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27.06.2020

Guerre des juges, insurrection policière : l’autorité de l’État s’effondre

Nuit après nuit, des policiers en armes et gyrophares en feu se rassemblent en manifestations interdites. À l’Arc de Triomphe, à la Concorde, autant de lieux interdits parce qu’ils sont à proximité de l’Élysée. Ils ne viennent là que pour menacer le pouvoir central du pays. On peut penser beaucoup de mal de ce pouvoir comme c’est mon cas. Mais il est le pouvoir d’une nation libre. On ne peut accepter qu’il soit menacé par des gens en armes qui sont censés maintenir l’ordre républicain du pays. Puis les mêmes vont devant de la maison de la radio. Pour menacer des journalistes. On peut penser beaucoup de mal du parti-pris gouvernemental souvent ridicule des organes d’information de l’État. Mais on ne peut accepter que les questions qu’il pose se règlent par l’intimidation et la menace physique armée. Au demeurant le message veut porter loin : il est adressé ainsi à tous les organes de presse, à tous ceux qui écrivent ou publient d’une façon ou d’une autre.

 
Cette volonté de s’ériger par la force en juge de toute expression a trouvé à Stains un paroxysme hautement symbolique. Là, les mêmes exigent l’effacement d’une fresque murale pourtant inaugurée par le maire. Une prétention vociférée non seulement sans rappel à l’ordre mais encouragé par le préfet.
 
J’écris ces lignes comme une mise en garde. Les prétendues « forces de l’ordre » créent un désordre bien particulier porteur d’un message factieux bien spécifique. Après avoir manifesté devant le siège du Mouvement Insoumis, fait sans précédent resté impuni, après avoir menacé des juges, fait resté impuni, après avoir menacé des journalistes, fait resté impuni, un quarteron de policiers factieux étale son impudence en fanfare et affiche sa prétention liberticide contre les institutions, la presse et la justice. Et le préfet de police, l’homme d’un camp, dit qu’il ne sait pas de qui il s’agit. Les autorités qui hier prétendaient que les gilets jaunes étaient des factieux selon le mot de Castaner, et même « une menace pour la République », laissent faire.
 
Pourquoi ? Oui, pourquoi ? Castaner a-t-il quelque chose à cacher que ces gens savent ? Le président a-t-il déjà trop peur parce qu’il sait qu’il serait incapable de ramener dans le rang les factieux ? Le préfet de police est-il complice ou seulement victime lui aussi de menaces qui l’empêchent d’agir ? Quand, où et à quelles conditions le syndicat d’extrême droite va-t-il cesser ces agissements ? Veut-il un contrôle sur le contenu des diffusions audiovisuelles à leur sujet ? Veut-il un contrôle sur les œuvres concernant la police ? Ou bien revendique-t-il seulement le droit de mutiler et d’étrangler les gens sans être inquiété ? Ces questions résument l’inacceptable de ce qui se passe sous nos yeux.
 
Ici, l’autorité de l’État républicain s’est effondrée devant ceux-là même qui devraient en être les garants. Le message des factieux est clair. La police est devenue autonome. Elle n’obéit qu’à ce qu’elle veut et comme elle veut. Le syndicat Alliance, organisation d’extrême droite, la dirige en réalité puisque plus personne ne s’oppose à ses volontés. Les policiers républicains vivent dans la peur et eux aussi sous la menace. La responsabilité de toute cette situation vient du comportement du ministre, et sans doute davantage encore de ceux qui le laissent ne rien faire. Tout autre avait été la réaction du ministre de l’Intérieur Pierre Joxe face à une tentative d’émeute de même nature par des policiers.
 
