Quand l’égout déborde

Le scandale du racisme du RN en pleine Assemblée nationale est un explosif à tête multiple. Au plan général, c’est d’abord la communauté nationale qui souffre. L’épisode montre le degré de décomposition de la sphère politique institutionnelle. Qu’un nouveau député ait osé se laisser aller à ses tropismes racistes dans l’hémicycle en dit long sur l’état moral d’une partie des prétendues élites françaises. La marée des tweets et mails insultants et racistes qui a ensuite submergé nos députés afro-descendants est aussi un signe de l’état de décomplexion du lepenisme réel. Sur le moment, ce fut avant tout un énorme coup à l’estomac reçu par tous ceux qui ont eu à connaitre du racisme ordinaire en France. C’est-à-dire des millions de gens de toutes générations. Sur les bancs de l’Assemblée, un peu partout sans frontières politiques, il y eut des larmes de douleur.

Puis le deuxième terrible coup, ce furent ces plateaux de télé ergotant sur le singulier et le pluriel de « qu’il(s) retourne(nt) en Afrique ». Pourtant, tout le monde a parfaitement entendu « retourne en Afrique » sur place. À quelques rares exceptions près la presse papier fit aussi mal ou même pire. Tous montraient ainsi une lourde et choquante collusion de la classe médiatique avec les thèses du RN. Ce fut le jour : « CNEW partout et pour tous ». Il est désormais clairement établi que tous ces gens sont du côté obscur et qu’ils feront sans rechigner tout le sale boulot qui leur sera demandé par leurs 9 milliardaires de patrons qui possèdent 90% de leurs postes de travail. Le vrai drame, c’est que dans la discussion individuelle, tous les professionnels avec qui on en parle sont d’accord sur le diagnostic. Mais tous serviront la soupe empoisonnée parce qu’ils se disent incapables d’autre chose. Et c’est sans doute le pire.

Côté politique, il y a cet énorme écart entre la réaction sur le champ des élus LREM qui ont bondi en même temps que les LFI et de manière au moins aussi choquée, d’un côté, et de l’autre la machine officielle de LREM avec ses éléments de langage préformatés où règnent les cyniques les plus décomplexés. Pour eux, tout est bon pour frapper la gauche NUPES. Quel est leur but ? 1) Permettre un alignement de toutes les droites pour bloquer le vote NUPES au second tour. 2) Construire un nouveau paysage politique dont la macronie sera l’aile du « moindre mal ». Comme au deuxième tour de la présidentielle. Les sondages maisons viennent en mode prophétie autoréalisatrice confirmer cette thèse.

Le dernier IFOP, sondeur burlesque, « sonde » séparément les partis de la Nupes mais pas ceux de la coalition macroniste (LREM, MODEM, HORIZON). Évidemment, Macron « progresse » en passant de 26,9 à 27 % (sic !) ce qui permet de le placer en tête avec 2 points de plus que la NUPES seconde et le RN troisième, quatre points plus bas. Tout ça pour pouvoir dire : la « gauche stagne »… à 25%. On note aussi une prévision de 4 points en faveur d’énigmatiques « divers gauche ». Une vraie escroquerie. En effet, ce type de candidature n’existe que dans un nombre limité de circonscriptions. Que vaut alors une évaluation au plan national ? Rien. Mais cela évite de devoir augmenter le score de la NUPES. Après quoi la boule de cristal peut claironner son rêve : l’extrême droite « perce » à 21%. Peu importe si à ce niveau le total d’extrême droite baisse par rapport aux élections. Ce n’est pas le seul ridicule du sondeur de la feuille de chou macroniste. Car le pifomètre d’IFOP est capable une nouvelle fois d’évaluer des fluctuations de plus ou moins 0,3% ou 0,7 %, sans peur du ridicule. Comment croire à une capacité de prévision aussi millimétrique après qu’il se soit trompé de cinq points sur mon score à l’élection présidentielle soit deux points de plus que la marge d’erreur ? Que penser de sondeurs qui se moquent du monde aussi grossièrement ?

