Cétait dimanche dernier. Cet entretien de presse est paru dans « Libération ». J’ai pensé que les questions et les réponses méritaient d’être donnée à lire à ceux qui ont peut être manqué cet épisode. En effet, j’ai fait un effort de définition des concepts qui peut servir dans la durée. On devine qu’il s’agit d’une réflexion à partir des évènements qui ont agité la chasse aux sorcières islamo-gauchistes qui s’abattait a ce moment-là sur Audrey Pulvar.
Quelques jours avant, il y avait eu l’invasion de la séance du conseil régional d’Occitanie par l’extrême droite. Elle fut suivie d’une incroyable charge de sa présidente PS contre l’Unef. Nombreux furent ceux qui se sont indignés de cette agression incongrue de Carole Delga. Dont moi. Méprisante pour les autres, celle-ci répliqua de nouveau en me mettant seul en cause. Mieux valait dans doute qu’elle n’insiste pas sur le nombre et la qualité des socialistes qui se sont eux aussi indignés de voir dans une telle région une présidente « PS » approuver une campagne d’extrême droite contre le syndicat historique de la gauche qu’est l’Unef.
Peu importe le feuilleton il faut en retenir la leçon : le PS n’est guéri d’aucune de ses mauvaises manières. Arrogante et peu entrainée au respect des autres comme le montre son style de présidence de l’assemblée régionale, Carole Delga se fiche bien du fait que l’extrême droite qui a envahi son conseil soit celle qui demande la dissolution du syndicat Unef. Au contraire elle l’aide. Évidemment, tous les lèches-bottes de la pub institutionnelle sont venus en renfort de leur maitre et ont renvoyé dos à dos l’agresseur et les agressés dans la bonne tradition médiatique qui au nom de l’objectif donne cinq minute au bourreau et cinq à la victime.
Ces derniers jours, vous mettez le PS dans le camp de la droite et de son extrême, ce n’est pas un peu trop ?
Votre résumé grossier ne permet pas de comprendre l’alerte que je lance au pays. Je dis aux dirigeants socialistes qu’ils sont irresponsables d’apporter de l’eau au moulin des mensonges sur l’Unef. La campagne de la droite et de l’extrême droite vise la dissolution d’un syndicat historique. Ce serait un seuil sans retour pour la démocratie en France. La pente autoritaire du régime macroniste est déjà assez grave. Que fait le PS ? Il s’est abstenu sur la loi «séparatisme» contre les musulmans. Il a ensuite refusé de s’associer à une marche commune pour les libertés. Cette dérive m’inquiète. J’ai lancé l’alerte en 2013 en disant que Valls ministre de Hollande était contaminé par les idées d’extrême droite. A l’époque, toute la bonne société miaulait d’admiration devant ses coups de menton. Mais depuis, tout le monde a vu que j’avais raison. Je donne l’alerte encore une fois. L’extrême droite et les macronistes ont lancé une chasse aux sorcières contre les syndicats et le camp de l’égalité. Ils ont repris tel quel à l’extrême droite cette accusation absurde d’islamo-gauchisme. Quand Olivier Faure, Carole Delga ou Anne Hidalgo emboîtent le pas de Darmanin et Le Pen contre l’Unef le lendemain de l’attaque contre le conseil régional d’Occitanie, ils donnent le point à l’extrême droite. Leur lâchage d’Audrey Pulvar est ignoble. Même quand Madame Vidal s’en prend aux universitaires, le PS ne proteste plus ou à peine. C’est irresponsable d’agir ainsi en diviseur face au pire adversaire.
Le dialogue est-il possible avec votre ancienne famille ?
Evidemment ! Mais pas au prix de la complaisance. J’ai dit que je me sentais la vocation d’un candidat commun. Quelle a été la réponse du PS ? Des insultes et la reprise des calomnies macronistes contre les insoumis. Ils s’en sont aussi pris à EE-LV. Vont-ils faire pareil contre Madame Pulvar qui refuse de jeter des pierres à l’Unef ? Si les chefs du PS veulent le dialogue, qu’ils changent d’attitude. Mais je crois qu’ils préparent surtout leur ralliement à Macron. Les socialistes authentiques et les républicains conséquents se sentent piégés. Ils finissent de quitter le PS. Je les invite à continuer ensemble le combat. Nous avons besoin d’eux dans la résistance qu’il faut organiser. Ils sont attendus et ils sont évidemment les bienvenus avec nous.
C’est quoi pour vous, être universaliste ?
