M. Jean-Luc Mélenchon attire l’attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, quant à l’avenir de l’administration des douanes et de ses agents.
L’article 184 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 acte le transfert à la direction générale des finances publiques (DGFIP) de la gestion, du recouvrement et du contrôle de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Cette disposition, à laquelle le groupe parlementaire de La France insoumise s’est opposé à l’Assemblée nationale, est contraire à l’intérêt général. En effet, sa gestion et son contrôle relèvent d’un savoir-faire spécifique des douanes. Alors que la TICPE représente 33 milliards d’euros perçus chaque année, le coût de recouvrement est très faible : il est de 0,39 cts pour 100 euros recouvrés. Quelle est donc la raison objective d’une telle manœuvre ? M. le ministre a invoqué des prétendues recommandations du rapport Gardette (2019). Celui-ci préfigurait le transfert de recouvrement et de contrôle d’un certain nombre de taxes à l’horizon 2022-2024 au profit de la direction générale des finances publiques (DGFiP). Or ce rapport précise que le maintien de la gestion de certaines taxes est « justifié » notamment pour « la TICPE dont le suivi suppose un contrôle continu de l’exploitation, de la circulation, de la mise à la consommation et de l’usage final des produits concernés ». En effet, les méthodes de travail des agents des douanes reposent sur le contrôle physique de la marchandise, tandis que la DGFIP effectue des contrôles documentaires a posteriori. De plus, les finances publiques ont perdu entre 30 000 et 40 000 postes en 15 ans et doivent subir près de 3 500 suppressions de postes d’ici 2022. Comment assumer de manière satisfaisante une augmentation des missions alors que les moyens humains sont amoindris ? Il ne s’agit pas de déprécier le travail des agents de la DFIP mais d’allouer les bonnes missions aux bons acteurs. Or le transfert de gestion de la taxe sur les boissons non alcooliques (BNA), effectif depuis le 1er janvier 2019, indique que le Gouvernement fait fausse route. En effet, des pertes notables de recettes (environ 20 %) ont été constatées au détriment des finances de l’État. Ce résultat confirme que les douaniers sont les agents les mieux à même de traiter cette taxe et d’assurer la traçabilité et le contrôle des produits concernés. Le bon fonctionnement de cette administration est un enjeu financier.
La perception de ces différentes taxes par l’administration des douanes rapportait au budget de l’État plus de 34 milliards d’euros en 2019. C’est aussi un enjeu social. En effet, les transferts de gestion menacent emplois et les bureaux spécialisés tels que celui de Port-de-Bouc risquent de fermer. Près de 700 emplois sur 4 ans sont concernés. La région Provence-Alpes-Côte d’Azur concentre à elle seule 10 % des effectifs menacés. M. le député s’inquiète. Le Gouvernement ne chercherait-il pas à déposséder les douanes pour mieux justifier leur démantèlement ? Est-ce une façon de remercier les douaniers, qui se sont fortement mobilisés dans le cadre de la crise sanitaire ? Ce travail de sape d’un tel outil régalien est à rebours des urgences actuelles. Depuis la création du grand marché commun par l’ouverture des frontières en 1993, la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) a perdu près de 6 000 agents. Ils doivent retrouver leur rôle de régulateurs des flux de marchandises et de capitaux et disposer des moyens adéquats. En effet, la pandémie mondiale de covid-19 a mis en exergue la nécessité pour le pays de recouvrer sa souveraineté industrielle, sanitaire et alimentaire.
De même, le fait écologique à l’origine de cette pandémie autant que l’urgence climatique imposent de changer en profondeur les modes de production, de consommation et d’échanges. Cela implique de relocaliser l’appareil productif et donc un contrôle accru des frontières. Le service public douanier est indispensable à cette bifurcation. En conséquence, il souhaite savoir s’il compte recevoir l’intersyndicale des douanes et entendre leurs revendications ; il apparaît urgent, en sa qualité de ministre de tutelle, d’enfin prendre la défense de cet acteur crucial de la souveraineté nationale.
Retrouvez cette question sur le site de l’Assemblée nationale