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07.04.2021

Des moulins partout pour le 100% renouvelables !

Intervention de Jean-Luc Mélenchon à l’Assemblée nationale le 7 avril 2021 dans le cadre du débat sur le projet de loi climat. Le député insoumis a notamment souligné l’importance d’installer, dans tout le pays, des moulins pour produire l’énergie dont nous avons besoin pour atteindre le 100% renouvelables. Voici la retranscription de son intervention :

« Je suis ami intime d’un moulin du 12e siècle à Laguépie dans le département du Tarn-et-Garonne. Et de la sorte j’ai appris à connaître ce qu’ils étaient, leur histoire et ce qu’ils pourraient être pour le futur, car c’est cela qui va motiver pour l’essentiel ce que j’ai à dire. Pour le passé, et pour envoyer un amical salut au 635 habitants de Laguépie, ça m’amuse de savoir que ce sont des moines qui ont construit ça et puis que ça a fini comme un repère communistes pendant la Résistance et qu’on avait vu passer là Jean Jaurès pour monter les murets.

Nos collègues qui, donc, font état d’un patrimoine ont mille fois raison et c’est certainement la forme des patrimoines les plus anciens qu’ait notre pays, parce que l’eau qui a été moyen de transport initial avant même la roue, a été ensuite la première énergie qui a pu être transformée pour donner une énergie mécanique et qui continue aujourd’hui à être la seule forme d’énergie qui n’épuise pas sa ressource. Au contraire, elle l’entretient et elle l’aère. Puisque j’y suis, j’en profite pour rajouter un argument de plus à la défense des biais, bis et seuil. C’est que l’eau qui se déverse à la cascade est porteuse d’ions négatifs lesquels sont excellents pour la santé et sont une ressource médicament gratuit mis ainsi et répandu tout au long des rivières.

Ce préambule ayant été fait, j’en viens à la suite. La suite est que nous croyons nous qu’il faudra dans ce pays revenir sur la politique centenaire – ce n’est pas ce gouvernement qui est en cause dans cette affaire – qui a conduit à détruire toute sortes de constructions anciennes au profit de nouvelles constructions qui, elles, ne procédaient pas du tout des mêmes logiques des philosophies. Le moulin du 12e siècle dont je vous parle améliorait le site naturel. Les moulins construits au 19e siècle, eux, ne s’en souciaient pas parce que ce n’était pas la question du moment et que la préoccupation écologique était seconde. On pensait de manière un peu fanatique, un peu aveuglée, qu’il s’agissait de se rendre « maître et possesseur de la nature », comme avait dit Descartes. Et du diable si on allait s’occuper de tel ou tel poisson ou de tel bestioles qui vivait dans l’eau. Ce n’était pas le sujet.

Alors il y a moulin et moulin et je crois que nous en convenons tous. C’est pourquoi, pour ma part, je ne ferais pas l’apologie des propriétaires de moulin comme meilleurs conservateurs de la nature et des outils qui s’y trouvent installés tout le long. Non, je me réfère à une autre raison. C’est que dans le futur ceux qui veulent que l’on passe aux énergies renouvelables à 100% feront le tour de toutes celles qui sont disponibles et ils s’apercevront très vite qu’il n’en est aucune qui ne comporte des inconvénients. Si on parle des éoliennes, de l’énergie thermique, toutes ont des inconvénients. Cependant la prise d’eau est celle qui peut, premièrement, être la plus abondante. Le pays était couvert de dizaines de milliers de moulins dans les siècles précédant. Des milliers et des milliers et des milliers, partout, et on les a remplacés dès lors qu’il a été possible de produire 1) de l’électricité dont on savait quelle exploitation on pouvait faire et 2) de le faire avec des centrales qui n’avaient plus besoin de l’énergie aquatique et qui se contentaient du fioul et du reste.

Mais nous, ce qu’on va faire si on veut se débarrasser des énergies carbonées – et si par dessus le marché, pardon c’est notre cas, on veut aussi tourner la page du nucléaire qui a eu son sens mais qui ne l’a plus – alors il faut bien trouver une ressource de masse. Et cette ressource de masse c’est le régime hydraulique du pays, c’est sa carte des fleuves, rivières, le moindre cours d’eau. C’est pourquoi on proteste tant contre ces initiatives qui consistent à retirer de la carte certains cours d’eau pour les transformer en autre chose si bien que dès lors ils ne bénéficient plus de la protection de la loi qui va aux cours d’eau. Donc si on veut mettre, et ça c’est notre projet, des milliers de moulins, aujourd’hui on appelle ça de manière un peu pédante des hydroliennes.

