Dans les discussions au parlement, il a beaucoup été question du déficit de l’État. Mais comme le gouvernement n’a pas présenté de projet de Loi de Finances rectificatif pour la Sécurité sociale, comme cela aurait été pourtant logique, on a moins parlé de la situation financière de la Sécurité sociale. Pourtant, il est évident que la situation sollicite beaucoup d’engagements de ce côté-là aussi. Heureusement, la pandémie nous a frappé avant que les libéraux n’aient fini le travail de détricotage de la Sécu. Il suffit de voit la situation des classes populaires qui n’ont pas les moyens de se payer une assurance santé privée aux États-Unis pour avoir une idée de ce qu’est une société sans sécurité sociale. Du côté des dépenses, le gouvernement a indiqué que les dépenses de santé de la Nation allaient augmenter de 8 milliards d’euros cette année. Évidemment, il faudrait beaucoup plus pour rattraper les plans d’austérité appliqués stupidement ces dernières années à l’hôpital public. Buzyn et Macron sont à eux seuls responsables de 12 milliards d’euros retirés à la santé publique.
Mais il y a aussi moins de recettes pour la Sécu dans la période. C’est normal : elle fonctionne comme un « amortisseur automatique » en cas de crise économique. Elle garantit un revenu a ceux qui ne peuvent plus travailler. Et elle permet des allègements de trésorerie non négligeables. En effet, les entreprises sont exonérées de cotisations sociales sur les indemnités de chômage partiel. Cela coûte 2,5 milliards d’euros par mois d’après l’estimation de l’administration. À cela, il faut ajouter le report de trois mois du paiement des cotisations encore dues, rendu possible sur simple déclaration pour la plupart des entreprises. Des annulations pures et simples pour les cafés et restaurants ont été annoncées pour un montant de 750 millions d’euros. Mis bout à bout, cela fait pas mal de cotisations en moins. À l’échéance du 15 mars, pendant le confinement les caisses de la Sécu ont perçu 60% des cotisation dues. Puis 66% à l’échéance du 5 avril et 50% à celle du 15 avril. Le déficit de recettes va être aggravé par l’absence de cotisations décidée par le gouvernement sur les primes pour les soignants, pour les fonctionnaires exposés et la prime facultative dans le secteur privé.
Logiquement, la baisse des recettes et l’augmentation des dépenses sont compensées par de la dette. Au mois d’avril, la Sécurité sociale a augmenté son plafond d’emprunt de 40 à 70 milliards d’euros. Au total, la dette des organismes de sécurité sociale devrait atteindre entre 150 et 180 milliards d’euros à la fin de l’année 2020. Le chiffre parait énorme. Mais en réalité, elle reste à un niveau relativement faible. Ces montants représentent entre 6% et 7,5% du PIB. Sur un total de dette publique qui atteindra 115% du PIB. Et cela alors que le budget de la Sécurité sociale est plus important que celui de l’État. Il n’y a pas à avoir peur de dettes de ce montant-là. D’autant plus que c’est le rôle de la Sécurité sociale que d’entrer en déficit en temps de crise. Ses ressources dépendent de l’emploi. Plus il y a de chômeurs, plus il y a de dépenses pour la Sécu et moins il y a de recettes. Et inversement.
Cependant, l’expérience de la crise de 2008 conduit à être prudent. Le déficit de la Sécurité sociale s’était fortement creusé en 2009-2010. Par la suite, les gouvernements de Sarkozy, Hollande et Macron ont imposé des cures d’austérité continues à la sécu pour payer le coût de l’impact de la période de crise. Combien de temps cette fois ci allons-nous avoir la charge de « payer la crise » ? On a vu que la réduction des lits d’hôpitaux ne s’est jamais interrompue. Combien de « réformes » destructrices de l’assurance chômage et des retraites va-t-il falloir subir sous prétexte de solder les comptes de la pandémie ? C’est la raison pour laquelle j’ai proposé cette fois de prendre les devants et mis sur la table une solution rationnelle et opérationnelle d’annulation de la dette, via sa transformation en « dette perpétuelle » par la BCE. Pour cela, la dette de la Sécu devrait être d’abord transférée à celle de l’État. Cela ne change rien dans les comptes de la Commission européenne qui globalise de toute façon. Mais cela aère les comptes et signale qui devra assurer la responsabilité. Pour la Sécurité sociale aussi, l’avenir ne peut pas être consacré au remboursement de la dette.