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16.03.2020

VIDÉO – Coronavirus : confinement et solidarité ! – Réaction à l’allocution d’E. Macron

Le lundi 16 mars 2020, le président de la République Emmanuel Macron s’exprimait sur la situation liée au coronavirus et expliquait, sans employer le mot, que de strictes mesures de confinement allaient être mises en place.

Dans cette vidéo, Jean-Luc Mélenchon réagit à l’allocution du président de la République. Il appelle à respecter les consignes de confinement et à mettre en place une société de la solidarité, de l’entraide et du partage plutôt que du chacun pour soi. Il appelle également à réquisitionner au plus vite les outils permettant d’assurer la production des biens (comme les masques) nécessaires à la lutte contre le coronavirus.

Voici la retranscription de cette intervention. Seul le prononcé fait foi. 

« Nous venons d’entendre le président de la République.

Dans ce genre de circonstances, il faut que notre manière de nous exprimer, de réagir, nous les opposants insoumis, réponde à des conditions de responsabilité, avec l’idée de ce que nous allons dire va compter et influencer les états d’esprit.

Je sais qu’un certain nombre d’entre vous sont perturbés par le fait que je dise que le moment n’est pas à la polémique ou à la dispute. Pourquoi êtes-vous perturbés ? Parce que vous voyez bien, comme moi, toutes les failles qui existent dans le dispositif gouvernemental depuis plusieurs jours.

La fin de semaine a été particulièrement calamiteuse : des annonces terribles le samedi mais l’élection qui a lieu le lendemain ; et maintenant encore, on sent toujours une sorte de flou dans les propos du président.

Il dit par exemple qu’il faut rester chez soi, mais qu’on peut sortir pour faire de l’exercice physique. Non : il faut se confiner. C’est la règle maintenant. Il faut faire tout ce que l’on peut, dans les quinze prochains jours, pour être le moins possible en contact avec les autres de manière à ralentir, aussi considérablement qu’on le peut, la diffusion de la contamination.

Cela n’évitera pas que des gens soient contaminés, que des gens tombent malades. Il faut dire les choses franchement : le confinement permet de limiter le nombre des personnes contaminées, mais cela ne va pas au-delà. Des gens seront malades ; des gens seront très malades. Ce qu’il faut, c’est que lorsqu’ils sont malades ou très malades, ils puissent être soignés. Si nous laissons les choses aller, alors il adviendra un pic épouvantable qui submergera tout.

Croyez l’expérience de tous ceux qui ont vu la vie du monde, au cours des dernières décennies, dans des circonstances et dans des lieux extrêmement divers. Pire que tout pour une société, c’est quand sa capacité d’auto-organisation se disloque : lorsqu’il n’y a plus de règles ; lorsqu’on ne sait de quel côté se tourner pour avoir de la tranquillité, de la sûreté et des consignes claires.

La panique, la pagaille, le désordre, sont le pire de nos ennemis. C’est en prenant tout le revers que l’on arrivera à vaincre l’épidémie, c’est à dire par la solidarité, par la discipline d’action, par le confinement. Voilà ce qu’il y a à faire.

Je veux vous le dire sur ce mode plus tranquille, plus détendu que ne l’est une réaction que l’on fait rapidement devant une caméra pour tel ou tel média.

Il faut que chacun d’entre nous comprenne bien que le monde va changer.
Il ne changera pas tranquillement comme nous l’aurions voulu.
Il ne changera pas d’une manière délibérée et apaisée comme nous l’aurions voulu.
Il va changer parce que l’ancien monde est en train de s’écrouler.

Vraisemblablement, à la crise sanitaire va s’ajouter une crise économique et, peut-être, entre les deux, une crise financière. Nous allons donc devoir rassembler toute l’énergie dont nous sommes capables pour penser politiquement et apporter des réponses qui nous permettent de faire vivre une société : pas seulement des individus, mais l’ensemble que nous formons en tant que société, en tant que nation, en tant que peuple.

La question posée sera de savoir quelles sont les valeurs au poste de commande.

J’ai entendu comme un aveu, que je salue, les regrets du président disant que des certitudes se sont effondrées, que des choses que l’on croyait impossibles sont en train de s’accomplir.

Je peux vous dire que tel n’est pas mon cas. Mes certitudes non seulement ne se sont pas effondrées, comme les vôtres, mais c’est tout l’inverse : je crois plus que jamais que nous avions raison de défendre le service public, bec et ongles, contre tous ceux qui nous disaient qu’il était inefficace, coûteux, qu’il constituait une charge, qu’il fallait se responsabiliser individuellement.

