L’histoire du syndicat bidon de lycéens créé sous la houlette du ministre Jean-Michel Blanquer est une bonne illustration de ce qu’est ce personnage d’abord tellement surcôté. On connait bien Jean Michel Blanquer et depuis longtemps. À son arrivée rue de Grenelle, il était déjà lesté d’un lourd bilan. « Dgesco » de 2009 à 2012, c’est à dire numéro 2 du ministère de l’Éducation nationale, il avait personnellement piloté la suppression de 60 000 postes d’enseignants décidée par Nicolas Sarkozy.
Une saignée dont l’Éducation nationale ne s’est pas remise. Blanquer était allé jusqu’à supprimer de la formation des enseignants. Comme si le métier n’existait pas. Comme si l’on pouvait s’improviser enseignant, c’est-à-dire pas seulement sachant d’excellence mais passeur de savoir. Résultat de cette décision absurde et brutale : une grave crise de recrutement, depuis lors jamais résorbée.
M. Blanquer n’a jamais défendu le service public d’éducation. Il est avant tout l’homme des intérêts du privé. Ancien directeur de l’Essec, business school aux frais de scolarisation moyens de 13 500 euros, il oeuvre ainsi depuis des années en faveur du séparatisme scolaire. En 2019, sa loi pour une « école de la confiance » a représenté un jackpot financier pour l’enseignement privé. Plusieurs dizaines de millions d’euros d’argent public supplémentaire aux maternelles privées en contrepartie de l’allongement de l’obligation scolaire à 3 ans. Dans le même temps, le ministre a porté un coup sévère au caractère républicain, garant de l’égalité de traitement de tous les élèves, de l’École. Sa contre-réforme du lycée a introduit un enseignement à géométrie variable et mis fin au caractère national du baccalauréat. Sa valeur dépend désormais de la réputation du lycée dans lequel il est passé. Une logique de mise en concurrence prélude à la marchandisation de l’École.
Car pour Jean-Michel Blanquer, le modèle c’est le privé. Dans une vidéo diffusée en 2016, il s’enthousiasme pour les écoles « Espérance banlieues ». « Ce que fait Espérance banlieues aujourd’hui correspond aux types d’initiatives que nous devons prendre » déclare-t-il lors de l’introduction du colloque de ce réseau d’écoles privées hors contrat.
Cet engagement en faveur des intérêts privés à l’Ecole doit-il aux nombreuses proximités que Jean Michel Blanquer entretient avec les entreprises du CAC 40 ? Membre du comité directeur de l’association Agir pour l’école il a ainsi participé à la mise en place de programmes d’apprentissage à la lecture financés par Dassault, Bettencourt et Axa. Blanquer a également travaillé à la rédaction de plusieurs rapports de l’Institut Montaigne, think-tank financé par la BNP Paribas, Carrefour, Sanofi, Total, Uber ou Google… Christophe Kerrero, son directeur de cabinet de 2017 à 2020 est quand à lui membre du conseil scientifique de l’IFRAP, officine néolibérale bien connue pour sa propagande hostile au service public. Deux ennemis de l’école publique à la tête du ministère de l’Éducation nationale.
Le tartuffe aime à se présenter comme un laïque. Mais je n’ai pas oublié son engouement en faveur de ce réseau « Espérances banlieues ». Proche du milieu catholique traditionaliste il fut abrité, à sa création, par la Fondation pour l’Ecole dirigée par Anne Coffinier. Le journal Le Monde la décrit comme l’« égérie de la Manif pour tous ». Je n’ai pas oublié non plus sa complaisance envers un réseau intégriste cherchant à ouvrir en 2007, dans la banlieue lyonnaise, une école privée hors contrat. Directeur de cabinet adjoint du ministre de l’éducation, Jean Michel Blanquer intervient alors directement pour pousser à son ouverture. Il ira jusqu’à faire pression sur le Recteur Alain Morvan, opposé à ce projet susceptible de menacer la sécurité des futurs élèves. Il s’avérera quelques années plus tard que le fondateur de cette école privée hors contrat était en lien avec Al-Qaïda en Syrie.
