Comment est-ce possible ? Cette COP 27 achève un cycle d’espérance. Cette fois-ci le doute n’est plus possible : ce monde, ses puissants et ses classes dominantes, sont incapables d’assumer un quelconque intérêt général humain. Dans les délais prévisibles avant les catastrophes irréversibles prévues par les esprits les moins dépressifs, aussi terrible que cela soit à entendre : il ne se passera rien qui change la donne climatique. La catastrophe est donc certaine. Les malins, les lobbyistes, les écrivains des discours des chefs d’État peuvent lever leur verre à la fin de cette comédie. Une fois de plus les bornes de leur horizon se sont imposées à toute l’humanité qu’elle le veuille ou non.
Et cela au moment où nous apprenons que nous sommes huit milliards d’humains. Voyez ma note d’analyse ici même. Cela signifie qu’avec le mode de production et de consommation actuel, l’écosystème compatible avec la vie humaine sera inéluctablement détruit. Peut-on l’empêcher ? En principe oui, en pratique non. Le système capitaliste financiarisé est le seul coupable. Il ne peut fonctionner sans cette course permanente à l’accumulation pour laquelle il doit produire les besoins et les marchandises de sorte que l’argent devienne toujours plus d’argent. Ce système mène le monde, achète les plumes et les esprits, corrompt les décideurs. On nous invite à nous réjouir des « mesures » adoptées. De purs trompe-l’œil. Dès la COP 21 à Paris on avait déjà tous fait semblant. Tous avaient voté pour une limitation de l’augmentation de la température à +1,5 °. Pipeau. On a tous su que les engagements réels pris par les États qui venaient de signer produiraient déjà une augmentation de +3,5°. On a fait semblant.
On voulait donner sa chance à l’esprit de compromis et de négociation tels qu’ils semblaient être devenus rois sur cette planète. On y croyait parce que c’était ce dont on avait besoin. Parce que ça nous faisait croire qu’il existait une humanité et une conscience universelle en chacun de ceux qui agissaient alors. Et parce que l’intérêt général humain existe bel et bien. La COP27 nous ramène à la case départ, celle qui dure depuis la COP1, le « sommet de la terre » de 1992.
Il faudrait se réjouir d’apprendre qu’un fond de réparation et de compensation pour les pays les plus démunis a été mis en place. On ne rit pas. Cela vient trente ans après la demande initiale de Vanuatu sur le sujet en 1991. Il reçoit une dotation de 350 millions de dollars. Mais les besoins sont évalués entre 290 et 580 milliards. On ne pleure pas. Mais on doit cette fois-ci refuser les euphories de commande.
Inéluctablement, la lutte écologique va devoir repenser ses méthodes. Les mobilisations et actions d’entraves devront se déployer pour construire une opinion publique plus déterminée et agissante. Je suis certain que la jeune génération entrera en action plus largement qu’à présent. Mais la bataille idéologique doit reprendre sur un plan élargi et plus avancé. Assez de mièvreries et de demi-mesures. L’écologie de rupture doit s’affirmer. On ne doit pas croire qu’une situation produise à elle seule la conscience politique pour y répliquer. Les gens s’étouffent déjà dans l’air pollué, les cancers, les malformations, les perturbations génétiques pullulent déjà. L’eau est déjà pourrie, le danger nucléaire est déjà là. Le changement climatique a commencé à dévaster la planète et les sociétés. Et pourtant, il ne se passe pas ce qui devrait être une insurrection générale des sociétés contre un ordre aussi dangereux.
Réduire la conscience politique aux conditions de la réalité qui la motive est une réduction caricaturale de l’esprit humain. Un réductionnisme mutilant. La grande Révolution de 1789 est impossible sans le demi-siècle de luttes idéologiques menées non seulement contre les tenants de l’Ancien régime et de la tradition mais aussi entre les courants qui constituent le mouvement lui-même. La bataille entre partisans des lumières modérées et les lumières radicales est si riche d’enseignements ! Les lumières « modérées » se sont embourbées pour finir dans le conservatisme. Et celui-ci les a éliminés. Les lumières sont victorieuses par le refus des demi-teintes et se sont déployées par et dans la Révolution. Retenons la leçon. On ne fait pas d’écologie politique « modérée ». Il faut assumer la rupture que le nouveau monde à faire naitre exige. Il faut tout changer. Et préférer les risques que tout changement de cette ampleur implique à la mort lente et pourrie que la COP 27 planifie par défaut.