Alors, évidemment, quand on dit « hydrolienne », tout le monde pense à celles qu’on a été capables de mettre au Raz Blanchard, qui est une très belle machine – on se demande pourquoi on y a renoncé. Mais les hydroliennes c’est tout ce qui fonctionne avec de l’eau pour produire de l’énergie. Le pays en abonde. Tant et si bien qu’à nos yeux peut être même faudrait-il dans l’avenir, après qu’on se soit tant de fois abandonné à tripoter la carte des régions et des élections régionales au passage, pour en créer 13 qui ne correspondent à rien du tout, ni à l’histoire du pays, ni à quelque entité naturelle que ce soit, et qui sont l’aboutissement d’une exigence aveugle d’autres bureaucrates situés dans d’autres administrations, celles de l’Europe en l’occurrence. Les régions de France… Tout ça se tient, vous allez voir qu’il s’agit de moulins. Tout ça se tient. Les régions de France avaient soit une histoire qui était plongée dans le féodalisme, soit une conviction qui était tirée des assemblées de la Révolution. Et bien nous avons besoin maintenant de structures administratives qui aient un enracinement pour aboutir au résultat dont je suis en train de parler qui est la protection des cours d’eau que nous partageons tous, faire face à la crise qu’ils traversent car notre pays est moucheté dorénavant de poches de sécheresse dont la conscience de l’opinion publique n’est pas encore faite, qui ne comprend pas que le stress hydrique n’est plus un article exotique qui a lieu loin, c’est une question qui a lieu ici et maintenant en France et qui va se développer comme vous le savez. Quand on a vu l’Irlande rationner l’eau pendant une partie de son année, on comprend que le changement climatique a déjà provoqué des effets auxquels il faut faire face, bref. Un jour ou l’autre pour ma part, j’aimerais que la carte des régions correspondent à la carte des agences de l’eau et que à partir du trajet de l’eau on construise tout le reste, l’emploi, l’agriculture, les circulations. Ainsi auraient-elles un enracinement.

Et les moulins, parce que nous devrons construire, pour passer à 100% d’énergies renouvelables, des moulins. Et nous devons régler le problème écologique qui est posé. Personne d’entre nous n’a l’intention d’opposer comme à l’ancien temps, comme il y a 30 ou 40 ans, ou les poissons et les moulins, ou les oiseaux ou les usines, tout ça est absurde. On a compris qu’il faut faire les choses dans le même temps. Chaque fois qu’on fait une passe à poissons, et bien on fait un effort d’intelligence. Dorénavant il faut faire des moulins et faire passer les poissons sans qu’on vienne enquiquiner toute une Assemblée nationale qui aurait, elle, à décider comment on ferait, quel poisson, et celui-ci oui et l’autre non. Tout ça est absurde. Nous disons, nous exigeons, nous commandons qu’on trouve la solution pour faire passer tous les poissons en respectant les moulins. Et il ne peut pas être question d’en détruire… Non mais je le dis comme nous le sentons, nous avons les ingénieurs, femmes et hommes capables de trouver des solutions à tous les défis techniques. Qui ici de ma génération ou de celle d’avant aurait imaginé qu’il y a seulement 40 ans on se pose la question de savoir comment on allait faire remonter des poissons, la plupart auraient dit : « eh de quoi parle-t-on je vous prie ? ». Et maintenant, tout le monde sait qu’on peut le faire. Et c’est pas tout, non seulement il va falloir que les poissons passent mais nous il va falloir qu’on apprenne à faire quelque chose d’essentiel pour la gestion de l’eau : être capable quand on installe un barrage, ensuite de faire remonter l’eau dans l’autre sens pour que la pile soit là et que la prise d’eau soit constante sans qu’on soit obligé de l’augmenter.

Voilà les défis : dire que l’on ne veut pas qu’on détruise des moulins même en entendant ce que nous a dit avec beaucoup d’intelligence et de sens technique notre collègue Martial Saddier que nous écoutons tout le temps avec attention. Nous mettons donc comme une injonction : trouvez une autre solution. Et c’est à vous de le faire, professionnels dont c’est le métier. Parce que nous, nous pensons que l’intérêt du pays c’est que vous le fassiez. Voilà comment nous abordons cette question et j’espère que vous entendrez la nuance. Il ne s’agit pas de mettre en cause les agences de l’eau, au demeurant ce n’est pas nous qui les avons plumées. Et chacun se rappelle dans cet hémicycle des interventions de mes collègues et en particulier de Loïc Prud’homme contre ces fameux, comment aviez-vous dit ? Plafond rongeant… Mordant, c’est pareil, ça mord mais enfin je vous faisais la grâce de penser que c’était pour ronger, non c’est juste pour dévorer. Alors ces échos, vous les avez encore présent à l’esprit. Donc notre propos n’est pas de mettre en cause les agences de bassins. Notre propos est de dire : voici ce dont nous avons besoin pour faire face à la nouvelle situation que le changement climatique et les situations de stress hydrique crées. Pour aujourd’hui et demain encore plus, il nous faudra des moulins partout. »

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