Je crois qu’il y a un peuple humain. Je vois que tous les êtres humains sont semblables et dépendent d’un seul écosystème compatible avec leur survie collective. Ils sont donc des égaux en droits et en dignité et tous appelés au même combat pour libérer leur vie et la nature du capitalisme qui la détruit. Devant la pénurie d’eau ou l’air et la terre empoisonnés, un homme est le semblable d’une femme. Un Noir le semblable d’un Blanc. L’universalisme ne signifie pas rendre tout le monde identique, c’est impossible. C’est agir en partant de ce qu’il y a de commun à toute l’humanité. Mais l’universalisme doit être concret, réel, sinon c’est un mot creux et un prétexte à discriminations. Il ne peut prendre le sens d’une «assimilation» au contenu de plus en plus incertain tant le monde est désormais mêlé. La créolisation est l’avenir du peuple humain. Elle est une production commune où chacun contribue sans exclusive. La devise de la République est un programme politique toujours inachevé. Il faut faire vivre sa force révolutionnaire d’émancipation contre les dominations sexistes et racistes et l’inégalité sociale. Le problème posé à l’universalisme, c’est le racisme, pas le fait que les victimes du racisme se sachent «racisées» ! En face, nous avons affaire à des tartuffes de l’universalisme. Ils disent défendre la laïcité mais refusent d’abolir le Concordat en Alsace-Moselle. Résultat ? Ils voudraient le Concordat mais pas pour les musulmans [en référence à l’affaire de la mosquée de Strasbourg, ndlr] ? Absurde et discriminatoire ! Encore une fois, c’est nous qui portons la voie raisonnable en proposant l’extension des bénéfices de la loi de 1905 à tout le territoire et l’abolition du Concordat. Aucune religion ne doit être subventionnée.
Le débat autour de l’islam et de l’identité ne cesse de prendre de la place, comment s’en sort-on ?
En refusant de participer à la campagne de Le Pen. En résistant à la pression de la peur du «qu’en-dira-t-on» ! Monsieur Macron est le pyromane qui a lâché les démons de guerre. Il trahit sa fonction de garant de l’unité du pays. Il faut unir le peuple sur ce qui lui est commun au lieu de toujours le diviser par des débats stériles et stigmatisants. Il faut ramener au premier plan la question sociale et écologique. Le problème des étudiants, c’est la pauvreté, les conditions d’études, la fin des petits boulots, l’absence d’emploi après leurs études, pas les réunions internes de l’Unef ! Il faut combattre l’agression et la diversion du pouvoir macroniste sur ce sujet. Et si on doit parler d’identité, alors il faut assumer l’identité républicaine de la patrie. C’est le lien civique qui fonde la nation, pas la couleur de peau ni la religion. Le peuple français se créolise, mais il fait peuple si tout le monde est citoyen. L’identité française, depuis 1789, c’est l’égalité !
Comment peut-on qualifier l’intrusion dans l’hémicycle du conseil régional d’Occitanie ?
Agresser les assemblées, interdire les syndicats, ce sont les traits typiques du fascisme. Depuis des années, nous alertons. L’extrême droite attaque des bars, des librairies, menaces des parlementaires. Eric Coquerel, député LFI, a été agressé, j’ai fait l’objet d’une tentative d’assassinat. Cinq d’entre nous ont fait l’objet de menaces de mort. Les syndicats factieux de la police ne cessent de nous insulter et de nous désigner comme cible des violents. Il a fallu des mois pour obtenir la dissolution d’une de ces bandes. Avec nous, tous ces groupuscules seront dissous et mis hors d’état de nuire avec toute la force de la loi.
Vous avez compris le sens du terme «islamo-gauchiste» ?
C’est juste un rayon pour paralyser les pleutres. Nous ne sommes pas concernés. Partout où les islamistes agissent, mes amis en sont les premières victimes. En Tunisie, à Charlie, ce sont nos camarades qui ont été tués. En fait, la campagne sur ce thème a le même sens que l’accusation de «judéo-bolchevique» dans les années 1930. Le pouvoir cherche à diviser et faire diversion en fabriquant un bouc émissaire. Les déclarations d’admiration de Macron pour Pétain et Maurras, deux traîtres antisémites, ont abattu une digue essentielle. Et, pour le PS, c’est un prétexte pour justifier son regroupement avec Macron contre nous. C’est le vieil adage «Plutôt Hitler que le Front populaire». Tout cela peut finir très mal si je ne gagne pas l’élection présidentielle !
Vous craignez la guerre civile ?
La guerre de religion y conduit toujours très directement. Il faut agir sans concession, avec courage et ténacité. La France n’a pas le droit d’échouer, car il y va de son identité républicaine. La paix civile, c’est aussi le sens de ma candidature. Nous alertons. Nous résistons même sous les insultes. J’essaie de tenir la digue républicaine de la concorde, de la liberté de croire ou pas y compris pour les musulmans, de l’égalité et de la fraternité. Chacun doit mesurer la gravité du moment. Tout peut être emporté. La situation est au point que c’est nous, héritiers du combat des libres penseurs contre les clergés, qui sommes le dernier rempart de la liberté du culte, en l’espèce pour les musulmans ! C’est le moment de tenir bon, quoi qu’il en coûte. Toutes les bonnes volontés seront les bienvenues. L’enjeu, ce n’est pas nos partis, mais notre pays et le risque qu’il encourt. J’appelle le camp de l’égalité à faire bloc face à la menace !