Samedi aux bassines de Sainte-Soline l’industrie agricole gorgée de subventions a bénéficié d’une présence policière hors de prix. Il ne se serait rien passé de violent, si Darmanin n’avait pas déployé 3000 policiers et gendarmes pour « protéger » un trou dans la terre et un tuyau. Une marche dans les champs s’est donc transformée en un exercice de répression policière aveugle, ultra violente. Pour 6000 présents d’après la préfecture, 4000 grenades ont été tirées, soit plus d’une par manifestant en moyenne. Résultat hélas, plusieurs blessés entre la vie et la mort et des dizaines de blessés à la clef ! Depuis Paris, Darmanin poussait au pire en dénonçant « l’ultra gauche et l’extrême gauche » accusation gratuite destinée à banaliser son incapacité à apprécier les situations au foot, dans les rues de manifs comme dans les champs. A moins qu’une fois de plus il s’agisse de cibler les huit députés insoumis en écharpe, présents sur place : Gabriel Amard, Ségolène Amiot, Clémence Guetté, Murielle Lepvraud, Marianne Maximi, Manon Meunier, René Pilato, Loïc Prud’homme, Anne Stambach-Terrenoir ! La veille déjà, Darmanin avait glapi pour « condamner l’extrême-gauche et les factieux ». Sa campagne présidentielle de 2027 est commencée.
Pourtant, selon le site « Rue89 », il semblerait par exemple que l’incendie de la mairie de Bordeaux soit le fait de l’extrême droite. « Sur d’autres vidéos de la même scène, « Front national remplace Macron ! » est clairement audible. Une signature des identitaires, alors que huit militants d’extrême droite sont actuellement jugés pour des violences racistes datant de juin 2022 dans le quartier de Saint-Michel, et que la première journée d’audience venait tout juste de se terminer au tribunal de Bordeaux, voisin de la mairie. ». Sur place, à Sainte-Soline, la diabolisation des manifestants a-t-elle suggéré main libre pour cet épisode odieux entre tous : le blocage des ambulances par les autorités ! Des blessés laissés sans soin. On comprend alors pourquoi selon le Financial Times du 25 mars : « la France a le régime, qui dans les pays développés, s’approche le plus d’une dictature autocratique ». Mais pour ce journal, il ne s’agissait encore à ce moment que de la loi sur la retraite à 64 ans et de la procédure du prétendu « parcours démocratique » allégué par Macron. Mais il y avait déjà de quoi. La macronie est un tout, en ville comme aux champs.
Nous en sommes à 67 jours de lutte depuis les 19 et 21 janvier et à dix journées d’action. C’est la mobilisation sociale la plus importante depuis mai 1968. En deux mois, quatre manifestations ont dépassé le million de manifestants (comptage police) à l’échelle nationale. Un phénomène sans précédent. Les niveaux de mobilisation sont inédits. La manifestation du 23 mars à Paris a été évaluée par la police elle-même bien plus haut que celle du 7 mars qui était déjà un record dans l’histoire des manifestations en France. Et elle comptait deux fois plus de monde que le 19 janvier, la première journée de mobilisation contre la réforme ! Une hausse multipliée par trois dans les plus petites villes !
