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À l’eau ! Tout est en cause

Le cycle de l’eau est un bien commun. De l’eau souterraine jusqu’à celle qui tombe du ciel, c’est une seule et même réalité en mouvement. Sa préservation, la gestion de son dérèglement, va être au coeur des grandes questions de l’Humanité dans les décennies à venir. Partout, nous voyons des signes extrêmes de perturbations du cycle de l’eau et leurs conséquence destructrices sur les sociétés humaines.

En France aussi, nous avons sous nos yeux des épisodes réguliers de pénurie ou d’excès d’eau douce. Et parfois les deux se passent simultanément sur le territoire. C’est le cas en ce moment. Les 18 et 19 septembre, des orages ont éclaté dans les Cévennes. On a l’habitude, désormais, des épisodes pluvieux dans le sud du pays. Ils reviennent plusieurs fois par an avec, à chaque fois, leur cortège de maisons inondées, de coupures d’électricité, de canalisations éventrées. Mais cette fois-ci, l’eau sera tombée encore plus que d’habitude. Quelques chiffres sont particulièrement impressionnants. Dans la ville de Vallerague, dans le Gard, il est tombé entre minuit et 14h autant de pluie qu’en un an à Paris. Quant à la rivière du Gardon, son niveau est monté de 6 mètres en quelques heures.

Pourquoi ces pluies ont-elles à voir avec le changement climatique ? Ce n’est pas un hasard si la régularité des pluies diluviennes augmente dans le sud du pays. C’est en effet lié à l’écosystème méditerranéen. La mer Méditerranée n’est reliée à l’océan global que par l’étroit détroit de Gibraltar et ses 14 petits kilomètres. Du coup, l’eau met cent ans à se renouveler entièrement. Le réchauffement y est donc accéléré. La température grimpe en Méditerranée à un rythme 20% plus soutenu qu’ailleurs dans le monde. Cela provoque une évaporation bien plus intense de l’eau. D’où, aussi, des épisodes de précipitations violentes plus fréquentes sur le bassin, comme on le constate ces dernières années dans le sud de la France.

Quelques centaines de kilomètres au nord-est, se trouve le département du Doubs. Il tire son nom d’une rivière, le Doubs. Cette fois, c’est le manque d’eau qui préoccupe. La rivière est en effet à sec. Totalement par endroits où il n’y a même plus un filet d’eau au milieu du lit. En moyenne, la rivière qui fait généralement 100 mètres de large en est réduite en ce moment à 1,5 mètres. En cause : une sécheresse particulièrement longue. Le Doubs est en effet en déficit chronique de précipitations depuis le mois de mars. Dans le même temps, les températures sont plus élevées, contribuant à l’évaporation de la rivière. Mais la sécheresse est aussi accentuée par la bétonnisation. Dans ce département, l’artificialisation des sols s’est faite au détriment de zones humides. Or, ces écosystèmes agissent comme des éponges, captant l’eau dans les périodes de précipitations et la stockant pour les période de sécheresses.

Sécheresses, pluies torrentielles, inondations : nous allons être confrontés de plus en plus dans l’avenir à ces phénomènes. En Afrique subsaharienne, la saison des moussons est d’une violence et d’une intensité rarement constatée. Ces dernières semaines, les villes de Dakar, Abidjan, Nouakchott, Ouagadougou, Accra, Cotonou, Niamey, Douala et Khartoum ont été inondées. Au Soudan, le record absolu historique a été enregistré concernant le niveau du Nil. Idem pour le fleuve Niger. Ces pluies torrentielles sont très déstabilisatrices pour les sociétés. 360 000 personnes ont déjà dû quitter leur domicile et se mettre sur les routes. Bien sûr, ce n’est que le début. Car l’eau, quand elle passe à cette puissance, détruit tout. Et surtout les installations agricoles. La récolte a été détruite entièrement par endroit. On continuera donc à voir des déplacements de populations désorganisatrices dans les mois qui viennent. Ces déplacements seront parfois autant de défis géopolitiques car ils ignoreront les frontières et les règles de leur franchissement.

Toute cette situation tient en peu de mots. Le réchauffement climatique et l’altération humaine de la biosphère modifient le cycle de l’eau. Ce fait n’est plus réversible. Nous pouvons encore le limiter grâce à une politique de planification écologique et de bifurcation de l’industrie dans les dix prochaines années. Mais dans tous les cas, nous devons nous adapter. Cela signifie accompagner les conséquences de la situation. Là encore, il faut planifier. Prévoir. Organiser. Arrêter absolument les politiques d’artificialisation des sols qui aggravent tout : les sécheresses comme les inondations. Enfin traiter l’eau comme le bien commun qu’elle est et donc ne plus la confier au privé.

La France doit lancer une politique de grands travaux avec pour objectif l’adaptation de nos infrastructures aux nouvelles conditions climatiques. Par exemple, il faudra surement enterrer une bonne partie des lignes électriques haute-tension. On l’a vue dans le Gard : les lignes aériennes sont évidemment bien plus exposées aux conditions climatiques extrêmes… Il y en a 100 000 kilomètres aujourd’hui en France. Au rythme actuel, il faudra 330 ans pour toutes les enterrer. Nous n’avons pas 330 ans devant nous ! Et il faut espérer que dans 330 ans on maîtrise d’autres moyens d’accès a l’énergie. Le même raisonnement concernant la durée de renouvellement s’applique pour les canalisations d’eau. Elles ont été conçues pour être remplacées tous les 60 ans. Or, nous en sommes à un rythme de remplacement de 150 ans ! Donc beaucoup de canalisations sont vétustes. Et donc se rompent plus facilement en cas d’inondations. Mais aussi perdent beaucoup d’eau en route, ce qui pose problème en cas de sécheresse. Un milliard de mètres cubes d’eau part chaque année dans les fuites. C’est l’équivalent de la consommation annuelle de 18 millions d’habitants.

Enfin, cette nouvelle condition climatique nécessitera de renforcer tous les comportements d’entraide dans la société. Les communautés humaines solides face à des catastrophes ou des évènements extrêmes sont celles qui valorisent le plus les liens de solidarité. En particulier, je pense que la conscription devra être rétablie. Elle devra servir à fournir le nombre de bras nécessaires pour des tâches de sécurité civile, de sauvetage, de reconstruction. Nous ferons face comme peuple uni d’une nation républicaine.

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