Lundi soir, casserolade nationale pour le premier anniversaire de l’élection par défaut du Président Macron. Un moment symbolique fort de plus. Tout compte, à présent, jusqu’au 1er mai. Je crois le moment politique tout à fait exceptionnel. Peut-être parce que je n’en ai jamais vécu de semblable dans les quarante dernières années.
Dans cette séquence se mêlent : la disqualification internationale du pouvoir français en général, et en particulier chez les atlantistes, l’insurrection sociale perlée, une crise des « forces de l’ordre » naissante, le début des failles dans le poste de pilotage gouvernemental, un fond de scène hyperinflationniste, une crise dévastatrice du cycle de l’eau. C’est beaucoup. S’inscrire dans une page de l’Histoire de cette nature donne un angle de pensée et de comportement différent de celui qui peut prévaloir dans les routines du temps commun. Et cela nous impose une exigence : être à la hauteur des circonstances. En effet, de ce que j’ai observé déjà ailleurs et de ce que je vois, je pourrai conclure que notre pays est entré dans la phase « dégagiste » contre le régime macroniste.
Depuis l’échec du discours de Macron au lendemain de la décision du Conseil constitutionnel, nous sommes entrés dans une nouvelle phase. Elle est éruptive. C’est la phase « destituante » dans le processus de la révolution citoyenne. Toute autorité est mise en cause. C’est ce que montre chaque sortie du Président et des Ministres. Mais aussi, les abus de pouvoirs auxquels sont obligés de se livrer les préfets qui interdisent à tour de bras, illégalement, la moindre manifestation sous prétexte de loi anti-terroriste. C’est que montre aussi le pullulement des gardes à vue utilisées illégalement comme un mode ordinaire de punition de manifestants capturés au hasard. Il ne faut en aucun cas sous-estimer la force de ce qui se passe. Les provocations verbales de Macron aident également très bien à fortifier le refus populaire de cette mauvaise réforme. Encore une fois un rapport de force est une construction. La séquence des casserolade est actuellement une montée en puissance réussie. Lundi sera un paroxysme déclencheur.
Macron a cru se rendre maître des horloges en fixant ce ridicule délai de « cent jours ». Il s’est en réalité enfermé dans un séquençage de calendrier qu’il ne contrôle plus. Le moment politique sort du vague pour entrer dans sur un chemin bordé d’étapes. Cent jours ! Quelle idée ! Tous les symboles convoqués se retournent contre lui. « Cent jours » dans l’histoire de France, c’est Napoléon et ça se conclut à Waterloo. Et ça tombe sur le 14 juillet, ce dont Macron a l’air satisfait. Pourtant c’est le jour symbole de la révolte se transformant ainsi en Révolution, contre l’arbitraire d’ancien régime. Dans l’intervalle des cent jours, les rendez-vous populaires vont se multiplier. Ils prennent sens et se fortifient du seul fait qu’ils s’inscrivent dans une séquence voulue par Macron pour constater l’apaisement et la réussite de son plan. C’est du même niveau que le discours raté de De Gaulle avant sa disparition à Baden-Baden. Mais n’est pas De Gaulle qui veut. Le rendez-vous du 1er Mai est déjà un évènement extraordinaire, puisqu’il est convoqué par absolument tous les syndicats et tous les partis de gauche ! Il sera un moment pallier. D’ici-là, les actions se multiplient sous toutes les formes, en petits et grands groupes. Elles sont toutes aussi significatives et constructrices que les grands évènements du calendrier national. Tout cela, on l’a vu et analysé dans le monde dix fois auparavant. Naturellement il n’y a aucun déterminisme à l’œuvre. L’histoire est un processus toujours ouvert dans son déroulement concret. Mais la pente est prise.
Tout ce que les Insoumis ont fait depuis le début de cette séquence a été, à mes yeux, à la hauteur des circonstances, à la hauteur des devoirs de la première organisation politique de gauche. La séquence parlementaire, notamment, a été un explosif de haut niveau dans les murailles de la macronie et de son projet néolibéral. Mais tout le reste de l’action militante insoumise a pesé lourd : 14 millions de tracts, 200 meetings, des dizaines de millions de vues sur nos vidéos, la caisse de grève amenée à plus d’un million d’euros, les caravanes populaires, des collectes de nourriture pour les familles des piquets de grève, la présence aux commissariats face aux gardes à vue, dans les rues la nuit, et ainsi de suite. Oui, tout cela a contribué à l’effort général de façon efficace, et parfois décisive, je le crois. Comme sur le refus quasi-unanime du groupe pour passer au vote de l’article 7 de la loi retraites. Cette décision a ouvert la voie à la journée cruciale du 7 mars, qui fut une journée de masse et propulsive. Le texte de loi entre en errance dans la zone de non-vote et non-légitimité.
La débandade est proche dans le camp des soutiens de Macron. En atteste le renfort médiatique croissant pour Marine Le Pen, à mesure que l’effondrement politique de Macron paraît irréversible. On n’en finit plus de lire ou d’entendre des chroniqueurs annoncer la victoire de Le Pen. Une façon de plus de la banaliser et de dédiaboliser. Ce n’est plus une crainte, c’est déjà un désir. D’après les sondages, le transfert de voix de Macron sur Le Pen est commencé. En Europe, c’est désormais une figure imposée. Voir l’Italie, la Hongrie, la Finlande, la Suède, l’Autriche, la Pologne. Mais il n’y a pas d’automatisme. Car, au même moment en France, l’émiettement du bloc allant de Macron à Zemmour est de loin plus profond qu’il ne l’a jamais été. Macronistes et lepénistes se battent pour créer une union transversale. Mais chacun pour soi. Chacun pour son profit. Les tensions sont autrement plus violentes que celles de la NUPES ! Mais mieux occultées.
