La semaine du débat

Évidemment, la semaine a été dominée pour moi par la tenue du débat télévisé sur BFMTV où j’affrontais le polémiste Éric Zemmour. À vrai dire l’événement a pris aussitôt une ampleur à laquelle nombre ne s’attendaient pas. Dans diverses directions, toutes sortes de murs de verre furent pulvérisés. Et d’abord dans le paysage médiatique. La chaîne BFMTV a réalisé la meilleure audience de toutes les chaînes françaises ce soir-là. Près de 4 millions de téléspectateurs l’ont suivie. 9 millions ont suivi un moment du débat sans y rester, sans doute en raison aussi de l’horaire tardif d’une partie de la confrontation. Encore ce chiffre ne tient pas compte de la diffusion radio en simultané sur RMC.

À cet impact direct s’ajoute le halo de diffusion et rediffusion sur les réseaux sociaux. Ma chaîne YouTube a rassemblé sur le sujet plus de deux millions de visiteurs et gagné près de douze mille abonnés. Quinze millions de comptes personnels ont vu passer la miniature de la vidéo. Dans ce halo et pour ce qui me concerne, par exemple, ma présence en début d’émission chez Cyril Hanouna a ensuite devancé nombre de ses concurrents, dont l’émission de divertissement « Quotidien » sur TMC. Atteindre des scores d’écoute était un des objectifs dans l’idée de repolitiser et latéraliser la scène de l’élection présidentielle. Car les sondages attestent d’un retard de trois mois par rapport à 2016 pour ce qui est de l’intérêt et de l’engagement du grand nombre à propos de cette élection. Les taux d’abstention sont certes soigneusement occultés par certains organismes de sondage. Ils peuvent alors effacer tranquillement les intentions de vote populaire en constatant une incertitude sur leur décision d’aller voter.

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Cet entrée en matière par la réalité médiatique ne résume pas la situation du point de vue des médias eux-mêmes après cet épisode. En réalité l’impact est plus profond sur la trame même du paysage audiovisuel. La soirée du 23 septembre a vu se produire un renversement. Car en même temps que le débat sur BFMTV, la chaîne du service public France 2 diffusait aussi une émission politique. La candidate à la primaire de la droite et présidente de la région Île-de-France Valérie Pécresse y débattait avec le ministre de l’Intérieur d’Emmanuel Macron, Gérald Darmanin. Pour assurer son audience, la chaîne avait pris une décision, d’ailleurs non conforme aux exigences du CSA, en modifiant sa programmation de la soirée. Pourtant l’émission politique de France 2 existe depuis très longtemps en France sous diverses appellations. Elle est diffusée par la deuxième chaîne de télévision. C’est traditionnellement l’émission politique la plus importante du pays, bien qu’elle soit en fort déclin depuis plusieurs années. Elle s’est fait largement dépasser cette fois-ci. En effet, France 2 a réuni à peine 1 million de téléspectateurs, soit quatre fois moins que ma confrontation avec Éric Zemmour.

L’évènement marque un franchissement de seuil. La décadence de l’émission publique est actée. Cela signifie que France 2 perd le monopole sur l’organisation du débat politique télévisuel. Cette nouvelle doit réjouir les oppositions au pouvoir de Macron. En effet, le service public de l’audiovisuel paye dans cette circonstance ses mauvaises habitudes de service après-vente du pouvoir en place au prix d’émissions lourdement piégées pour les opposants. On peut donc espérer que le nouveau paysage qui se mettra en place sera plus ouvert et plus respectueux des personnes invitées. Bref : davantage tourné vers l’échange d’arguments que vers les mises en scène dégradantes habituelles comme celle qu’avait dû subir par exemple de la part de France 2 Michele Rubirola à Marseille dans un passé récent. Ce soir là aussi j’avais dû renoncer à ma présence dans l’émission tant ses organisateurs avaient piétiné les accords conclus sur son déroulement. À l’antenne, ils avaient d’ailleurs aussitôt abusé de la situation en m’imputant la responsabilité du blocage. Cette fois ci encore, les débordements n’ont pas manqué avec un récit grossièrement tronqué fait en pleurnicheries copié-collées au Canard Enchaîné. Jusqu’a prétendre que nous n’acceptions pas de débattre avec un opposant. Comme c’est crédible quand nous avons préféré le choc avec Zemmour ! Toutes ces mauvaises manières, mépris et abus de toute sortes ont créé une culture de l’arrogance impunie jusqu’au naufrage infligé à madame Pécresse qui n’y est pour rien, cela va de soi. Comme aucune précaution ni rencontres n’y ont jamais rien fait, le mieux est de contourner cette équipe et son mentor Nathalie Saint-Cricq relai du très macroniste « Printemps républicain » et de son institut de sondage fétiche, Ipsos, dont le directeur des Études politiques est le gendre du président de la République. La soirée BFMTV a prouvé que c’était possible et nécessaire pour le bien du débat politique. Désormais la paysage médiatique s’est ouvert.