La vérité de ce « sondage », si on compare avec ceux de mai 2022, c’est que rien n’a bougé depuis lors. Nous avions gagné le premier tour. Nous le gagnerons de nouveau. Nous avons perdu le second parce que la droite, les macronistes et les dissidents du PS préfèrent voter blanc ou nul que d’aider un LFI à battre un RN. Toute la campagne de diabolisation dont nous faisons l’objet n’a pas d’autre but que de renforcer ce front du pire « plutôt Le Pen que Mélenchon ». Notre devoir est de faire porter le débat sur le terrain où ce front se désarticulera. C’est-à-dire sur les questions sociales comme la retraite, l’impôt sur la fortune, le Smic, l’allocation étudiante etc, et sur les questions écologiques comme l’interdiction du glyphosate, la fermeture du nucléaire et le 100% renouvelable, par exemple. Comptons que l’abstention sera bien moindre que celle qu’oublie de chiffrer IFOP. Ne serait-ce que pour aller dégager Macron. La politique du gros couvercle des 49.3, des menaces et du bourrage de crâne médiatique ne donnera rien d’autre qu’une suite sans fin de tensions et de frustrations. Ils font déjà partie des conditions psychologiques actuelles du combat. Il faut aussi savoir le prendre en compte.

Nouveau 49.3 nouvelle motion de censure. Pour les députés qui votent la censure, il s’agit absolument de bloquer la banalisation de cette procédure de violence contre le Parlement. De 49.3 en 49.3 le scandale prend des proportions qui finissent de donner au moment une ambiance de fin de règne. En effet des chapitres du budget entiers sont votés et amendés, mais aussitôt annulés par la procédure 49.3. Le calcul de Macron était que le nombre des 49.3 à répétition banaliserait son usage et que de cette façon il se doterait d’un instrument pour faire oublier sa situation de minoritaire. Le voila obligé de passer à une pantomime de dénonciation de soi-disant collusion de NUPES avec le RN. Nul personne ne le croit à part quelques personnes qui de toute façon ne comprennent plus rien au cirque médiatique.

Dans la NUPES, ce genre de propos n’atteint personne car tout le monde se souvient avec précision de ces jours ou la macronie regardait le RN avec les yeux doux et lui offrait les bonnes places au soleil des vice présidences de l’assemblée nationale. La manœuvre s’achève dans une misérable pleurnicherie de Darmanin suppliant les insoumis de ne pas déposer de motion de censure sous prétexte de ne pas recueillir les voix du RN. « Par dignité », mendie le chef des éborgneurs impunis ! La veille encore il faisait délibérément matraquer des députés et traitait « d’écoterroristes » les opposants aux bassines du grand capital agricole. Darmanin a mis à nu le tableau : tout ça pour ça. C’est-à-dire pour cacher une fois de plus combien la minorité présidentielle tient à un fil nommé « Les Républicains ». Un parti en pleine débandade. À peine une dizaine en séance pour voter la sanction du député raciste. Les autres étaient divisés par la démotivation face à une situation devenue immaîtrisable. Certes, fort peu d’entre eux (sans doute même aucun) acceptent les propos tenus. Mais qui parmi eux a le courage de se faire voir en train de voter contre le RN ? Pas grand monde. Ici le refus de participer au vote de sanction raciste tire une balle dans le pied du parti LR. Car il y a pire dans le champ politique que de ne servir à rien. Cette case est déjà bien occupée. Le pire est de ne savoir quoi faire dans une situation d’émotion nationale comme celle-ci. Puis LR a refusé de voter la motion de censure. LR a perdu sur tous les tableaux !

Le chantage à la dissolution est-il sérieux ou bien n’est-il là que pour impressionner le pauvre troupeau LR ? La publication du sondage IFOP donnant ce parti a 11% en cas d’élection tombe en même temps que les « indiscrétions » sur la dissolution dans le même journal. Le président s’amuse, on le voit bien. Mais que ses porte-plumes sont lourdauds ! En tous cas, il nous trouvera chauds et préparés depuis nos AMFis d’août. Nous y avons en effet décidé de remettre en mouvement les candidats LFI-NUPES des circonscriptions perdues de peu en plus des députés élus. Le lundi suivant, LREM faisait de même. D’habituels pisse-vinaigres y avaient vu un plan complexe pour étrangler nos alliés et nos éventuels dissidents. Comme d’habitude, l’incapacité à penser une stratégie globale a fini dans les miasmes médiatiques du LFI-bashing permanent. Aucun de ces grands analystes n’ayant pensé à demander pourquoi nous agissions ainsi, on fut tranquilles. On l’est toujours. Pour l’opposition il importe d’avoir sans cesse une main d’avance face à un adversaire lui-même déterminé et organisé. Le siège LFi est déjà en planification d’évènements.

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