25.11.2022

Jour de niche, jour riche

Les connaisseurs et les gourmands de choses politiques apprécieront pleinement ce qui s’est passé pendant la journée de niche parlementaire des Insoumis. Ce jour-là, comme chaque groupe parlementaire à tour de rôle, nous fixons l’ordre du jour de l’Assemblée et nous déposons nos propositions de loi. Nous savons que nous pouvons en présenter douze en commission et quatre ou cinq en séance plénière. C’est toujours un crève-cœur d’établir la liste de ce qui sera présenté puis celle des textes qui auront l’avantage de passer en séance plénière parce qu’ils sont placés en premier.

Le groupe insoumis avait franchi ce premier obstacle. Il ne faut pas sous-estimer ce qu’il faut de discussion, de sens du compromis, et du collectif pour parvenir à un classement de ce type avec des personnalités aussi fortement attachées à leur dossier (leur cause !) que le sont nos députés. Sans oublier les symboles et contextes de lutte qui s’attachent à chaque texte. Ni, bien sûr, le contexte politique national dans lequel la discussion intervient. C’est donc un haut niveau politique qui est requis.

Le groupe insoumis a montré qu’il était au niveau. Mais ce n’est là que le début. Il faut ensuite avoir un haut niveau de sens tactique et une bonne cohésion politique pour ne pas craquer dans les manœuvres à mener. Là encore : dix sur dix au groupe insoumis. Quand il est devenu évident que les groupes macronistes, de LR et de l’extrême droite manœuvraient ensemble pour bloquer nos textes, il a fallu passer à la tactique du mouvement permanent. Il ne nous restait plus que cela pour surmonter la manœuvre de nos adversaires.

Pour savoir ce que l’on pouvait faire, il suffisait de consulter ce qui s’était passé en commission. Clairement, nos deux premiers textes avaient été réduits à néant. Inutile de perdre notre temps à subir une deuxième fois la démolition en séance. Il fallait passer tout de suite aux textes les plus emblématiques et les plus périlleux pour nos opposants. Trois textes pouvaient alors passer : l’inscription de l’IVG dans la constitution, contre la corrida et pour la réintégration des soignants exclus pendant la Covid et avec un peu de chance on passerait aussi l’allocation d’études pour les étudiants.

Le groupe a donc retiré ses deux premiers textes. Horrifiées de voir le résultat, les droites aboyèrent de dépit et dénoncèrent notre « renoncement aux textes à contenu social » comme l’augmentation du Smic. Quelques médias embrayèrent. Premier prix d’hypocrisie à madame Le Pen. Elle avait annoncé dans le JDD qu’elle ne voterait pas l’augmentation du Smic après avoir déjà voté contre à chaque occasion récente. Mais là, elle regrettait qu’on ne puisse en discuter de nouveau. La malheureuse craignait le spectacle qu’elle donnerait à voir si le texte IVG venait en débat. Ce qui eut lieu. On a vu alors le RN arc bouté contre l’inscription de l’IVG dans la Constitution aux applaudissements sur divers bancs de droite.

Défaite assurée pour eux. Les Insoumis ont gagné dans un élan d’émotion et de fierté indicible ! Cette revendication présente dans nos trois campagnes présidentielles a passé un cap décisif. Il avait fallu tout l’art de notre porte-parole sur le texte et présidente de groupe, Mathilde Panot, pour savoir proposer par un amendement une rédaction acceptée par des signataires de plusieurs groupes. Adopté ! Quel bonheur ! « La France parle au monde » déclara Mathilde Panot.

Puis vint le texte pour interdire la corrida. Les adversaires ne s’attendaient pas à ce que le texte arrive si tôt. Mais ils avaient pourtant déposé huit cents amendements. Cela signifiait au moins 20 heures de débats. Sans même de garantie qu’on ait fini à minuit, heure de l’interruption obligatoire de la journée de niche et de ses textes. L’équipe insoumise prit donc la bonne décision : présenter le texte par son rapporteur Aymeric Caron (Paris) puis passer l’oratrice de notre groupe Anne Stambach-Terrenoir (Haute-Garonne). Deux interventions considérées comme marquantes et même historiques puisque le sujet venait pour la première fois de l’histoire dans l’hémicycle. Puis le texte a été retiré aussitôt.