En lien avec ce premier évènement médiatique, il faut voir comment s’est construit à son sujet un évènement populaire d’une ampleur nouvelle. On peut dire qu’il a ouvert la campagne présidentielle. Partout, beaucoup de gens attendaient bruyamment la rencontre. Ils l’ont ensuite suivie en famille ou au bistrot. Sans oublier les « écoutes collectives » de militants réunis pour regarder le débat ensemble et en discuter. Des évènements de cette nature ont été recensé aux quatre coins du pays sur le réseau social militant de la France insoumise, « action populaire ». La mobilisation militante sur les réseaux sociaux a aussi été très intense, comme le montrent le nombre de tweets dans la soirée ou le succès du replay sur Youtube dès le lendemain du débat. Ce lendemain-là, nombre de médias, assez beau joueurs, ont donné suite à l’événement. Les commentaires des micros trottoirs signalaient bien la force des affects engagés par le choc politique de la veille. Autre signe : les parrainages citoyens pour ma candidature ont fait un bond de 10 000 appuis dans la soirée.

Je mentionne tout cela pour illustrer l’idée que les idées, les principes abstraits sont aussi parfois des affects de masse. On ne peut dissocier les deux. C’est la leçon essentielle qu’il faut retenir de ce qui était en jeu à travers la confrontation de nos points de vue. Nombre de ceux qui me suivent ou m’ont soutenu dans cette situation se sont senti rétablis dans « leur dignité » comme d’aucuns me l’ont dit. Je pense qu’il en va de même côté Zemmour où les passions haineuses ont été chauffées à blanc. Et c’est pourquoi je pronostique que Zemmour devrait progresser en intentions de vote. Il y parviendra, non pas en gagnant de nouveaux électeurs mais en siphonnant ceux de madame Le Pen, mais aussi ceux des LR. Car il s’agit de deux familles politiques devenue « insipides », c’est à dire coupés des affects de leurs bases. Cela du fait de la banalisation de leurs thème l’une comme résultat de sa propre stratégie l’autre du fait de l’occupation de son terrain par le macronisme. Ce fait fonctionne comme une clef d’étranglement dont les principaux intéressés ne savent comment se dépêtrer. En témoignent la conférence de presse panique de madame Le Pen l’après-midi du débat ou la pauvre récupération par Christian Jacob, président des LR affirmant que Zemour ne serait ni raciste ni d’extrême droite. Ces deux là n’ont pas fini de resserrer eux-mêmes les fils du piège qui les enserre désormais.

Il faut bien admettre que du côté de la gauche traditionnelle le bilan n’est guère comparable pour moi. Comme d’habitude, une série de personnages essentiels de la gauche traditionnelle se sont mis en position pour reformer le mur de protection qu’ils veulent établir entre leurs restes électoraux et les Insoumis. Assez grossièrement, EELV, par la voix encore officielle de Jadot, s’est senti obligé d’y apporter son concours en qualifiant le débat « d’immonde ». Évidemment, les réseaux sociaux se sont dépêchés de rappeler à chacun qu’ils avaient eux-mêmes déjà débattu avec le polémiste sans que cela ait paru les troubler à l’époque. Peu importe ce que disent ces rageux. Ce qu’il faut en retenir c’est la violence et la constance de leur hargne ! Elle ne cesse même pas devant celui qui devrait être identifié comme une adversaire commun. Elle se prolongea le lendemain encore quand des seconds couteaux vinrent encore faire la leçon et servir la soupe à Zemmour plutôt que de devoir me reconnaître quelque mérite que ce soit. Rien ne dit mieux la déchéance de cette « goche » et le mal qu’elle peut faire en toutes circonstances. Un jour elle défile avec Zemmour, un autre elle dénonce ceux qui le combattent. Deux points finissent toujours par faire une ligne.

Enfin, la soirée était aussi un évènement philosophique. Le débat a pu, au-delà même des stricts programmes politiques, faire apparaître deux conceptions profondément différentes des êtres humains et de la Nation française. D’un côté, Eric Zemmour voit les personnes comme enfermées dans des traditions, un héritage, une culture et une religion. Pour lui, le futur est un passé toujours recommencé. Sa vision est fondamentalement inégalitaire comme l’illustre parfaitement ses propos sur les femmes, mais aussi sur « les noirs et les arabes ». Pour lui, il n’y a pas une Humanité, mais plusieurs variétés d’humains définis par ses préjugés sur les comportements genrés et sur ceux de groupes ethnico-culturels auxquels il assigne les individus. Sa référence intellectuelles par excellence est d’ailleurs l’auteur États-Unien du « Choc des civilisations », Samuel Huntington. Pour lui l’humanité est compartimentée en ethnies et toute ethnie a pour réfèrent une religion. Les individus y figurent comme autant d’illustration d’une réalité qui les défini avant même leurs actes. Je me situe à l’opposé. Je reste dans la filiation de l’Humanisme. Il affirme la liberté pour les êtres humains de construire par eux-mêmes leur histoire. Cette pierre d’angle a conduit à proclamer l’égalité de tous les êtres humains et leur absolue liberté de conscience. C’est le sillon que je prolonge dans cette élection. La vigueur des soutiens que j’ai reçu à cette occasion montre que ce message peut être bien entendu et qu’il compte plus d’adeptes que la suprématie audiovisuelle d’Eric Zemmour peut le laisser croire.

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