La manifestation policière du 19 mai est un échec complet pour les factieux. Le nombre des policiers présent n’a pas excédé 3000 personnes. Les délires verbaux des dirigeants ont ruiné le crédit moral de l’initiative, pourtant habilement déguisée d’abord en « hommage aux policiers morts ». La sidération outrée qui a entouré la présence des trois dirigeants Jadot, Roussel, Faure a affiché un rejet net dans l’opinion à gauche.
D’autres bons signes ont été là encore. Nous pensions être une fois de plus tous seuls et enfermés par un nouveau cercle de mise en cause médiatiquement généralisé. Nous pensions que cela serait aggravé par la collusion des figures de la gauche traditionnelle avec la dérive sécuritaire. Pourtant, contrairement à ce que nous avons cru, notre résistance a fonctionné comme un déclic libérant la parole dans nombre de secteurs. Et bien plus : contrairement à nos prévisions, une certaine prise de distance avec les factions policières s’est notée dans les médias. Et on a même vu l’incroyable : des gens se solidariser de la réaction des Insoumis et même citant mon nom pour faire autre chose que pour me flétrir.
Naturellement ceci a ses limites. Comme d’habitude il y avait, bien-sûr, « un mot de trop » pour la bonne conscience dominante. Le mot « factieux » que j’ai employé serait celui-là. Dire que l’on va faire « céder la digue de la Constitution et de la loi », dire « le problème c’est la justice et elle devra rendre des comptes » quand on est un responsable policier sont en effet, pour moi, des expressions et une volonté factieuses. Je ne mentionne pas ce détail pour m’en expliquer. Il y a longtemps que le piano mécanique des éléments de langage distribué dans les rédactions ne m’atteignent plus. Je le pointe pour montrer que la lourde tendance au dénigrement de principe contre LFI reste un véritable réflexe conditionné capable de paralyser les meilleurs réflexes dans des moments cruciaux. Dans des moments plus tendus ce sera évidemment un atout pour les factieux. Ici, cela souligne le parti pris de ne pas prendre au sérieux la menace. Déjà face aux militaires en retraite appelant ceux d’active à l’insurrection, on avait vu après une longue indifférence (peut-être pour s’en justifier après coup) certains commentateurs dans le rôle paradoxal de minimiser l’importance de l’évènement. Pour « Le Monde », il s’agissait même d’un simple montage « politico-médiatique », et même une « farce » pour le plus superficiel de ses commentateurs.
Mais cette attitude aussi pourrait bientôt connaître son terme. Le journal « La Croix » en publiant une enquête sur la violence en préparation dans « l’ultra-droite » a ouvert une brèche dans la cécité ambiante. Mediapart a prolongé. Reste qu’on est encore loin encore du réflexe général de défense républicaine que la situation exigerait. Pour le mesurer, il suffit de comparer ce qui vient de se passer avec le niveau d’indignation affichée contre l’UNEF et ses réunions closes qui, parait-il, menaçaient la République. Notre appréciation est bien totalement à l’opposé de ce déni. Les patrouilles de rue et les bistrots des Identitaires, La recrudescence des attaques contre les mosquées et les permanences politiques, la tentative d’assassinat contre Castaner et moi, les conclusions de notre commission d’enquête parlementaire sur les agissements de l’extrême-droite ont formé notre jugement.
Fondamentalement, la marche policière du 19 mai a tracé une ligne entre un avant et un après. Une longue chaine d’évènements se trouve reliée comme autant d’étapes vers cette petite répétition générale qu’aura été le rassemblement devant l’Assemblée nationale. Cet « après » désormais cristallisé c’est bien celui d’une France où l’on est passé du manifeste des anciens militaires appelant leurs collègues d’active à s’insurger à une manifestation de policier mettant en cause la Constitution et la loi et s’en prenant à l’institution judiciaire elle-même. Le tout assorti de menaces contre les juges et contre les élus qui n’obéiraient pas à leurs injonctions. Sommes-nous sur un pallier avant le reflux du fait de l’alerte donnée ? Ou bien sommes-nous avant un nouvel assaut encouragé par l’inertie des pouvoirs publics et l’effondrement des représentants de la gauche traditionnelle ? Une riposte de masse est-elle possible ? C’est l’enjeu des prochains jours. C’est à nos yeux l’enjeu de la marche des libertés le 12 juin prochain.
Pour les Insoumis, la dégradation de la situation et l’extrême droitisation de nombre de structures d’autorité de l’État est un processus détecté de longue main. C’est sans doute pourquoi nous avons réagi à chaque étape sans céder aux leurres que l’extrême droite militaire et policière et ses suppôts ont déployés chaque fois pour endormir les naïfs, enjôler les médias et diviser leurs adversaires. C’est ce cadre général qu’il faut avoir présent à l’esprit pour analyser la situation. Ne commettons pas l’erreur d’évaluer ce qui se passe autrement que sous l’angle du rapport de force avec l’adversaire. Autrement dit, avant tout, ce qui compte c’est la contamination de ses idées. Dès lors, ce qui est le plus grave ce n’est pas tant que des dirigeants de tous bords se soient égarés dans la manifestation policière dont ils étaient à l’évidence incapables d’analyser la fonction réelle et les mots d’ordre factieux. C’est plutôt qu’ayant lu sans doute comme nous les tracts d’appel des différents syndicats ils n’aient pas vus ce qu’ils avaient d’inacceptables d’un point de vue républicain.
Inutile de se cacher à quel point l’idéologie sécuritaire a fait des ravages. On s’en affligea à entendre les coups de mentons verbaux affligeants de Jadot, Hidalgo et combien d’autres courus se faire voir et entendre dans la marche policière. On s’en stupéfia quand on y appris la présence de Fabien Roussel qui avait déjà estomaqué en commençant sa campagne sous le timbre de la sécurité et d’une rengaine trop bien connue : « ma gauche ne sera pas laxiste ». Mais si tout cela fonctionna comme un révélateur d’état d’esprit, le pire restait à venir avec la déclaration d’Olivier Faure, premier secrétaire du PS, allant plus loin que personne n’était jamais allé, pas même l’extrême droite, en demandant un pouvoir de contrôle de la Police sur la Justice. Le haut le corps des bases socialistes eu le dernier mot alors même que les États-majors politiques restaient pourtant silencieux. L’effondrement du barrage de la gauche traditionnelle et son option sécuritaire n’est donc pas un phénomène généralisé dans leurs propres bases. Donc, nous ne partons pas de rien, là non plus, pour riposter et organiser la réplique. La préparation de la marche des libertés le 12 juin doit donc se faire les bras grands ouverts. Contre l’ordre sécuritaire et la dérive autoritaire du macronisme, aucune bonne volonté n’est de trop.
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