Trois semaines seulement pour la campagne électorale, c’est l’assurance d’avoir les arguments les plus grossiers rabachés contre notre programme. Le camp macroniste a déjà embrayé sur le thème du « ça va être la ruine ! » en publiant un chiffrage totalement bricolé et donc entièrement faux. « Les Échos », journal de référence économique, recopie pourtant ce matin ces éléments de langage. Le lecteur paie-t-il 3,60 euros pour recevoir un tract de propagande ou pour avoir des informations qui lui permette de conduire ses affaires pour le mieux ? Je suis déçu. Car pour ma part, je lis « les Échos » tous les jours. Un doute me ronge désormais : les autres informations sont-elles pipeautées comme celles-ci ? Est-ce là un journal d’info ou bien juste un missel pour rentiers impressionnables ? Pourtant s’il est vrai que les milliardaires ont à perdre, par contre ce n’est pas le cas de tout argent placé par les petits épargnants ni par les petites entreprises. Ceux-là ont plutôt intérêt à l’application du contrat de législature du Nouveau Front Populaire. Pourquoi ces gens-là ne pourraient-ils pas voir que notre relance de l’économie est une bonne politique pour les carnets de commande ? Pourquoi lui préférer la politique d’hommes comme Le Maire ou Macron qui ont déjà créé 1000 milliards de dettes publiques, anémié l’économie et dévoré l’épargne par l’inflation ?
Donc, ce lundi matin, la Une de « les Échos », journal de Bernard Arnault, affiche un titre inquiétant : « Ce qui vous attend avec les programmes de rupture ». En manchette, on peut lire la phrase suivante : « Abrogation de la réforme des retraites pour un coût de 100 milliards pour le Nouveau Front Populaire ». 100 milliards ! Caramba ! C’est beau et convainquant comme tous les chiffres ronds. Un chiffre inventé par « les Échos ». Car jamais les macronistes eux-mêmes n’ont prétendu réaliser cent milliards d’économie avec leur réforme de la retraite à 64 ans ! S’abaisser à ce genre de propagande mal ficelée donne une idée du niveau du trouillomètre chez le propriétaire du journal. Car ce genre de pitrerie vaut à « les Échos » un flot de moqueries d’économistes parmi les plus en vue du pays, comme Michaël Zemmour. Il s’est ainsi demandé avec humour sur Twitter si le journal ne comptait pas en francs…
Dissipons la brume pour déconstruire cette fausse information. D’abord, disais-je, le gouvernement lui-même n’a jamais dit que sa réforme rapporterait 100 milliards. Dans le dossier de présentation de sa réforme, l’économie attendue était de 10 milliards d’euros en 2027 et de 17,7 milliards d’euros ensuite en 2030. À cela il fallait retrancher le coût des mesures dites « d’accompagnement » pour amortir la violence du choc sur les seniors. Comme celles qui ont été décidées à la dernière minute par Elisabeth Borne pour les carrières longues dans l’espoir de stopper le mouvement social. Elles font chuter les promesses d’économies attendues à 6,6 milliards en 2027 et 13,5 milliards en 2030. Enfin, la retraite à 64 ans, ça ne produit pas que économies. C’est aussi des coûts supplémentaires. Décaler l’âge de la retraite augmente mécaniquement le nombre de séniors au chômage. Et donc les dépenses qui vont avec. Par exemple, cela dégrade l’état de santé de ceux qui restent au boulot alors qu’ils devraient être au repos. Pour l’assurance-chômage et l’assurance maladie, c’est 1,7 milliards d’euros de charges supplémentaires avec la retraite à 64 ans. Ainsi, si l’on prend 2027 comme horizon du bilan, l’abrogation de la réforme Macron coûterait 5,2 milliards d’euros, toutes administrations confondues. C’est-à-dire non pas 5, non pas 10 mais 20 fois moins que le chiffre affiché en Une des Échos. Les lecteurs sont pris pour des imbéciles. À moins que la rédaction ait confondu avec le chiffre des dividendes versés en 2023 aux actionnaires du CAC40 qui est, lui, de 100 milliards d’euros. Mais si de tels articles sont destinés à créer la panique annoncée également par le journal, les actionnaires perdront davantage par la bourse que par le Nouveau Front Populaire…