Et ce n’est pas tout. La décomposition de l’Etat avance sur un autre front encore plus sensible : celui de la justice. Là encore, au sommet de la pyramide, Belloubet incarne ce qui se donne libre cours dorénavant. Le mépris le plus absolu des formes et pratiques républicaines de l’État. Le carriérisme et l’intrigue comme mode de vie publique. Au total, une incarnation de la disparition de la Vertu là où elle devrait être seule au pouvoir. Elle a assuré la victoire d’un réseau de magistrats contre un autre. Je rassure : aucun insoumis à l’horizon dans cette mêlée. Et depuis en cascade le règlement de compte personnel est devenu la norme. Eliane Houlette fait plonger Catherine Champrenault procureure générale via Mediapart ? Alors Catherine Champrenault à son tour confie tout le dossier des enquêtes sur Houlette à Médiapart. Pressions avouées à retardement, secret de l’instruction violé en permanence, intimité affichée entre justice et média pour violer la loi…à quoi bon se gêner puisque la Garde des sceaux en personne a encouragé ces façons de faire. Mais dans ce cas l’enjeu est tout autre.
 
La bonne administration de la justice n’est pas un service public comme un autre. Il s’agit ici tout simplement de l’essence et de la raison d’être républicaine. La loi est le stade suprême de la norme humaine en démocratie. On oublie trop souvent de quelle étendue est ce principe de fonctionnement. On oublie en effet un « en même temps » fondateur : la déclaration des droits de l’homme est aussi celle « du citoyen ». Qu’est-ce que la citoyenneté ? L’aptitude à faire de la loi et à la respecter, même quand elle ne vous convient pas. Ceux qui ont pour mission d’apprécier si quelqu’un la viole remplissent donc une fonction comparable à celle que la superstition attribue aux dieux eux-mêmes. Dans la religion républicaine le juge est le servant du temple où nait la loi, l’assemblée des représentants du peuple. Nulle grandiloquence ici. Seulement une banale répétition des fondamentaux qu’ignorent ou méprisent les libéraux. Car eux ne connaissent que le rapport de force, le marché et le contrat, c’est-à-dire tout ce que l’idée républicaine s’efforce de maîtriser et de civiliser. Là encore aujourd’hui, le cœur de l’autorité de l’État, celle qui nait de la légitimité de ses lois, est effondré. Et les femmes qui en ont sapé les appuis viennent à présent s’en rengorger les unes contre les autres. Pendant que les premiers responsables politiques sont les vrais coupables de la situation.
 
Ce week-end là, « Le Journal du Dimanche » titrait « Le complot des juges » à propos de l’affaire Solère, un député issu des Républicains. Pour l’abattre, selon ce journal, des faux et des « à peu près » ont été commis par des juges, parmi bien d’autres choses très étonnantes. Aucune réaction ne fut à noter du côté de la Garde des Sceaux et de ses commandos. C’est qu’un bruit courrait déjà dans Paris depuis des semaines. La prochaine déchéance ministérielle de Belloubet aurait réouvert le jeu des chaises musicales dans la haute magistrature. La rivalité des réseaux battrait donc son plein. Bien des rédactions étant liées aux divers réseaux pour leur fuites organisées, les rubricards police et justice se tenaient donc à l’affut. En effet tout leur job repose sur le copié collé des dossiers qui leur sont transmis depuis les parquets ou la police. Tous les trafics d’info que l’on peut imaginer dépendent donc étroitement de ces connivences des médias avec les autorités qui trouvent leur compte à violer la loi. Du côté des parrains politiques, l’agitation battait son plein. La réouverture des procédures contre Darmanin en pleine prévision du remaniement ministériel en attesterait. Les révélations sur les protections de la ministre Élisabeth Borne de même. Et la grande crise de non-candidature de Bruno Le Maire, suprême prudence, doit peut-être quelque chose aussi à l’ambiance de peur qui règne dans le sillage des robes pourpres et des hermines en pleine agitation de palais.
 
