Ce samedi je vais à la Cité des Sciences à Paris pour « Les Rencontres du ciel et de l’espace » et le 19 octobre 2024, je participais à Toulouse au colloque organisé par l’Institut la Boétie : « L’espace : un horizon en commun ». Il concernait les enjeux de l’exploration spatiale, ses usages, son évolution actuelle, son devoir de bifurcation écologique. Dans les deux cas je suis en compagnie de Bastien Lachaud et Arnaud Saint-Martin, déjà cheville ouvrière de l’événement toulousain et nouveau député insoumis. Chercheur au CNRS spécialisé dans les questions aérospatiales, sociologue de l’espace, il était l’animateur du livret Espace du mouvement insoumis et de son programme, l’Avenir en commun. Désormais il est député insoumis de Seine-et-Marne.
Espace insoumis
La question de l’espace est pour les insoumis un sujet politique. L’Espace l’est d’abord comme objet intellectuel puis évidemment comme thème géopolitique et enfin comme activité matérielle et sociale occupant des milliers de salariés. La perspective insoumise par rapport à l’exploration de l’espace, autrement dit à l’anthropisation de l’espace, s’est construite progressivement.
Nous étions alors Bastien Lachaud et moi, entouré d’une petite poignée de passionnés par le thème. Il y a eu pour nous un jour de commencement public. Ce jour est le 5 février 2017. Nous avons fait un rassemblement dans le cadre de l’élection présidentielle sur le thème “Les nouvelles frontières de l’humanité”. Il s’agissait du numérique, de la mer et de l’espace. Nous voulions capter l’attention du public pour le conduire à prendre conscience du contenu politique du thème. Pour y parvenir nous avons réalisé le premier meeting en hologramme. Une ambiance de science-fiction. C’était une première mondiale. Mais notons hélas ceci : il ne resta que cela pour finir dans l’attention du public et dans le récit de mémoire de ce moment.
Depuis, les insoumis, nous avons gagné en autorité, en nombre, en puissance, et nous mettons cette puissance au service de l’ensemble de nos visions du monde. Ainsi avec Aurélie Trouvé, députée de La France insoumise et ancienne présidente d’ATTAC, elle préside la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale. Et elle se sent concernée par l’économie de l’espace. Elle a le projet d’inscrire dans le travail de sa commission la planification spatiale c’est-à-dire celle de ses activités économiques. Car l’Espace n’existe pas vraiment au parlement de la première puissance spatiale européenne. Le thème est ballotté entre les commissions du parlement sans grande capacité d’attraction.
Capacité d’émerveillement
Mais avant toute chose, l’espace est un objet de notre esprit et la base d’une activité intellectuelle créative. Il est d’abord une perception purement humaine. Celle qui a d’abord conduit à regarder les étoiles, à ressentir de la fascination devant un ciel étoilé. Dans cet instant il n’y a absolument rien d’autre que de l’humain. Ce que nous voyons n’existe plus depuis longtemps car c’est une lumière qui nous parvient venant d’objets qui ont changé de place ou bien qui n’existent plus depuis plusieurs millénaires. C’est aussi celle livrée par notre vue limitée par la nuit et les quelques bandes lumineuses que nos yeux captent. Mais cette observation a toujours été utile et même décisive. Elle a stimulé une attitude mentale fondamentale : observer des coïncidences entre des faits terrestres et des positions stellaires dans la voûte du ciel. De là, les observatoires pour savoir quand labourer, semer, cultiver, récolter en écartant ainsi le risque d’erreur qui conduisait aux famines. Observatoires de circonstances, provisoires, ou fixes puis construits. De Stonehenge à Chichén Itzá puis de l’observatoire de Juvisy installé en Essonne à James Webb installé à 1,5 millions de kilomètres de la Terre, l’astronomie a toujours mis à contribution le meilleur des techniques de son temps. Ensuite cette aptitude à relever des coïncidences sera étendue à d’autres aspects. Nullement scientifiques pour les uns. Comme l’astrologie. Mais aussi l’art de noter les coïncidences qui suggèrent des enchaînements déterministes. On comprend mieux pourquoi il y a des milliers de tablettes cunéiformes mésopotamiennes consacrées à la comparaison entre des traits physiques de personnes et des traits psychologiques qui sont censé y correspondre.
Mais de cette astronomie spontanée du contemplatif dans la nuit sont surtout nées au fil du temps, les pratiques agricoles rationnelles, les mathématiques etc. Sans doute l’ignorance et l’émerveillement eux-mêmes remplissent aussi une fonction darwinienne, celle de stimuler notre esprit à trouver des explications.
