M. Jean-Luc Mélenchon interroge Mme la ministre de la transition écologique au sujet du projet d’extension de l’aéroport Marseille-Provence.
Les associations tirent la sonnette d’alarme. Marseille possède déjà le cinquième aéroport de France en nombre de passagers annuels. Le nombre de passagers est passé de 6 à 10 millions en 10 ans. Pourtant, un nouveau plan d’aménagement a pour objectif d’atteindre les 18 millions de passagers en 2045. Entre 2017 et 2020, une première tranche du projet a doublé la capacité d’accueil du terminal 2, dédié aux vols à bas coût. Une nouvelle étape appelée « Cœur d’aérogare » consiste en une extension du terminal 1 de l’aéroport Marseille-Provence avec 22 000 m² d’espaces supplémentaires, dont 6 000 m² de commerce, avant la construction éventuelle d’une nouvelle jetée d’embarquement de 13 000 m². Or 70 % des avis exprimés lors de l’enquête publique y étaient opposés.
Pourtant, le commissaire enquêteur a rendu un avis favorable. Le préfet des Bouches-du-Rhône a délivré le permis de construire en décembre 2020. Le mardi 9 février 2021, des associations ont adressé un recours gracieux contre ce permis de construire au préfet des Bouches-du-Rhône. Tout d’abord, ce projet est à rebours des ambitions climatiques de la France. En effet, l’augmentation des capacités d’accueil des aéroports favorise l’accroissement du trafic aérien. De fait, cela participe d’une augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Or la France n’atteint pas ses objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre en matière de transport. Depuis 1990, elles ont augmenté de 9 %. Globalement, les émissions de gaz à effet de serre du secteur aérien ont déjà doublé depuis 1990 en Europe. Sans bifurcation radicale, elles risquent de tripler d’ici à 2050.
Ensuite, il trahit les propositions de la Convention citoyenne pour le climat. En effet, par sa mesure SD-E3, celle-ci demande clairement d’« interdire la construction de nouveaux aéroports et l’extension des aéroports existants ». Or la rédaction de l’article 37 du projet de loi « portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets » est largement insuffisante. En effet, cet article prévoit que les projets de création ou d’augmentation des capacités d’accueil des aéroports ne puissent être « déclarés d’utilité publique en vue d’une expropriation (..) s’ils ont pour effet d’entraîner une augmentation nette, après compensation, des émissions de gaz à effet de serre générées par l’activité aéroportuaire par rapport à l’année 2019 ». Il ne s’agit en rien d’une interdiction. Les conditions établies permettront à de multiples projets de voir le jour. En effet, l’activité aéroportuaire était au plus fort en 2019, avant la pandémie. Ce point de repère est donc très peu ambitieux. Par ailleurs, sur la dizaine de projets en cours ou à l’étude actuellement, aucun n’a nécessité ou ne nécessitera de déclaration d’utilité publique (DUP), à l’exception du projet d’extension de l’aéroport de Nantes. Celui-ci est par ailleurs mentionné dans les diverses exceptions permises par l’article. Y ajouter une possibilité de « compensation » aux contours flous achève de rendre cet article inoffensif.
Au final, les 10 plus grands projets d’extension en cours devraient échapper au champ d’application de l’article 37. En outre, la pollution aérienne se double d’une injustice sociale. Par exemple, le coût de la nouvelle phase du projet d’extension de l’aéroport de Marseille Provence nommé « Cœur d’aérogare » serait d’au moins 140 millions d’euros. Surtout, il ne constitue qu’une étape d’un projet global encore plus coûteux, estimé à près d’un demi-milliard d’euros. Pourtant, de tels investissements publics profitent à un nombre restreint d’individus. En effet, seuls 1 % de la population mondiale produit 50 % des émissions mondiales du secteur aérien. En France, parmi les ménages dont le niveau de vie est le plus faible, moins d’un quart a pris l’avion en 2015. Au lieu d’investir dans un tel projet symbole d’une fuite en avant anti-écologique, il apparaît indispensable de planifier la bifurcation du secteur aérien en concertation avec ses salariés. Les alternatives à l’aérien devraient être déployées dans les Bouches-du-Rhône, comme à l’échelle nationale. Il manque 3 milliards d’euros chaque année jusqu’en 2030 pour relancer le ferroviaire et atteindre les objectifs fixés par la stratégie nationale bas carbone.
Pourtant, le fameux projet de loi climat ne contient aucune mesure en ce sens. L’État détient 60 % de l’aéroport Marseille-Provence. Il est donc en mesure de mettre un terme à ce projet d’extension. Pour cela, l’article 37 du projet de loi en cours de discussion à l’Assemblée nationale doit être réécrit de manière conforme à la demande de la convention citoyenne. Par conséquent, il aimerait savoir si le Gouvernement entend se donner les moyens de ses ambitions climatiques.
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