La participation des Insoumis, de leurs élus et de leurs groupes de base à toutes les actions, de tous types, sur le terrain est déjà bien assumée. C’est un impératif absolu, nonobstant la fatigue et l’usure. La réaction de nos deux députés dans la tournée intervilles de Macron en Alsace et dans l’Hérault est au bon format de ce qu’il faut faire. Tout le reste doit suivre à tous les niveaux, sous toutes les formes, dans toutes les occasions qui se présentent ! Les Insoumis y sont préparés de toutes les façons possibles. Jusqu’au 1er mai unitaire, toute action fait sens. Nous avons donc notre feuille de route pour être à la hauteur de ce moment. Rien ne doit nous en détourner.
Il y a alerte. Car après la surexploitation de « l’affaire Quatennens » avec une synchronie admirable, deux journaux organisent la même semaine un match Ruffin/Mélenchon : « l’Express » et « Libération », suivis par les habituels roquets. Il n’a pourtant aucune réalité dans l’actualité. « Comment Ruffin compte avoir la peau de Mélenchon » titre même l’Express. Grosse ficelle. « L’Express », c’est le même groupe que BFM, RMC, etc., qui possède aussi le journal « Libération ». Ce groupe de presse voudrait donc nous discréditer comme des gens occupés à des compétitions égotiques, en pleine crise sociale et politique où les insoumis jouent un rôle non négligeable. Naturellement, ce match n’existe pas et n’existera jamais. Je l’ai déjà dit assez clairement et à plusieurs reprises et de diverses façons. Ni François Ruffin, ni moi, ne nous laisserons entrainer dans ce cirque. Le souhait de ce groupe de presse serait que, dans les bases militantes du Mouvement, des gens se prennent au piège et que le feu prenne à la plaine. D’où le besoin d’écrire ces lignes. Ne tombez pas dans le piège ! La bagarre que veulent « Libération » et « L’Express » ne renforcerait que Macron. Il ne faut surtout pas s’y abandonner avant. Mon récent tweet saluant et encourageant François Ruffin a déçu la ligne de ces médias. Hélas pour eux, je le répète : il n’y aura pas de « bataille de succession » entre moi et qui que ce soit dans le mouvement Insoumis. Il y aura en 2027 une candidature soutenue par les Insoumis. Et nous accèderons au second tour. Et ce sera sur un programme de rupture avec l’ordre établi.
J’ai dit sur tous les tons que je souhaitais être remplacé. Pour les élections. Je n’ai pas changé d’avis. Je connais la difficulté et les risques de cette transition. Il faut la tenter pour imaginer la réussir. Mon rôle est autre dorénavant. Il y a d’autres candidatures dans nos rangs ? Oui, je le sais, comme tout le monde. Je connais leur valeur. Le temps dira si elles éclosent. De nouveaux visages émergent aussi, encore. Les dirigeants du mouvement et du groupe entrent, eux aussi, à présent en scène. Rien ne presse. Nous ne serons plus jamais dépourvus comme nous l’avons été naguère, à la mort de François Delapierre en 2015. C’est cela le sens de mon tweet à propos d’un sondage nous plaçant tous les deux à plus de 20%. C’est à mes yeux, au total, une superbe nouvelle. Car la victoire, pour moi, c’est la pérennité de l’œuvre entreprise : la primauté de la gauche anticapitaliste. C’est la condition de la victoire. Avec toutes nos équipes, j’ai fait le boulot : de 3,5 % dans les sondages en 2010, à 22 % dans les urnes en 2022. Et maintenant il y a deux insoumis à ce niveau ! Je sais que nous sommes hauts et forts, quoique rabâche la presse des milliardaires. Je ne veux pas que cette force soit affaiblie par le tableau d’une guerre de personnes, surtout celle que je ne veux pas mener. François Ruffin conduit une campagne ardente et réussie. Il exprime un contenu politique et une ligne. Il ne peut être question pour moi de voir transformer les discussions avec lui en pugilat ou compétition, qui n’aurait qu’un résultat : affaiblir le mouvement et sa position en 2027. Et surtout nous disqualifier, aujourd’hui, au moment où le pays va chercher son point d’accroche politique pour pouvoir mieux affronter Macron. Surtout en cas de dissolution. Mon conseil à chacun reste le même : faites vous aimer, rendez vous utile au peuple et au mouvement. Le reste vous sera donné par surcroît. Méprisez les flatteurs qui donnent de la lumière pour attiser les disputes. Les médias et la classe médiatique lèchent, lâchent puis lynchent. Toujours.
Quant à 2027, entendez François Ruffin quand il dit : « voyons l’équipe et on verra pour le capitaine ». Commencez donc par faire équipe LFI. Car si, à la prochaine élection européenne, nos alliés de la NUPES entrent dans la logique identitaire, style Fabien Roussel à la présidentielle, il faudra reprendre le sac et le barda, tout seuls, de nouveau. Car comme l’a dit Manuel Bompard dans le JDD, il est difficile de croire à une mise entre parenthèse de la NUPES le temps de cette élection, puis le retour à l’union à la suivante. Surtout pour soutenir ensemble des maires sortants qui ne déclenchent pas tous (mais certains si) le même genre de sympathie. Une seule chose est sûre : personne ne fera rien sans ou contre le mouvement insoumis. Jamais ! La preuve ? Dans le match que veulent organiser « L’Express » et « Libération », le choix reste entre deux Insoumis. Bref, l’ennemi est en train de « vendre la corde pour le pendre ». Être à la hauteur des circonstances c’est vouloir, encore une fois, faire mieux que jusque-là. La bataille de la réforme des retraites montre que nous en sommes capables.