Le 21 janvier, je dialoguais à Marseille avec le groupe des « écrivains insoumis ». Il s’agit de militants marseillais engagés depuis le début de mon mandat de député dans une initiative novatrice et riche en enseignements. Lorsque j’ai été élu à l’Assemblée nationale, je cherchais, comme mes collègues du groupe insoumis, un moyen de faire ma permanence parlementaire un lieu utile pour les gens de ma circonscription. Je voulais rompre avec les logiques clientélistes et le système des interventions passe-droits. Ce groupe est venu à moi en me proposant de recevoir la file des Marseillais qui sollicitaient mon bureau pour leurs problèmes de logement, de papiers, de retraite, d’allocations. Leur but était de reprendre les méthodes des écrivains publics dans une permanence parlementaire afin d’aider à l’accès aux droits. Il s’agit donc non pas d’intervention du parlementaire pour peser, mais d’une démarche de conquête de ses propres droits.
J’ai tout de suite dit oui. Et je dois dire que je suis impressionné de voir un tel dévouement dans l’action durer depuis et même se développer. Je n’y ai aucun mérite personnel. Les « écrivains insoumis » font partie d’une constellation d’innovations militantes testées à Marseille depuis 2017. Avec l’équipe qui m’accompagne là-bas, nous avons fait de cette ville une sorte de laboratoire du mouvement. Nous avons, au fur et à mesure, inventé tout un panel de pratiques. Elles dessinent un rapport à la politique très différent de ce que l’on trouve dans les vieux partis. Il s’agissait de ne pas répéter les éternelles intrigues internes qui prennent tellement de temps et détournent de l’action populaire. Dans mon esprit, le rôle du mouvement de la révolution citoyenne n’est pas de construire un parti, mais un peuple révolutionnaire. Il sort donc nécessairement des logiques d’avant-garde et de la posture de surplomb par rapport aux gens. Nous avons tâché de remplacer cette attitude par une volonté de se rendre utile tout de suite. Je sais bien qu’aux municipales nous n’avons échappé à aucune des tares traditionnelles des intrigues poisons et dentelles de la course aux places. Tant pis. Cela n’enlève rien à la valeur de ce qui compte aux yeux des insoumis venus à ce mouvement pour servir les objectifs de la révolution citoyenne.
Les « écrivains insoumis » ont incarné à merveille cette ligne de conduite. Ils se sont confrontés à la pauvreté extrême de Marseille, qui est une caractéristique centrale du néolibéralisme. Ils ont pris le problème par un bout : celui de l’accès aux droits et donc à la dignité en tant que personne. Évidemment, des droits sociaux, on passe rapidement aux droits politiques. Les droits, en France, fonctionnent avec la citoyenneté. Ainsi, par le truchement de l’aide à l’écriture, ils prennent leur part à la tâche de la révolution citoyenne. Des pauvres qui commencent à demander le respect qui leur est dû à l’État ne sont déjà plus des individus éparpillés : ils peuvent former un peuple et passer à la conquête de la souveraineté.
D’autres initiatives, à Marseille, sont issues de la même démarche. Je les cite dans cette note afin que chacun prenne connaissance du chemin parcouru depuis la création de la France insoumise. Il s’est inventé en douceur une nouvelle pratique politique correspondant à une analyse rassemblée dans la théorie de l’ère du peuple et au déploiement d’une stratégie : la révolution citoyenne. Il y a eu, bien sûr, en juillet 2018, la brillante rénovation citoyenne de l’école de la Liste dans les quartiers nord. D’autres ont développé des « caravanes santé » pour faire de l’accès à la santé là où l’État s’est totalement retiré dans ce domaine. Pendant le confinement, les insoumis marseillais se sont organisés pour monter les « manufactures solidaires ». Il s’agissait de fabriquer les masques et le gel hydroalcoolique qui manquaient alors pour cause de l’absence de planification et du refus du gouvernement de réquisitionner les usines nécessaires comme nous le demandions à l’Assemblée nationale. Depuis le printemps, nos militants organisent chaque semaine des collectes de denrées alimentaires et essentielles. Ma permanence sert de lieu pour la centralisation de ces opérations. C’est une réaction à l’explosion de la pauvreté résultant de la pandémie et de sa gestion désastreuse.
La plupart de mes collègues au groupe parlementaire, en lien avec leur situation locale, ont eux aussi inventé une pratique parlementaire centrée sur l’aide à l’auto-organisation. Ainsi, tous ont ainsi transformé leur permanence en lieu de collecte alimentaire. Je suis très fier de toutes ces actions. Elles élèvent le degré d’auto-organisation populaire dans le pays. Ceci sera précieux lorsque nous aurons à mettre en œuvre les grands objectifs de L’Avenir en commun comme l’éradication de la pauvreté. 30 ans de diffusion du néolibéralisme ont considérablement atomisé les liens de solidarité de la société. Nous avons besoin de fortifier les habitudes d’entraide. Cette tâche est plus importante à un projet de changement structurel que n’importe quelle intrigue.