compteur linky

Qui va payer les compteurs Linky ?

Le compteur Linky n’en finit pas de faire parler de lui. Mais pas de la meilleure des façons. Ces compteurs « communicants » sont installés par Enedis depuis 2013, quel que soit le fournisseur d’énergie. Ils collectent et communiquent au jour le jour des informations sur la consommation électrique de chacun ! Évidemment, le consentement a été piétiné. Depuis, ils ont été imposés à 32 millions de foyers. 

Le but officiel est de favoriser les économies d’énergie. Pour l’heure, cela va surtout permettre à Enedis de supprimer les postes des milliers de techniciens chargés de faire les relevés des compteurs. L’électricité pourra aussi être coupée à distance sans sommation. C’est aussi et surtout la première pierre du rêve libéral en matière d’énergie. J’évoquais dans ma dernière note de blog l’arrivée de la « tarification dynamique » en France. Ces compteurs intelligents en seront sans aucun doute le bras armé. Votre facture pourrait être parfaitement alignée sur les soubresauts de l’électricité en bourse et exploser en temps réel au moindre emballement du marché. On n’arrête pas le progrès !

Mais le scandale ne s’arrête pas là. Il avait été assuré il y a 10 ans qu’il ne coûterait « pas un centime aux particuliers ». Cette promesse était celle de M. Éric Besson, ministre chargé de l’Industrie et de l’Énergie en septembre 2011. 10 ans plus tard, il semble que les Français devront finalement rembourser leur compteur Linky. La question d’Adrien Quatennens adressée au gouvernement était très claire : « qui va payer les compteurs ? ». 

Mais la réponse de la ministre Emmanuelle Wargon traduit le malaise. « Les consommateurs ne paieront pas plus au titre de Linky » a-t-elle promis. Un peu plus tard : « Les économies de charges sont bien au rendez-vous et donc incluses dans le tarif ». Et de nouveau : « Je vous le répète, les consommateurs ne paieront pas un coût supplémentaire dû à Linky ». Dire qu’ils « ne paieront pas plus au titre de Linky » ne veut pas dire qu’ils ne paieront pas plus tout court. Il suffit de lire le rapport de la Cour des comptes de 2018 pour mesurer l’ampleur de l’entourloupe. 

Ainsi, le déploiement de ces compteurs aurait coûté 5,7 milliards d’euros à Enedis, le gestionnaire du réseau de distribution de l’électricité. C’est l’équivalent de 130 euros par compteur. La majeure partie de cette somme a fait l’objet d’un emprunt auprès de la Banque européenne d’investissement (BEI). Et il semblerait qu’Enedis s’apprête à mettre les consommateurs à contribution pour le rembourser. 

En effet, Enedis a mis en place un mécanisme de « différé tarifaire » sur la facture des usagers. Il s’agit officiellement d’éviter que le prix de la redevance d’acheminement de l’électricité payée par les consommateurs n’augmente d’un coup à cause du déploiement des compteurs Linky. Mais la Cour des comptes est limpide quant à la supercherie : « ce différé constitue donc une avance faite par Enedis, remboursée par les consommateurs à partir de 2021. »

Mais ce n’est pas tout. La Cour des comptes précise que le taux d’intérêt appliqué aux clients serait de 4,6%. Or, l’emprunt auprès de la BEI serait lui de 0,77%. La différence de taux n’échappe à personne. Cela permettra à Enedis de réaliser « une marge de 2,8 % correspondant à un surcoût pour les usagers de 506 millions d’euros ». C’est la Cour des comptes qui le dit. 

Je résume la manœuvre. C’est toujours la même chose. On vous promet les yeux dans les yeux que cela ne vous coutera rien. Pour finir, ils font payer aux consommateurs un investissement souhaité par personne… mais à un taux plus cher que celui auquel ils ont emprunté ! Pour Enedis, c’est une opération juteuse. En effet, le gestionnaire du réseau de distribution d’électricité va faire supporter aux usagers environ 2 milliards de la somme investie. Au passage, il réalisera aussi une belle marge d’un demi-milliard d’euros grâce à la différence des taux. 

Pour les usagers, c’est plus cher. Concrètement, tous ceux qui en sont équipés vont le rembourser. Ainsi, le coût du compteur Linky sur les factures devrait représenter entre 8 et 15 euros par an jusqu’en 2030. Alors pourquoi la ministre Emmanuelle Wargon continue-t-elle de dire que les consommateurs ne paieront pas plus cher ? Sans doute espèrent-ils encore que les économies promises grâce à ces compteurs géniaux compensent la manœuvre d’Enedis. 

Mais les économies d’énergies sont loin d’être démontrées. Le meilleur moyen de faire baisser la consommation d’électricité dans ce pays est de faire baisser les besoins. Cela doit commencer par la rénovation des 5 millions de passoires thermiques. Mais au rythme actuel, il faudra plus de 30 ans pour y arriver ! Pour finir, il n’y a aucune garantie que les économies réalisées par Enedis en réduction de personnel se répercutent à la baisse sur les factures. 

Cette entourloupe de plus est d’autant plus indécente au regard de la situation sociale du pays. En effet, la barre des dix millions de pauvres a été franchie. Un Français sur cinq a subi une perte de revenus entre mars 2020 et mars 2021. De plus, le prix de l’électricité a déjà augmenté de 50% en 10 ans, notamment en raison du coût croissant du nucléaire. 

Mais ce n’est pas fini. Le projet Hercule est la cerise sur le gâteau. Il prévoit de placer Enedis dans un « EDF Vert » regroupant les activités jugées rentables. Cette filiale serait ouverte à des investisseurs privés à hauteur de 35 %. Bien sûr, on sait comment cela se finit : en privatisation complète. Les marges réalisées entre temps par Enedis grâce à Linky rempliront encore davantage les poches des actionnaires. Mais les Français ne sont pas dupes. EDF, qui possède la filiale Enedis à 100%, perd des clients à toute vitesse : 150 000 clients par mois optent pour un autre fournisseur. Cela ne fait que fragiliser davantage notre géant public français. Ainsi, le chaos libéral profite sous toutes les coutures au démantèlement du service public de l’électricité. Il est temps d’arrêter l’hémorragie.

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