Pour nombre d’entre nous, l’évènement cette semaine était au Chili. C’était l’élection de l’Assemblée constituante et la mise en place de cette assemblée. Le processus de révolution citoyenne qui a labouré le pays en profondeur toute l’année passée a trouvé son issue politique dans la convocation de cette assemblée qui va redéfinir de fond en comble les droits du peuple et les institutions qui vont rendre possible le nouvel État politique chilien. Ces évènements d’un bout à l’autre de leur déroulement ont donné chair à la théorie de l’Ere du peuple et de la révolution citoyenne. Pour les connaisseurs des parallèles constant entre le monde d’Amérique du Sud, les évènements chiliens ont toujours été un miroir d’anticipation.
Cet effet a fonctionné entre l’unité populaire d’Allende et l’union de la gauche française, entre la sortie du pinochetisme et celle du franquisme en Espagne, entre les formes initiales des événements chilien qui viennent de connaitre ce paroxysme politique et les grandes mobilisations des « marées populaires » espagnoles et de gilets jaunes français. Il existe de longue main des effets de ce type entre des sociétés et des situations dont les composantes sont faites d’une part suffisante de matériaux similaires. J’invite donc ceux qui me lisent et partagent souvent mes analyses à ne plus perdre de vue l’évolution des évènements au Chili. Ce qui s’y passe est autrement plus significatif pour préparer ce qui vient que maints sondages et autres bavardages de plateau de télé d’experts franco-français sans culture de ces mondes latins et indigènes auxquels nous participons.
Elisa Loncon Antileo est la nouvelle présidente de l’Assemblée Constituante du Chili. Voici le portrait que m’en a transmis Martine Billard, co-animatrice de l’espace élections du mouvement insoumis, ex-députée de Paris, engagée depuis de longues années aux côtés des Chiliens dans le combat contre Pinochet et ses œuvres.
« Elisa Loncon Antileo (58 ans), femme mapuche, mère, enseignante, défenseure des droits linguistiques des peuples originaires, est née dans la communauté mapuche de Lefweluan, commune de Traiguén, province de Malleco, en Araucanie. Sa langue maternelle est le mapudungun, elle parle en outre l’espagnol et l’anglais. Magister en linguistique de l’Université Autonome Métropolitaine de Mexico et docteur en sciences humaines à l’Université de Leiden, aux Pays-Bas, ainsi que docteur en littérature de l’Université Pontificale Catholique du Chili. En outre, cours post universitaires à l’Institut d’études sociales de La Haye (Pays-Bas) et à l’Université de Regina (Canada). Elle est actuellement universitaire au département de l’éducation de l’université de Santiago du Chili, professeure externe à l’Université pontificale catholique du Chili et coordonnatrice du réseau pour les droits éducatifs et linguistiques des peuples autochtones du Chili. Elle a consacré sa vie professionnelle à la sauvegarde des langues indigènes, au système linguistique du mapudungun, aux méthodologies d’enseignement ainsi qu’à la conception de programmes d’études de la langue mapuche. En outre, elle a publié des livres et des articles académiques sur la philosophie et les langues indigènes, essentiellement le mapudungun. Participant à diverses organisations sociales mapuches depuis son enfance, à l’université, elle l’a fait dans des groupes d’étudiants autochtones et du Théâtre Mapuche Admapu, elle a été un membre actif du Conseil de Toutes les Terres en mettant l’accent sur la création du drapeau mapuche et la récupération des terres indigènes.
L’engagement social d’Elisa Loncon Antileo vient de sa famille et de sa communauté. Son arrière-grand-père, surnommé Loncomil, lutta contre l’occupation militaire du wallmapu et fut allié à José Santos Quilapan (1840-1878) reconnu comme le dernier lonko qui a résisté à l’occupation de l’Araucanía et à vaincu l’armée chilienne à Quechereguas (1868), entre autres contributions multiples à la défense du peuple et du territoire mapuche. son arrière-grand-père paternel, en tant que chef de sa communauté, a participé à la récupération des terres avant la réforme agraire des années 1960. Sa mère, Margarita Antileo Reiman, a participé dans les années 70 à l’expérience d’autogestion territoriale à Lumaco-Quetrahue. Pendant les mêmes années, son père, Juan Loncon, était militant socialiste et candidat au poste de député de l’USOPO. L’agriculture et la construction de meubles sont quelques-uns des métiers que la mère et le père d’Elisa ont pratiqué au cours de leur vie. Après le coup d’État, sa famille a été persécutée et son grand-père maternel, Ricardo Antileo, chef de la région de Lumaco-Quetrahue, a été emprisonné par la dictature civico militaire pour avoir dirigé la récupération des terres à la fin des années 60 et au début des années 70.
À l’université, Loncon a participé à la lutte contre la dictature dans diverses organisations étudiantes de gauche et mapuches. En 1983, pour avoir participé aux mobilisations étudiantes, une centaine de camarades universitaires n’ont été qu’étudiants conditionnels à l’université sur ordre du recteur délégué Heinrich von Baer. Dans son travail de linguiste et de défenseure des droits des peuples originaires, elle embrasse les luttes d’autres peuples d’Amérique latine où sa contribution aux droits linguistiques des nations originaires du continent lui est reconnue. Elisa Loncon, depuis son rôle de femme et d’éducatrice mapuche, a promu l’éducation interculturelle bilingue dans la loi générale sur l’éducation et a présenté le projet de loi sur les droits linguistiques pour les peuples autochtones. Elle mène actuellement la revendication des droits des femmes autochtones à partir de la philosophie mapuche, des droits collectifs principaux féministe et de la décolonisation. »