J’en passe et de plus complotistes. Mais si un modeste réseau d’information comme le nôtre parvient à capter ces bruits de couloirs c’est qu’ils ne sont pas mieux maitrisés qu’une querelle de ménage dans les murs en papier d’une HLM. Du coup chacun se prépare à feuilletonner. Ce dimanche-ci, c’est Le Parisien qui titre « la justice se déchire ». L’éditorial parle de « la guerre des robes ». Deux pleines pages en ouverture du quotidien. Pour autant, rien ne devrait aller trop loin car il y a beaucoup d’entre soi contraint dans ces nœuds de vipères. Certes, haines rancœur et vendetta devraient cuire sous la roche diffusant son venin dans les fonctionnements du quotidien. Mais dans l’ambiance de décomposition de l’État qui prévaut à cette heure ? La guerre des juges est l’autre face de la médaille de l’insurrection policière. L’inertie du pouvoir, sa tétanisation sont des signes très inquiétants. Sait-on de quoi demain sera fait ?
 
Dans la justice, le terreau de la pagaille résulte des manœuvres du réseau justice PS devenu réseau de PS passés aux macronistes. Aucune dimension idéologique là-dedans. Il s’agit juste de se faire de la place au soleil à la place d’autres. En charge de ce réseau, du temps de Hollande qui l’avait nommée au Conseil Constitutionnel : Nicole Belloubet, réputée pour son aptitude à l’intrigue comme en témoigne sa trajectoire. Ce réseau ainsi protégé avait petit à petit grignoté le terrain vers le sommet des carrières à coup de promotions éclairs.
 
C’est ainsi que madame Catherine Champrenault fut choisie en 2015 comme chef du parquet de Paris dans l’avion qui ramenait François Hollande de Guadeloupe. Il y avait rencontré sur place cette camarade de parti et dans l’avion Ségolène Royal et Christiane Taubira soutinrent ardemment sa nomination. Ségolène l’avait connue quand elle travaillait à son cabinet de ministre de l’Éducation. Le réseau PS au ministère de la Justice était en pleine construction. Mais cette promotion surprise du parquet de la Guadeloupe au premier parquet de France fit l’effet d’u passage d’un éléphant dans un magasin de porcelaine. Car il y avait eu avant cela un autre épisode de manière forte en février 2014 où la Garde des Sceaux avait convoqué le procureur de Paris pour lui demander de quitter son poste au nom d’une sensibilité politique différente. Champrenault n’ayant aucun titre qui la distinguait sur le plan professionnel, fut vue comme une redite de la main de fer. L’avis favorable du Conseil supérieur de la magistrature fut acquis à une voix près. De grandes figures de la magistrature furent expulsées du jeu sans ménagement et même parmi elle des femmes comme Catherine Pignon, ancienne présidente de la conférence des procureurs généraux, prouvant que le sujet n’était pas la parité. Depuis il est acquis dans le milieu judiciaire que tout est possible quant aux postes à pourvoir. Pour complexifier la guerre des robes, une deuxième fracture s’opéra. Celle des magistrats colorés à droite et passé chez Macron. Ceux-là ont donc retrouvé sur leur pallier d’anciens rivaux devenus des alliés. Charmant mais délicat quand le nombre des postes n’augmente pas.
 
Dans ce contexte, ne commettons pas l’erreur de nos adversaires naguère. Ils se réjouirent de nous voir en difficulté face aux perquisitions, puis ils s’amusèrent de voir une manifestation de policiers devant notre siège, puis ils se gaussèrent des procès-verbaux d’audition recopiés en entier dans «Le Monde» et «L’Express» dans la dernière semaine de la campagne européenne. L’avocat Dupont-Moretti nous proposa de la camomille en nous voyant protester contre tous les abus de pouvoirs à l’origine du procès qui nous a condamnés à Bobigny. Tous ces mauvais coups étaient des révélateurs du mal profond qui ronge le système de l’intérieur et accompagne sa dérive autoritaire. À présent tous ceux-là se découvrent eux-mêmes sur la sellette. Mais le danger factieux et la guerre des robes menacent la substance républicaine elle-même. Ce qui est en cause ne concerne pas un parti ou une sensibilité politique. Tout le monde est concerné par ces abus ! C’est une crise de l’État que nous affrontons.

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