De la même manière, je crois plus que jamais que c’est la solidarité et l’entraide qui permettent aux sociétés de vivre, de survivre et de se rendre meilleurs.

Ce sont les valeurs de partage, plutôt que d’égoïsme social, qui permettent de construire un monde digne, dans lequel les êtres humains peuvent déployer d’autres talents que la prédation, la cupidité et toutes les valeurs qui ont été célébrées et chantées sur tous les tons depuis tant d’années et encore jusqu’à une date récente.

Vous savez que la réforme des retraites est pour finir suspendue. Il aura fallu tout cela pour arriver à cette décision de bon sens, ainsi qu’au report d’un certain nombre de lois concernant la diminution de l’indemnisation du chômage.

Je me sens plutôt satisfait de ce que j’ai entendu sur la suspension des factures d’électricité, d’eau et des loyers. Pour beaucoup de familles, c’était une angoisse intenable que de se dire qu’à toutes les difficultés s’ajouteraient le fait que, si on ne peut plus gagner sa vie, on ne sait plus comment payer son loyer et ses factures. Je pense que le gouvernement va maintenant appliquer cela.

C’est la raison pour laquelle je suis tellement attaché à ce que les droits du parlement soient maintenus. C’est là que nous pourrons interpeler, contrôler, exiger des comptes, dans un cadre organisé, structuré. Il est très important que cela se passe de cette manière.

Le président l’a dit : parce que nous l’avons demandé, le Parlement va se réunir très bientôt. Il ne prendra des mesures que sur des sujets qui concernent la lutte contre l’épidémie que nous vivons. Il y aura parmi elles toutes ces mesures sociales : croyez bien, en tous cas, que nous ferons tout ce qu’il faut pour cela.

Pour le reste, il est très difficile de faire autre chose que de faire le pari de la confiance et de la discipline. Que valent les mots qui ont été prononcés ? C’est ce que nous allons voir dans les prochaines heures. Faisons le pari de penser qu’ils ont été prononcés avec sincérité, car ainsi nous pouvons en demander l’exécution. Je veux dire par là que toutes les paroles que j’ai entendues sur le personnel médical, et sur tous ceux qui sont sur la première ligne de front de la lutte contre l’épidémie, vont se traduire par des actes concrets.

Il faut évidemment que tous les dispositifs de santé — tous sans exception, non seulement les services publics mais aussi privés, dans toutes leurs formes et dans tous leurs aspects — soient réquisitionnés au service de la lutte, sous la direction des autorités sanitaires et des autorités de l’État.

Il faut mobiliser les moyens de production pour produire les millions de masques dont nous avons besoin, et les autres instruments de la vie quotidienne qui permettent d’affronter l’épidémie.

Nous ne pouvons pas imaginer qu’une grande nation comme la nôtre ne soit pas capable de produire très rapidement et en très grandes quantités des objets aussi élémentaires — bien qu’ils aient une certaine technicité, comme toute autre chose — que des masques. Cela n’est pas pensable.

Je voulais vous dire toutes ces choses parce que je crois qu’il y a besoin d’écoute, d’échange. Au demeurant, si vous êtes confinés maintenant, vous aurez le temps, non seulement de m’écouter, mais aussi de réfléchir par vous-mêmes. La plus grande des sources des réserves dont nous disposons, c’est évidemment notre matière grise et notre capacité à discerner, à penser rationnellement et à mettre nos actes en conformité avec ce que nous croyons juste de faire.

Souvenons-nous qu’il n’y a pas de solution individuelle. Il n’y a que des solutions collectives dans une telle situation. Personne ne peut penser qu’il peut affronter tout seul et à mains nues le coronavirus : ce serait absurde. Ce qui est certains, c’est que nous arriverons car nous allons le faire tous ensemble.

Au demeurant, ne croyons pas que nous allons en sortir sans tristesse, sans deuil et sans souffrance. C’est ainsi : les choses n’ont pas été faites à temps, les dispositions n’ont pas été prises il y a quelques années, lorsque les premières grandes épidémies ont commencé à déferler sur l’économie mondialisée, sur la grande cité mondiale qu’est devenue notre planète. Au contraire, les sociétés se sont abandonnées au chacun pour soi, à « libérer les énergies » et autres fadaises dont nos oreilles ont été rebattues pendant tout ce temps.

C’est désormais dans la difficulté et dans l’épreuve qu’il s’agit de construire. Prenons notre part, faisons ce qui doit être fait : du pire, tâchons de tirer du meilleur. »

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