L’évasion fiscale est un vol organisé. L’État français y perd chaque année 100 milliards d’euros. C’est-à-dire l’équivalent de 2 millions d’emplois au salaire moyen, ou bien du fonctionnement annuel de 200 hôpitaux ou encore de quoi construire plus de 2500 lycées. Les plus grandes multinationales, en particulier, sont les spécialistes pour ne payer aucun impôt, nulle part. Elles transfèrent en général pour cela une partie de leurs bénéfices de pays en pays jusqu’à rapatrier tout leur argent dans les paradis fiscaux les plus complaisants. Ainsi, Google, Facebook, Amazon ou Apple payent chacun moins de 1% d’impôt sur les bénéfices en France.
Mais en fait, ce chiffre est une estimation. Car ces montages s’opèrent dans la plus grande opacité. Ces entreprises ne publient pas la part réelle de leur bénéfice réalisé en France. Ni la part qu’elles transfèrent depuis la France vers des filiales à l’étranger. Ni non plus la part d’impôt qu’elles payent dans chaque pays. De sorte qu’elles déplacent leurs pions dans l’ombre sans que nul n’en ait aucune idée précise.
Une directive européenne était en préparation sur ce sujet depuis plusieurs années. Son objectif annoncé était d’obliger les entreprises transnationales à faire la déclaration publique de leurs bénéfices et leurs impôts pays par pays. C’est un premier pas indispensable pour combattre leurs montages. On pourrait même dire que c’est bien le minimum. Mais même cela, l’Union européenne n’en aura finalement pas été capable.
Le 1er juin, les négociations entre le Conseil européen, la Commission européenne et le Parlement européen se sont achevées. L’accord trouvé est au rabais. Il va permettre de tout continuer comme avant. Comme d’habitude, c’est une entourloupe. En effet, les multinationales seront bien obligées de déclarer leurs bénéfices et leurs impôts payés mais seulement dans les pays de l’Union européenne et les pays présents sur sa « liste noire » des paradis fiscaux. Sauf que cette liste est une vaste blague. Elle comprend à peine une douzaine d’États dans le monde. Les Bahamas, Jersey, les Îles Caïmans, la Suisse ou Singapour en sont absents.
Les multinationales pourront en toute impunité continuer à fabriquer des montages pour éviter les impôts en Europe avec environ 150 États dans le monde, dont quelques-uns des plus importants paradis fiscaux. Quelques-unes n’auront donc besoin peut-être que d’un petit ajustement qui prendra moins d’une journée à leurs avocats d’affaires. Cette mascarade a été dénoncée publiquement par la députée européenne insoumise Manon Aubry, qui participait aux discussions pour le compte du Parlement européen. Les peuples européens ne récupèreront pas un euro dans cette affaire. C’est une victoire complète des lobbys.
Le gouvernement Macron a joué un jeu particulièrement pro-évasion fiscale dans cette affaire. En effet, le journal Contexte a révélé fin avril que la position officielle de la France avait été rédigée entièrement à partir d’une note transmise par le Medef. Parmi les demandes relayées, il y avait bien le fait de pouvoir continuer à ne rien déclarer en dehors de l’Union européenne. Soit exactement ce qui a atterri dans la directive. Macron est bien le complice de l’évasion fiscale des grands groupes.