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Europe : Le Pen rejoint la niche. Jusqu’au bout.

Le contexte des idées change. Depuis 2012 les compétitions de leadership dans chacune des deux grandes familles politique du pays ont beaucoup évolué. Le Front National a placé la droite et le centre dans une tenaille dont ils ne parviennent pas à desserrer l’étau. Il a conquis le leadership sur cet ensemble parce qu’il le domine. Croire que le RN serait aussi paralysé que ceux qu’il tient à la gorge du deuxième tour est une vue de l’esprit. La pente actuelle amène le pouvoir dans les mains de Le Pen sans qu’on voit ce qui pourrait le retenir à cette heure. Car en levant la digue, avec son apologie de Pétain et de Maurras, Macron a provoqué un renversement des pôles magnétiques de la planète politique. Et dans cette situation désastreuse qu’ils ont créée, le seul endiguement que les macronistes tiennent contre vents et marées, nuit et jour à tous propos, par tous les moyens c’est face aux Insoumis.

Dès lors les coalitions du futur se dessinent dans cette nouvelle latéralisation : à un bord l’extrême droite et à l’autre les insoumis, la ligne de partage se formant à cette heure sur des marqueurs tels que la haine des musulmans sous prétexte de laïcité, l’adhésion à une Europe mythique, et bien sûr la foi inébranlable dans le marché et la concurrence libre et non faussée. À l’intérieur de ce bloc, un nouveau marqueur est en train de s’effacer : il s’agit de l’Europe. Dans ce cas, c’est le RN et Le Pen qui se met en mouvement pour effacer le clivage. Et ce n’est pas tout. Le parti de Madame Le Pen a tourné sur deux questions fondamentales : l’Union européenne et l’organisation de la République.

Le tournant européiste du Rassemblement national est bien résumé par Jordan Bardella sur RTL. « Nous étions pour un referendum sur la sortie de lUnion européenne. Maintenant le contexte européen a significativement évolué. Et vous savez je crois quon ne fait pas de la politique dans son bureau, ni dans le rétroviseur. Il faut prendre en compte aussi ce que nous ont dit les Français dans le cadre de la dernière élection présidentielle et notamment sur la question monétaire.» L’eurodéputé déclarait en effet sur France 5 le 18 décembre « La question de leuro en tout cas ne mapparait pas principale aujourdhui. Je pense quil faut conserver leuro en l’état et améliorer ce qui ne fonctionne pas ». Ceux qui proposaient hier à leurs électeurs le Frexit défendent donc aujourd’hui l’euro tel qu’il est. L’Union européenne telle qu’elle fonctionne. 

Mais le parti à la nouvelle flamme européiste va encore plus loin. Dans un communiqué daté du 4 janvier, il appelle « l’Union européenne (à) s’engager sans réserve » au Mali. Au ralliement à la monnaie européenne, à son marché et ses institutions, l’extrême droite ajoute la perspective d’une Europe prenant la main sur les enjeux militaires et géopolitiques. À ce rythme elle rejoindra bientôt le chœur des adeptes macroniens de la « souveraineté européenne ».

Hervé Juvin, un autre eurodéputé RN, appelle quant à lui à généraliser « le principe de subsidiarité », érigé au rang de principe fondamental de l’Union par le Traité de Lisbonne. Derrière ce nouveau signal d’un ralliement au dogme européiste c’est toute une conception de l’organisation administrative du pays qui est en cause. Juvin veut « laisser aux territoires des leviers d’expérimentation, quitte à assumer des écarts ».

On connaît la chanson. Cette rhétorique des territoires est devenue un lieu commun chez ceux qui ont décidé que la « terre ne ment pas »  comme dirait Maurras. Le localisme comme adaptation à la mondialisation néo-libérale. Réglementations et droits différents d’une région ou d’un département à l’autre sont les préludes à la mise en concurrence de leurs habitants. Juvin veut faire régner entre Français le dumping social et fiscal qui prévaut déjà entre peuples européens. C’est une très lourde évolution. Elle vient après le renoncement de marine Le Pen à changer la Vème république comme l’annonçait autrefois le programme du FN. Revendiquant son rejet du « jacobinisme », appelant à la formation de « petites patries » l’eurodéputé RN s’attaque aux fondements de la République une et indivisible.

La République est une et indivisible parce que la loi est une et indivisible. Et c’est pourquoi la seule communauté reconnue en République est la communauté légale. En conséquence, la République garantie en principe à tous ses habitants l’égalité devant la loi. Nous avons toujours soutenu ce point de vue contre tous ceux qui veulent créer des droits communautaires. Juvin se revendique du « localisme ». Évidemment, un « droit local » cela fait moins barbare, moins obscur et moins sombre qu’un « droit communautaire ». Mais c’est la même chose : tout ce qui rompt l’unité de la loi ouvre sur un communautarisme. Et tous les communautarismes finissent inéluctablement dans la même ornière, celle de l’ethnicisme. Dans tous les cas une telle reconstruction de la France administrative et politique, c’est exactement le modèle européen des Landers allemands, et même, sous l’ancien régime, celui du Saint empire romain germanique.

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