De cette façon échouait la manœuvre de retardement de la niche tout entière. Nous avions alors une chance de passer au vote sur le suivant concernant la réintégration des personnels soignants exclus au cours de la crise COVID. Un terrible crève-cœur. Mais une immense sagesse tactique. D’abord parce que le texte a fait sa percée. Pour la première fois, la question est venue dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale. Historique. Ensuite, parce qu’une ligne de front se dessine qui regroupe des parlementaires de tous bords. La possibilité d’un texte présenté en commun, « transpartisan » se présente. Autrement dit, la bataille est engagée publiquement et en dépit de la volonté de la noyer dans des heures de discussions sans vote, le rapport de force est amélioré. Une autre étape est à portée de main. Aymeric Caron la saisira.

Une fois passés au texte suivant sur la réintégration des personnels soignants suspendus pendant la crise Covid, les macronistes se sont à leur tour affolés. Tout futt bon pour retarder le vote et le rendre impossible. Incidents de séance, rappels au règlement et, tout d’un coup, plus de deux cents amendements et sous amendements déposés en séance pour tout bloquer. De pur jeu d’obstruction consistant à changer le temps de conjugaison des verbes ou à donner des synonymes de mots. Pourtant l’amendement de suppression avait été battu. Cela signifiait donc qu’une majorité existait pour décider le retour des personnels suspendus.

Il faut réaliser le niveau de provocation que cela représente pour des milliers de soignants et des centaines de services de soins où leur retour signifierait un allègement immédiat de la peine au travail. Dans les outre-mer c’est plusieurs centaines de personnes manquant à l’appel qui sont concernées et jusqu’à 20% des effectifs dans certains secteurs. Alors on comprend l’état d’exaspération des élus des outre-mer. De tous bords, les députés ultra marins se dressèrent avec vigueur et même une colère palpable. « Nos vies sont en jeu » cria un député « des dix outre-mer ». « Vous n’imaginez pas ce qui se passe dans les outre-mer », déclara le député martiniquais Jean-Philippe Nilor, apparenté au groupe Insoumis. Les populations nous regardent. Elles croyaient que la démocratie fonctionnait en France. Il voit que ce n’est pas vrai. » Terrible leçon de politique. « C’est bien la vérification de pourquoi il n’y a d’élu LREM dans un quelconque outre-mer » conclut-il .

Caroline Fiat, rapporteure, exécuta le discours et les arguments du ministre de la Santé « Qui était sur la ligne de front avez-vous demandé ? Moi j’y étais ! Sans gant, sans blouse, sans masque ! C’est vous qui avez demandé aux soignants positifs au Covid de venir au travail ! (…) notre texte permet une sortie par le haut de la crise que vous avez provoquée ».

Au total le point nous revient. Les insoumis ont démontré leur utilité nationale et leur capacité propositionnelle. Les insoumis ont su marquer dans l’opinion leur journée de niche ce qui est une satisfaction pour leur travail parlementaire. Hormis les fanatiques, les observateurs savent quelle maitrise et quelle cohésion politiques ont été déployées. Ensuite, un succès considérable a été remporté. Celui sur l’IVG. Un succès parce qu’il parle à toute la société. Parce qu’il inscrit la France dans une bataille mondiale sur le droit des femmes à disposer de leur corps. Et l’ouverture du débat sur l’interdiction de la corrida fonctionne comme un compte à rebours désormais engagé avant l’interdiction effective. Enfin, sur le plan plus modeste de l’action purement politique, parce que la macronie ressort une fois de plus en lambeaux de l’épisode. Elle a manifesté des connivences d’enthousiasme et d’applaudissements avec le RN sur la corrida avant de s’enfoncer dans le mépris que lui voue désormais tous les élus des outre-mer. 

Enfin, pour nous combattre, la macronie a franchi des caps inconnus. C’est ainsi la première fois qu’un gouvernement organise et participe par ses ministre à de l’obstruction parlementaire contre une niche législative de l’opposition. L’obstruction irresponsable a pris des proportions inouïes. Au total, il s’agit de 2 000 amendements et sous-amendements déposés sur l’ensemble de nos textes en séance. En direct ce sont 1 824 amendements déposés contre les 3 textes discutés : IVG : 671, Corrida : 836, Réintégration des soignants : 317. S’ils avaient été tous traités sans que nous retirions corrida il y en avait pour 60 heures de débat – à une vitesse modérée. C’est-à-dire 2 jours et demi sans dormir. La macronie c’est ça !

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