Veolia-Suez : les copains sont coquins

Notre meeting sur l’eau ne pouvait tomber plus juste à propos des appétits financiers sur le traitement et la distribution de l’eau.  Ce matin, après 8 mois d’intrigues, c’est la fin de partie. Veolia va donc racheter Suez. Ces guerres d’actionnaires sont d’autant plus indécentes dans la période. En effet, nous faisons face à une véritable crise de l’eau en France. Les conséquences du changement climatique font de l’accès à l’eau le défi numéro 1 de l’humanité. La situation catastrophique des outremers nous donne un aperçu du pire. Ainsi, la question de l’eau rend le problème écologique concret. Elle démontre l’incompatibilité de la course au profit et de la sauvegarde des ressources naturelles au profit du plus grand nombre. Les coupables savent que leur cause n’est pas populaire. Donc Veolia avait prévu un bon service après-vente. Pour elle, l’absorption de Suez a pour objectif de constituer un « champion mondial de la transformation écologique ». Pourtant une enquête de Mediapart affirme que toute l’opération a été orchestrée depuis l’Élysée. Merci qui ? Immédiatement, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire s’est réjoui d’un « accord à l’amiable ». On se croirait dans un conte de fées. Il n’en est rien. Les actionnaires ont été dans leur rôle et on ne pouvait rien en attendre d’autre : faire de l’argent. Ils n’ont trahi personne, le capital n’a ni patrie ni solidarité. La cupidité est un sentiment exclusif de tous les autres.

Pour bien suivre ce nouvel épisode de la vente de la France à la découpe il faut avant tout se souvenir que les heureux acquéreurs de Suez sont les proches amis de Macron. Le PDG de Véolia, Antoine Frérot, et le PDG d’un des fonds censés investir dans le nouveau Suez, Thierry Déau, ont tous deux soutenu et financé la campagne présidentielle de Macron en 2017. Pour ne dire que cela, car il est extrêmement dangereux de les affronter. Comment oublier le recours aux mercenaires de l’agence nommée Vae Solis (« malheur à qui va seul ») pour dénigrer secrètement notre camarade Gabriel Amard. Il avait commis le crime de créer une régie publique de l’eau pour l’agglomération des « lacs de l’Essonne ». 

Récapitulons. En octobre dernier, Veolia a d’abord racheté les parts de Suez détenues par Engie. L’État actionnaire d’Engie a laissé faire. Pire, il aurait manœuvré en coulisses pour obtenir le feu vert du conseil d’administration d’Engie. Une fois le véto de l’État esquivé, Veolia avait le champ libre. Aujourd’hui, elle sort le carnet de chèque pour acheter le reste à la découpe. Certes, le rachat de Suez par Veolia n’est pas total. Mais le déséquilibre final n’échappe à personne : environ 7 milliards d’euros de chiffre d’affaires contre 37 milliards de chiffre d’affaires pour Veolia. Le périmètre du nouveau Suez est réduit de moitié. On comprend comment Veolia est la seule à tirer son épingle du jeu dans cette affaire. 

Les syndicats ont raison de parler de sentiment de trahison. Mais cela doit être pris par là où les choses se passent. La trahison c’est celle du pouvoir macroniste contre les Français. De fortes suspicions pèsent sur Macron et son entourage dans cette affaire. D’autant que ce n’est pas la première. En effet, en tant que ministre de l’Économie de Hollande, il a organisé la fusion d’Alstom avec General Electric. On connait le désastre : 3 000 emplois supprimés en 5 ans. Il a aussi organisé la vente de Technip à l’américain FMC, validé la fusion de Lafarge puis la vente d’Alcatel à Nokia.  

La multinationale Veolia est déjà numéro 1 mondial dans le domaine de l’eau et des opérateurs privés de transport public. Elle est aussi le numéro 2 mondial dans le domaine des déchets. Suez arrive juste derrière. Il n’y avait donc aucune nécessité à leur fusion du point de vue de l’intérêt général. L’intérêt est ailleurs. En effet, l’objectif premier de Veolia n’est pas de faire fonctionner les réseaux vitaux de la distribution d’eau. Son souci est d’offrir une rente toujours plus importante à ses actionnaires. Elle a un rang à tenir : elle leur a versé dernièrement plus de 270 millions d’euros de dividendes. Pour y parvenir, elle s’apprête à signer un chèque de 13 milliards afin d’affaiblir son concurrent Suez. Nul doute que cette situation financière a été facilitée par le dispositif de chômage partiel payé sur fonds publics. Résumons la manœuvre : beaucoup d’argent pour les actionnaires, dans le dos des syndicats et des salariés, et sur le dos des usagers. 

Je le redis, les Français n’ont aucun intérêt à la constitution de ce monopole privé géant. Il faut comprendre qu’ici cette activité ne leur apporte aucun service qu’ils ne puissent se procurer autrement. L’essentiel c’est le réseau de distribution. Les canalisations jusqu’à votre robinet. Et celui-là constitue un monopole de fait. C’est la seule obsession de l’accumulation permanente qui pousse le capitalisme à jeter son dévolu sur les monopoles de fait que sont les canalisations d’eau ou le système électrique. En s’accaparant la gestion de ces réseaux essentiels, les actionnaires s’assurent une rente sur la durée. En effet, trois jours sans eau et on meurt. Sans électricité presque rien n’est possible. 

Les conséquences désastreuses de la cupidité capitaliste se mesurent déjà au quotidien. Et elles sont nombreuses : épuisement et pollution de la ressource en eau, affaiblissement industriel, suppression d’emplois, augmentation du prix de l’eau et de la collecte des ordures, coupures d’eau au quotidien. Résultat : deux millions de Français ont des difficultés à payer leurs factures tandis que le prix de l’eau a augmenté de 10% en 10 ans. Surtout, les réseaux sont pourris : 1 litre sur 5 se perd en fuites. C’est la moitié dans les outremers. Au rythme actuel, il faudrait 150 ans pour les réparer. 

En réalité, il faut faire tout l’inverse. L’eau doit être considérée comme un bien commun. Nous les insoumis avons fait de cette bataille un symbole de notre aspiration générale. Je parle de l’idée d’harmonie des êtres humains entre eux et avec la nature. C’est dans cet esprit que nous avons conduit à terme la votation citoyenne, chapeautée par Mathilde Panot et 12 organisations politiques associatives et syndicales, pour l’inscription du droit à l’eau dans la Constitution. Le message est clair : l’eau est à nous, pas aux multinationales. 

Nous souhaitons sa collectivisation. Ce mot doit sans doute provoquer des plaques d’urticaire géantes aux mêmes individus choqués par le terme « planification ». Mais cela ira mieux en expliquant l’idée. Concrètement, cela implique de planifier sa gestion par les collectivités locales à l’échelle des bassins-versants. Ensuite, il s’agit de faire venir dans le système collectif les employés du privé. En effet, nous avons besoin de leurs qualifications pour faire la bifurcation écologique. 

La tâche est d’ampleur. Les décennies de mainmise des intérêts privés sur l’eau ont conduit à un gâchis monumental. Le préambule de la Constitution de 1946 avait eu la bonne intuition : « Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ». Le moment venu, nous saurons remettre de l’ordre. 

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