Le 3 mars 2021 à la tribune de l’Assemblée nationale, Jean-Luc Mélenchon a défendu la levée des brevets sur les vaccins contre la Covid-19. Voici la retranscription de son intervention.
« Je réserverai la totalité de mon intervention à la question d’actualité brûlante du moment pour les êtres humains en général et pour les Européens bien sûr, en particulier les Français : c’est la question du vaccin et de la liberté d’accès au vaccin. C’est une question fondamentale. L’unité de l’humanité est une évidence dès lors qu’elle est mise et confrontée à la similitude de la condition humaine quelles que soient les latitudes des couleurs de peau, des religions, des âges, etc. face à la mort, face à la maladie, face à la préservation de l’écosystème. Peut-être avez-vous su que j’ai publié récemment avec l’ancien président du Brésil, Monsieur Lula, l’ancien Président de l’équateur, Monsieur Rafael Correa, et Jean Ziegler, bien connu de nous les Français, le vice-président du comité consultatif du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, un appel pour la levée des brevets sur les vaccins. Il circule et nous ne sommes pas les seuls à le demander.
Je voudrais rappeler que c’est une initiative qui est largement soutenue dans le monde. Le directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé s’est prononcé pour. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe s’est prononcée pour. Il y a des initiatives citoyennes européennes comme celles des médecins issus de 11 États européens différents, des organisations en France, je citerai la CGT, ATTAC, la FSU, la Ligue des droits de l’Homme, Solidaires, le PCF, le PS, Europe Ecologie Les Verts, les Insoumis, peut-être d’autres que j’oublie et je m’en excuse auprès d’eux, réclament eux aussi cette liberté d’accès au brevet.
La loi, le droit, souvent nous fait obligation d’aller au secours d’autrui. Ainsi dans notre loi française, la non-assistance à personne en danger est punie par le code pénal de 5 ans de prison. Au niveau international, le droit de la mer oblige à porter secours à toute personne en détresse quel que soit le détour de sa propre trajectoire. Et bien, devant tout cela, l’Organisation mondiale du commerce reste absolument fermée à toute conscience humaine. À sa dernière réunion, les 1er et 2 mars, elle s’est opposée à la suspension des brevets sur les vaccins. C’était une demande qui venait de l’Inde et de l’Afrique du Sud. Et l’Union européenne s’est jointe à ce refus. L’Union européenne, à cette heure, s’oppose à la suppression des brevets sur les vaccins. Et bien cela, nous ne l’acceptons pas, et je suis certain que très peu nombreux sont sur ces bancs qui l’acceptent.
Les licences d’office, suppression des droits des brevets, pourraient sauver des milliers de vies, en même temps que dès lors que la protection se répandrait, la libre circulation se retrouverait à améliorer d’autant, entre les peuples, les personnes d’un bout à l’autre de la planète. C’est d’une telle évidence que personne n’a jamais songé à la contredire. Mais enfin regardons en face, nous autres Français, la situation que nous avons sous les yeux. 50 pays les plus riches ont reçu 70% des doses injectées. 50 pays les plus pauvres ont reçu 0,1% des doses injectées. À l’heure à laquelle nous parlons, l’argent est le discriminant exclusif entre les êtres humains pour leur accès à la protection sanitaire. Le vaccin Pfizer est 10 fois plus cher que le prix qui est proposé sur le plan international comme celui qui permettrait la diffusion la plus ample du vaccin. Pour produire plus et éviter les pénuries sur tous les continents et ne plus connaître ces retards de livraison comme ceux que nous connaissons en France, il faut cette liberté d’office d’accès aux brevets.
J’ajoute qu’on ne saurait se satisfaire d’accords qui reposent sur la bonne volonté du « Big Pharma », ici ou là, de renoncer à leur droit de licence. Non ça ne peut pas être suffisant et nous Français, nous ne pouvons pas nous contenter d’une telle attitude qui consisterait à penser que la charité est équivalente à la solidarité, même si naturellement je n’ai pas l’intention de repousser la charité de qui que ce soit dans ce domaine. Mais non, ce n’est pas sur cette base qu’on peut organiser les relations internationales, d’autant que nous avons des droits. 40 milliards de profits sur les vaccins, 30% de marge sur le vaccin pour Pfizer : sans recherche publique il n’y aurait pas eu de vaccin. Le financement public direct représente 15 milliards de dollars. Toute la recherche universitaire, et notamment française, sur le Covid est partagée librement et gratuitement. « Big Pharma » confisque le travail de l’humanité. Pas de profit sur la santé – c’est par là que je terminerai – c’est possible.
Je voudrais rappeler à notre honneur que le vaccin sur la polio, son inventeur a refusé de déposer un brevet, le traitement contre le Sida les licences d’office existent et en France, oui en France. Jusqu’en 1959, il était interdit de ramasser de l’argent sur un brevet de vaccin et je voudrais que cela continue et que la parole de la France à l’Europe ce soit de dire : ça suffit, liberté d’accès aux vaccins pour l’humanité toute entière ! »