Evidemment au lendemain du flop présidentiel à la télévision tout l’appareil de propagande a dû se concentrer sur une corde de rappel. Ce fut le festival des vieilles formules des images choc sur des « actes de violence ». Mais le succès escompté n’a pas été au rendez-vous. Car au même moment des vidéos insoutenables de violences commises par les policiers ont inondé les réseaux sociaux : charges ultra-violentes, manifestants matraqués, arrestations préventives et injustifiées, insultes sexistes et grossièretés à foison. Le scandale d’une police que plus personne ne contrôle plus vraiment éclate sous les yeux de tous et d’abord des policiers républicains et insoumis que ces comportements de hordes écœurent en premier. Sans parler des gardes à vue abusives. Le 24 mars à Paris, il y a eu 425 personnes arrêtées et placées en garde à vue dans des commissariats transformés en maison d’arrêt improvisées. Pourtant seules 52 ont fait l’objet de poursuites judiciaires. Cela signifie que toutes les autres l’ont été sans aucun motif ou apparence de motif. Mais, en tabassant tout le monde et n’importe qui, les colonnes policières se sont faites beaucoup de témoins indignés dans la bonne société, elle aussi ramassée au hasard : des joggeurs, deux jeunes autrichiens de 15 ans en voyage scolaire, de simples passants dans la rue… Ils racontent partout leur dégout justifié. Plusieurs entités ont tiré la sonnette d’alarme cette semaine : le Conseil de l’Europe, le rapporteur spécial de l’ONU, la défenseure des droits, la Commission nationale consultative des Droits de l’Homme, Amnesty International. Dans de nombreux pays des manifestations devant les ambassades de France affichent la solidarité avec la mobilisation française. Et à présent, même les médias d’habitude très liés à la police pour les informations qu’elle leur donne semblent par-ci par-là afficher une prise de conscience. Ainsi, a-t-on pu lire à la Une de « 20 minutes », journal pas réputé pour être de gauche : « Mais que fait la police ? Les arrestations arbitraires et les gardes à vue ont explosé …». Ce jour là, l’élargissement du mouvement se notait fort et clair. Enfin, après toutes ces semaines d’interventions on a vu les facs et les lycées, d’un bout à l’autre du pays, déborder dans les rues. C’est aussi le bilan de la longue campagne d’alerte menée par Louis Boyard. C’était le fait du jour avec l’entrée en scène de nombreuses entreprises. On peut dire que le coup du mépris de classe infligé par Macron à 13 heures le mardi a fini d’écœurer tout le monde dans le pays.
Be Water. On se souvient qu’à Hong Kong les autorités locales avaient déclaré vouloir imiter la nouvelle loi française et le traitement réservé aux gilets jaunes. Juste retour d’imitation, à notre tour dans les faits sur le terrain nous imitons les manifestants de Hong Kong. « Be Water » était leur consigne. « Soyez comme l’eau ». C’est-à-dire insaisissables, glissant comme l’eau qui coule d’un lieu à l’autre. Telles sont les rues de Paris la nuit, ces temps-ci. Reliés par chaîne « Telegram », la jeune animatrice d’une boucle forte d’une cinquantaine d’amis m’a montré comment les rendez-vous sont fixés puis changés au fil de la nuit. Et comment la géolocalisation aide cette manœuvre. En général, les passants aussi connaissent les rendez-vous à rallier. Au total les consignes se propagent, de cette façon, insaisissables, incontrôlables. Le vieux monde s’inverse. Personne ne va plus dans les petites rues où l’on peut se faire bloquer plus facilement. On se tient plutôt dans les grandes artères et sur les larges places pourtant construites par Haussmann pour empêcher les attroupements populaires. Le but est d’éviter le nassage. La consigne donnée sur les boucles est de filmer. Et de refuser de signer les PV car cette obligation n’est pas légale. Surtout éviter les BRAV-M. Il s’agit en effet de personnalités assez perturbées pour être volontaires pour monter à deux sur une moto matraquer les passants. C’étaient autrefois des « voltigeurs motocyclistes ». Ils avaient été supprimés après la mort de Malik Oussekine par le ministre Pasqua en raison de leur dangerosité. Depuis Macron et le préfet Lallement, ils peuvent de nouveau pourchasser les gens et les frapper à la volée. Pendant quelques minutes ils parviennent à suivre des groupes avant que ceux-ci se dispersent. Leur violence est totale et leur grossièreté bien connue des « wateristes ». Trois députés insoumis ont demandé la dissolution de cette unité. Il faudrait évidemment confier ensuite ce personnel à des soins psychologiques pour les ramener dans le monde des comportements acceptables.