Aussi fut-il stupéfiant d’entendre Jean Michel Blanquer, l’agent des intérêts privés, le lobbyiste de l’extrême droite catholique, éructer ses accusations en « islamo-gauchisme » contre les insoumis et l’université française, coupables de ne pas penser comme lui.
S’il reçu alors le soutien de Marion Maréchal, laquelle releva dans ses déclarations une « reprise de ses analyses », dans la surenchère du ministre contre la liberté de l’université. Aux questions précises posées par Alexis Corbière à l’Assemblée nationale et laissées sans réponses, j’ajoute ces deux interrogations.
Première question. Qu’en est-il de la réalité de l’épidémie de la Covid dans l’Éducation nationale ? Le journal Libération nous révèle comment Blanquer fabrique ses propres chiffres pour amoindrir la mesure de sa diffusion. Exemple : début novembre, le ministre annonce 3 528 cas de contaminations de la maternelle au lycée en quatre jours. Au même moment Santé publique France en recense 25 196 chez les jeunes de 0 à 19 ans en trois jours. Un gouffre inexplicable.
Pour démentir les données scientifiques officielles, Blanquer a manifestement contraint la haute administration de l’éducation nationale à participer à son opération de falsification de grande ampleur. En Nouvelle-Aquitaine et en Occitanie les chiffres de contaminations des rectorats sont 11 fois inférieurs à ceux de Santé publique France. 12 fois en Île-de-France. 19 fois en Bourgogne-France-Comté. 24 fois en Auvergne-Rhône-Alpes. Et ainsi de suite !
Ce trucage monumental est destiné à tromper les familles, les élèves et les personnels de l’éducation nationale. L’inquiétude grandissante née de l’allègement du protocole sanitaire décidé le 21 septembre dernier. En dépit de l’accélération de la diffusion du virus, il faut en effet désormais trois cas positif dans une classe pour conduire à sa fermeture. Auparavant un seul suffisait.
Nous ignorons donc tout de la réalité de la situation sanitaire dans l’Éducation nationale. Très grave problème. Nous parlons de la santé de douze millions d’élèves, de celle du million de personnels. Nous parlons de la sécurité sanitaire du pays, impossible à rétablir sans information fiable, indispensable à une lutte efficace contre la propagation du virus.
Seconde question. Blanquer a-t-il utilisé de l’argent public pour favoriser une organisation lycéenne proche de la majorité ?
Le syndicat lycéen UNL vient de déposer une plainte contre le ministère de l’Éducation nationale pour « inégalité de traitement ». La baisse considérable des subventions nécessaire à son activité a manifestement profité à une autre organisation, « Avenir Lycéen », créée et dirigée par des adhérents des « Jeunes avec Macron ».
« Avenir Lycéen » a en effet reçu en 2019 la somme de 40 000 euros, officiellement accordés pour financer l’organisation d’un congrès. Celui-ci ne s’est jamais tenu. A la place, l’argent aurait permis à certains de ces « Jeunes avec Macron » de payer des factures d’hôtels et de restaurants de luxe.
« Avenir Lycéen » est étroitement lié au gouvernement. Le délégué national à la vie lycéenne, fondateur en 2016 du groupe « Les profs en marche » et nommé à son poste par Blanquer en 2018, en relaie les contenus sur les réseaux sociaux. La pseudo organisation lycéenne diffuse quant à elle la propagande de Blanquer sur les siens. Bien des signes nous laissent penser que l’intrication entre cette toute jeune organisation lycéenne et LREM est plus consubstantielle encore.
En attendant, faut-il donc voir dans ce traitement de faveur, sonnant et trébuchant, une contrepartie à l’appui d’ « Avenir lycéen » à la politique de Jean Michel Blanquer ? Pendant ce temps, le syndicat UNL a lui tout pour déplaire au ministre. Il s’oppose à sa politique. Pour ce crime de lèse-majesté il a ainsi vu sa subvention divisée par 4 en deux ans. Blanquer est un ennemi juré de l’école publique, de l’université libre et des lycéens indépendants. Il prend sa place au Panthéon des ministres les plus detesté de la macronie après Beloubet et Castaner.