Je note une certaine stabilité dans le paysage de la campagne présidentielle au point où elle en est aujourd’hui. Du moins dans l’espace attribué à cette « gauche » dans laquelle nous installent les analystes. Un nouveau sondage paru dans « l’Obs » confirme une tendance déjà nette depuis plus d’un an. D’une part Macron et Le Pen figurent en tête, d’autre part la « gauche traditionnelle » est hors-jeu. Cependant, l’analyse de l’observatoire insoumis des sondages m’a mis la puce à l’oreille. Il faut donc nuancer toute interprétation. Non pas tant à cause de la distance de cette élection. Mais surtout du fait que la fiche technique de ce sondage n’est pas publiée au complet. Il n’est donc pas possible de connaitre l’ampleur et la nature des « correctifs » apportés par l’entreprise de Brice Couturier.
Je pars donc de ce qui est publié faute de mieux. Je mets de côté, tout de suite, ce qui me concerne directement. Dans quatre cas sur huit examinés par ce sondage un score de 9 % m’est attribué. 10 % dans les autres. Point d’accord : je crois à la stabilité de ce que représente ma candidature, car elle est confirmée elle aussi depuis plus de deux ans dans les enquêtes. Mais à quel niveau ? Là est la dispute éventuelle. Je comprends parfaitement qu’il faille m’attribuer un « 9 % » dans la moitié des configurations prévues de manière à produire un effet d’identité « en dessous de 10 » avec le candidat PS ou celui d’EELV. Je m’amuse de voir que pour le faire, il aura fallu m’attribuer moins de 45 % de mes propres électeurs de 2017 ! Et le plus fort taux d’abstention de tous les candidats. Une situation jamais indiquée par aucun sondage jusqu’à ce jour. Ces derniers m’attribuent au contraire une stabilité avec 60 % de fidélité de mes électeurs dans les cas les plus bas. C’est ce que fait un autre institut de sondage une semaine avant celui-ci… Mais, passons !
Je note aussi que contrairement à d’autres sondages réalisés dans le passé à aucun moment ma candidature comme candidat de cette « union » tant désirée par les sondeurs n’est publiée. Dommage. Dans les précédentes enquêtes, même dans cette configuration, et aussi bien face à Hidalgo que Jadot dans le même rôle, j’arrivais en tête. Pourquoi ici ne publie-t-on pas ce résultat ? Parce que le but est de reconstituer la force de centre gauche d’hier, pas de formuler un nouveau bloc populaire. « L’Obs » note que le sondage confirme la stratégie de rassemblement d’Anne Hidalgo. Bonjour la novlangue ! Cette stratégie consiste à taper sur les insoumis et EELV ! Logique ! Le but est de reconstruire la suprématie du PS et rien de plus. Cela est tout simplement impossible. Mais tant qu’ils le croient…
Mais ce n’est pas, non plus, le plus intéressant à mes yeux. Voyons ce qui est spectaculaire : qu’advient-il lorsque se réalise l’union du PS et de EELV ? C’est aussi intéressant à examiner que la stabilité qui m’est attribuée. Car on note alors : Jadot fait mieux qu’Hidalgo ! Mais comme cela se joue à un point, admettons que ce soit insuffisant pour trancher leur compétition. Quoique ce ne soit pas le moindre aspect du problème qui leur est posé. Le plus remarquable à mes yeux est ailleurs. L’addition de ces deux de candidatures ne donne un résultat égal ou supérieur au total de chacun des deux qu’à la condition d’imaginer un transfert total de leurs électeurs respectifs (ce qui est peu probable) mais aussi d’une très grande partie de tous les autres dans cet espace politique. Ce qui est tout simplement impossible. Et par-dessus tout, une fois de plus il est clair que « l’union » ne suffit pas pour accéder au deuxième tour. Et il se confirme que « l’union » ne fait pas non plus remonter le « total gauche ». Elle ne change donc rien au tableau de ce que nous connaissons déjà. Cela signifie qu’il est impossible de créer une dynamique électorale sur cette base. Impossible ! Rien ne se passera sans que ce soit une dynamique d’adhésion a des mesures dans un programme qui motive les gens pour aller voter sans faire escale à l’extrême droite ou dans le macronisme.
Dans ces conditions la bonne nouvelle est ailleurs. Elle vient de tout ce qui apparaît dans le programme des uns ou des autres comme convergeant avec le contenu de « l’Avenir en commun ». Cette addition-là est propice pour créer ces nouvelles « hégémonies culturelles » dont nous avons tant besoin pour reconstituer un bloc électoral dynamique. J’ai dit ce que je trouvais de positif, de ce point de vue, dans le programme d’Arnaud Montebourg. « L’Obs » prétend du coup que je serai d’accord « au mot près » avec Montebourg. Naturellement il s’agit d’une de ces simplifications infantilisantes dont raffolent les journalistes pressés. En vérité oui, il y a des idées sur lesquelles nous sommes d’accord « au mot près ». Mais cela sans cacher ce qui pour le reste nous sépare aussi profondément. Dans le même état d’esprit, je suis heureux de voir le programme de Laurent Joffrin comporter désormais une mesure de « rappel des élus ». Il se situe dans le même état d’esprit que notre « référendum révocatoire », même s’il n’est pas du tout identique. Cette question n’est nullement secondaire. Elle participe à la remise en cause du caractère monarchique de la fonction présidentielle pour ne parler que d’elle. Je prends le pari que ce n’est pas la dernière idée venue dans notre programme que l’on retrouvera dans celui des autres. Je considère cela comme autant de victoires idéologiques. Non pour nous attribuer des médailles ni réclamer des droits d’auteurs. Mais pour constater que le travail accompli par nos préparations et par la mobilisation électorale porte ses fruits et contribue à construire une nouvelle « culture commune » même si elle reste parcellaire même si elle ne suffit pas à combler l’écart avec notre parti pris de rupture avec le système économique et politique dominant. Mais refuser de le voir, faire grise mine par principe ne nous aiderait guère à entraîner. Encore une fois j’ai la certitude que la dynamique électorale viendra de la force d’entrainement du programme.