Intervention de Jean-Luc Mélenchon à l’Assemblée nationale le 7 avril 2021 sur la question des forêts. Le président du groupe « La France insoumise » a expliqué les problèmes posés par la monoculture de Douglas et a appelé à sortir de ce modèle économique court-termiste dans la forêt française. Voici la retranscription de son intervention :
« Il en est des forêts dans ce pays comme des mers et des océans. C’est des opportunités à côté desquelles le pays passe, avec plus ou moins bonne conscience, et j’ai le souvenir du programme commun qui prévoyait une filière bois qui n’a jamais été faite et qui n’a jamais fonctionné. Et on continue à être un pays qui sort du bois et rentre des meubles comme si on était une nation sous développée.
Alors peut-être que ça devrait interpeler les pouvoirs publics, nous tous, et dire comment on pourrait faire pour changer de méthode. Mais déjà au moins ne pas aggraver la situation sur le plan qui nous intéresse tous aujourd’hui et dont nous avons conscience qui est le changement climatique. Je vous invite à lire un magnifique livre de monsieur Locher et Fressoz qui s’appelle « Les révoltes du ciel : l’histoire du climat depuis le 15e siècle ». Et ils montrent comment les forêts ont toujours été pensées comme un instrument de gestion du climat, le microclimat le plus souvent, bien sûr ça tombe sous le sens.
Mais alors de grâce il faut s’éviter deux-trois choses, qu’on aille dire qu’on «. impose une diversification »… D’abord imposer n’est pas une honte, ça existe la politique d’État, la planification ça existe. Mais alors non, qui a imposé quelque chose ? Ceux qui ont imaginé qu’il fallait mettre des douglas partout, j’en ai vu dans le Jura… qu’il y ait des sapins dans le Haut Jura ça tombe sous le sens mais qu’on aille en coller dans la plaine et à Dole ça n’a aucun sens. Et pourtant ça a été fait et ça a été fait partout sans raisonnement. Vous avez vu la tête qu’ils ont les douglas ? Les derniers mois il n’y avait pas d’eau, ça crevait partout alors évidemment comme vous dites ils tombent tout seul, mais ils tombent tout seul parce que justement il y a un problème et qu’il s’agit de le régler par la diversité et notamment en acceptant pas cette bascule de l’exploitation qui est faite.
Mais, il faut que vous le sachiez collègues, progressivement tout s’aligne sur un type de bois et sur ce type de bois on décale tout le reste. Par exemple, si vous allez dans un lycée professionnel, vous verrez ils y mettent des machines qui coupent des troncs de 40 cm, pourquoi 40 cm ? Et rien d’autre, hein, parce qu’on ne sait pas couper les troncs tordus, les trucs où il y a trop de choses qui dépassent, faut que ça soit droit comme du poteau. Pouf, 40 cm, 40 ans de plantation, au revoir et merci. Or le sol, lui, va mettre 60 ans à se reconstituer. Alors si vous coupez tous les 40 ans le résultat est connu, c’est qu’à la sortie s’ils sont toujours là ils auront acidifié le sol pour trouer la nappe phréatique qui est en dessous, c’est pas une bonne idée.
Ce n’est pas une honte de le dire, passons à autre chose. Les marchands de bois s’adapteront au bois et au règlement, voilà et il ne faut pas leur supposer d’avance l’incapacité d’être capable de le faire. La diversification est une nécessité absolue, ABSOLUE, qui ne se discute pas et il faut pouvoir maintenant donner les moyens aux gens.
Je vais achever sur cette remarque quoi que bien d’autres me viendrait à l’esprit. Si nous continuons à traiter les affaires de cette manière, la forêt française continuera à être le grand rendez-vous manqué de notre génération politique. Je ne parle pas d’âge, je parle de génération politique. Il faut qu’on s’y mette maintenant parce que c’est une ressource considérable d’inventivité, de bien être pour tout le monde et notamment si l’on veut refaire une réindustrialisation locale, si l’on veut que le maximum de territoires puissent bénéficier d’activités de cette nature avec un salariat possible, le traitement du bois dans de bonnes conditions en est un des instruments privilégiés. Vous n’y mettrez rien d’autre dans des tas de régions du pays. C’est le moment de s’y mettre et cette loi devrait le permettre notamment avec l’amendement de madame Panot. »