Devant l’échec complet de la politique face à la crise sanitaire, on avait d’abord cru à une diversion. La lutte contre « l’islamo-gauchisme » semblait plus accessible au gouvernement que celle contre la COVID 19. À mesure que la déroute de la campagne de vaccination s’accentuait, on voyait bien le ton islamophobe monter. Mais nous observons trop de situations dans le monde où se conjuguent des coups de forces politiques avec les restrictions des libertés publiques qui accompagnent les périodes de confinements, couvre-feux et autres. Au point que l’ONU s’en alarme avec des mots qui visent aussi à l’évidence la France de Macron. Et de fait, en quelques jours, notre pays semble avoir basculé dans un moment politique qu’on semble ne savoir nommer. L’accélérateur a été cette soirée de France 2 installant le débat entre l’extrême droite traditionnelle et l’extrême droite gouvernementale et faisant comme si la lutte contre l’islam était bien le sujet central en France. D’abord imaginée comme un moyen de faire de l’audience à bon compte pour une émission en pleine déroute d’audimat, la soirée a vite dégénéré en une escalade de névroses anti-musulmanes. Avant de sombrer dans le cirage de pompe pur et dur où la chef politique de l’information, madame Saint-Cricq, félicitait madame Le Pen pour sa présidentialisation. Depuis lors toutes digues ayant cédé dans la bonne société, un véritable tourbillon se déploie.
Selon le New York Times, Macron a fait le choix de la ligne politique pratiquée par Victor Orban en Hongrie. J’ai fait ici même ce rapprochement déjà, me souvenant de ce passé récent en Europe. Victor Orban avait commencé par y être élu Premier ministre libéral avant de perdre les élections sur cette ligne. Puis il était revenu en gagnant les suivantes après un intermède social-démocrate tout aussi libéral. Mais son retour à la tête de l’État s’est fait avec un discours et une pratique qui l’unissait de fait à l’extrême droite. C’est ce scénario qui semble l’emporter en France. Ici aussi il est devenu difficile de dire ce qui distingue le RN de Macron. On avait vu des députés hongrois venir en séance dans un uniforme des milices d’extrême droite. En France on voit monsieur Darmanin accuser madame Le Pen d’être trop molle contre l’islam et celle-ci dire qu’elle aurait pu signer le livre de Darmanin. Dans ce contexte, l’offensive contre « l’islamo-gauchisme » à l’université est à la fois un appel du pied marqué à l’extrême droite et une offensive contre un milieu attaché aux libertés publiques. Après la réplique de la conférence des présidents d’université et celle du CNRS, moqueurs mais sidérés, le régime n’a pas marqué une hésitation. Il est donc vain dorénavant d’attendre un retour en arrière.
Confirmés à leurs postes et poursuivant leur « kriegspiel » universitaire, Vidal et Blanquer complètent avec ardeur le travail de Darmanin. Au départ, si l’on en croit une étude du CNRS, le concept « islamo-gauchiste » est né dans la mouvance d’extrême droite et il est surtout destiné à flétrir les insoumis. Après l’assassinat de Samuel Patty, l’appétit venant en mangeant, l’extrême droite a accentué sa pression en étendant l’accusation à un large secteur de la gauche politique et associative traditionnelle. Cent cinquante universitaires liés à la nouvelle extrême droite se prononcèrent même pour l’organisation de la chasse aux sorcières à l’université. Celle-ci était prise à revers car elle avait volontiers laissé faire et même abondé pour accentuer la possibilité d’un isolement des insoumis. Elle fut donc incluse sans pouvoir se défendre dans un filet qu’elle avait elle-même contribué à tendre. Mais la situation devient réellement trop grave pour que nous en restions à nos amertumes même face à des partis qui ont cherché avec tant de grossièreté à se débarrasser de nous.
Nous avons donc pris l’initiative de proposer une riposte commune. On peut lire sur ce blog notre lettre aux organisations politiques traditionnelles de la gauche. L’AFP en rend compte à sa façon en concluant par le « circulez, il n’y a rien à voir » du gouvernement. Comme si l’affaire était close et sans un mot sur l’ampleur des protestations qui se sont exprimées. Telle est l’information en France. Mais nous n’en sommes plus étonnés. Il faut d’ailleurs bien intégrer cette place que prend, en pleine conscience de ses actes, l’information officielle gouvernementale celle du « service public » dans la mise en place du nouveau régime. Elle complète celles des chaînes « d’information en continu » contrôlées par les amis du pouvoir. Un bloc médiatique est ainsi constitué où les respirations deviennent rares. Ce qui est certain c’est cette nouveauté advenue sous nos yeux : la confusion de la macronie et des lepénistes. Cela ne sera pas sans conséquence sur la macronie comme sur l’extrême droite. Mais les libertés et le pays vont subir une très rude épreuve. Cela va de soi.