-Luc Mélenchon prenait la parole.
Retrouvez ci-dessous la retranscription de son intervention. Seul le prononcé fait foi.
« Mes chers compatriotes,
La journée de vote s’est achevée et elle s’est bien déroulée. Pourtant, samedi soir, les annonces de dernière minute ont créé un grand trouble et un sentiment d’incohérence.
Malgré tout, tout s’est passé dans les meilleures conditions sanitaires et dans les meilleures conditions démocratiques possibles. C’est un bon point pour notre démocratie que d’être capable de faire vivre sa démocratie en pleine crise sanitaire.
La démocratie n’est pas un luxe. Nous devons remercier tous ceux qui ont concouru à cette réussite, qu’il s’agisse des assesseurs, des personnels et des citoyens et citoyennes volontaires.
Notre pays est aujourd’hui en train de redécouvrir des valeurs fondamentales qui ont été oubliées et méprisées pendant trop longtemps : la fraternité humaine, le goût de l’accès égal au soin pour tous, et notamment pour ceux qui sont les plus faibles. Ce sont des acquis de conscience collective très importants qu’il nous faut protéger.
La clé de la suite des événements reste la capacité que nous aurons à être disciplinés et à observer des consignes collectives qui nous mettent à l’abri de dangers que nous créerions inutilement.
Nous devons faire appel à la mobilisation populaire. Même si des mesures de confinement sont décidées, tout le monde ne sera pas confiné : il y aura du monde qui restera au travail, et ce monde-là sera indispensable. C’est à eux d’abord qu’il faut penser.
C’est la raison pour laquelle il serait bon, sur les lieux de travail, de pouvoir se rassembler, dans des conditions sanitaires acceptables, pour définir les meilleures manières de travailler en se protégeant collectivement et de quelle aide chacun a besoin pour accomplir la tâche qui lui est dévolue.
De la même manière, il faut tenir compte de tout ce qui permet à chacun et à chacune de prendre ses dispositions. Il ne faut pas mépriser l’humain. C’est la raison pour laquelle il faut cesser immédiatement les radiations à Pôle Emploi. Il faut empêcher que des gens se retrouvent sans aucune ressource. Il faut que l’indemnisation des salaires perdus du fait du chômage technique se fasse à 100%. Il faut donner la priorité à tout ce qui permet à la personne humaine de se déployer au service des autres.
Naturellement, le moment est venu de réquisitionner, sans doute, l’ensemble des moyens dont nous disposons, c’est à dire de tout le secteur privé : aussi bien celui qui permet le maintien à domicile que les installations sanitaires privées.
Si le gouvernement doit décider que le confinement a lieu, s’il doit décider que le deuxième tour n’a pas lieu, alors il doit prendre ses dispositions le plus tôt possible pour que tout le pays puisse s’organiser en conséquence de cause.
Pour autant, je le répète : la discipline n’est acquise qu’à la condition qu’on consente à l’autorité. Pour qu’on consente à l’autorité, il faut qu’elle soit légitime et aussi cohérente que possible.
Le gouvernement ne doit donc pas tirer profit de la situation pour passer, comme la dernière fois, des mesures impromptues comme l’a été le 49-3 entre deux dispositions relatives au coronavirus. Il est nécessaire que nous sentions que nous sommes tous attelés à la même tâche. C’est à ce prix que chacun y apportera son concours personnel et collectif.
Les insoumis seront en première ligne pour se mettre à disposition de tout ce qu’on voudra faire pour le bien commun.
Naturellement, la décision concernant le deuxième tour des élections municipales devra être prise à temps. Pour autant, la démocratie ne doit pas être mise au placard. C’est pourquoi je demande que l’Assemblée nationale puisse continuer son travail, naturellement dans des conditions de protection sanitaire et de responsabilité sanitaire, cela va de soi.
Il ne peut pas être question de mettre la démocratie entre parenthèses : nous ne votons pas les pleins pouvoirs au gouvernement. Nous votons les pleins pouvoirs au peuple et à ceux qui le représente. Nous votons les pleins pouvoirs à notre capacité d’être un peuple uni, rassemblé. Pour que nous puissions l’être, il faut que nous restions libre et que nous soyons en condition d’exprimer nos opinions, d’apporter toute la richesse de notre concours au travail commun.
Bon courage, chers compatriotes. Merci à tous ceux qui ont aidé à cette journée. Bravo à tous ceux qui sont élus dès le premier tour et parmi eux, bien sûr, ceux de mes amis insoumis et insoumis.
Le plus important est notre vie commune. C’est notre démocratie. C’est notre patrie. »