1/ L’espace : du bien commun à la privatisation
Res nullius
L’espace est l’actuelle nouvelle aire d’expansion de l’humanité. Notre espèce prolifère partout où elle peut. Cela a développé son intelligence, élargi sa culture cumulative. La voici sortie hors de tous ses biotopes possibles, au-delà de son écosystème, hors de l’atmosphère. Pour autant l’espace n’est pas forcément condamné à n’être qu’un lieu à sa disposition. Peut-être pourrons-nous vivre sur d’autres planètes. Nous y vivrons alors comme êtres humains. Et à partir de là vont s’opposer les principes en activité dans toute vie humaine et dans toute société humaine. Dans la politique humaine, certains considèrent que l’espace doit avant tout être utile. C’est-à-dire être un moyen d’appropriation de richesses matérielles individuelles. Dans un premier temps, personne ne pensa à s’approprier quoi que ce soit dans l’Espace. Le droit définissait l’espace comme un bien commun, Res nullius, n’appartenant à personne ! Ainsi, en 1967, il se fit un traité de l’Espace. Il en faisait une propriété commune de l’humanité, refusait l’appropriation, refusait la militarisation. Il établissait que « l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes, ne peuvent faire l’objet d’appropriation nationale par proclamation de souveraineté, ni par voie d’utilisation ou d’occupation, ni par aucun autre moyen ». De la même manière, en 1979, il y eut un traité sur la Lune. Il inscrivait la Lune dans le « patrimoine commun de l’humanité », sous responsabilité du secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Dès le départ l’humanité refuse l’appropriation du bien commun spatial.
Course à la privatisation
Mais dès le départ aussi, une série de pays préparant leur avenir ont refusé de signer et de ratifier ce traité. Devinez qui ? Les Etats-Unis d’Amérique, la Russie, la Chine, la France… Mais oui, la France ! Elle a signé le traité mais ne l’a pas ratifié. Je m’adresse donc à mes camarades parlementaires, il faut faire une proposition de loi pour la ratification du traité sur la Lune !
Dix-sept pays ont signé le traité, mais l’un d’entre eux vient de s’en retirer. Ne pas ratifier un traité sur la Lune s’opposant à l’appropriation, implique d’avoir d’autres idées sur la question. Ainsi, l’Arabie Saoudite vient de se retirer du traité. Elle démarre dans le même temps un programme spatial ambitieux…
L’espace transite du Res nullius, propriété commune collectiviste, à l’espace privé, avec appropriation privée par les puissances. Les États-Unis d’Amérique, toujours à l’avant-garde pour ce genre de façon d’agir ont modifié leurs lois pour permettre l’appropriation privée de l’espace. Cette loi, le SPACE Act, a été adoptée par le Congrès américain en 2015. Elle peut donner lieu à un usage abusif de puissance. Autrement dit, les États-Unis peuvent décider unilatéralement de qu’ils feront là où ils arriveront les premiers. Car avec ce traité, on peut s’approprier les ressources spatiales sur lesquelles on arrive les premiers. Immédiatement, le Luxembourg, qui n’est pas une puissance spatiale, a décidé en 2017 d’inclure dans son Droit des affaires l’appropriation et l’exploitation d’objets dans l’espace. On peut donc faire enregistrer dans ce pays les sociétés de tous pays qui auraient ce type d’activités…
À la conquête de l’espace
Il y a une prolifération dans l’espace. Il y a plus de 10 000 satellites dans l’espace. Les deux tiers appartiennent à Elon Musk. Cela représente 85 % de la masse qui s’y trouve. La plupart des activités se développent à l’intérieur de l’orbite proche. Ces satellites l’occupent, rendent inobservable depuis la terre des phénomènes cruciaux. La Chine pense à installer une base sur la Lune. Ils posent déjà des objets sur la face cachée de la lune, comme le robot “lapin de jade”, pour de l’observation. Il y a maintenant plusieurs missions sur Mars. Toutes les missions cartographient sa surface, mais explorent aussi ce qu’elle contient.
La prolifération dans l’espace proche ne fait que commencer. C’est pourquoi il y a une prolifération des pas de tir, une augmentation du nombre des « port spatial ». Il y avait Kourou, la base française. Il y avait celle des Chinois, celle des Russes, celle des Nord-Américains. Désormais, les projets de bases spatiales se multiplient en Europe, la plupart pour des fusées privées. Parmi elles, une en Suède et une en Norvège. De cette dernière, les Allemands feront leurs premiers tirs. Alors qu’ils sont censés participer au programme commun européen et que nous avons une base à Kourou. La start-up privée allemande en charge du premier tir de la base norvégienne déclare pourtant agir comme un État pour « un accès souverain et compétitif à l’espace ».
Une autre base spatiale doit encore s’ouvrir à Djibouti. Ce sera la première base de tir spatial africaine. L’Union africaine est en train de mettre sur pied une agence spatiale africaine, dont le siège se trouvera en Egypte, avec l’Afrique du Sud et le Nigeria. Car en Afrique, 17 pays déjà sont impliqués par la présence d’environ 60 satellites de l’espace. Soit environ 2% des satellites lancés… C’est le dernier continent entré dans l’exploration et la question spatiale. Quatre de ces pays ont conçu et fabriqué eux-mêmes des satellites. Pour l’instant, il n’y a pas d’industries de lanceurs spatiaux africains. Encore récemment, les Sénégalais ont acheté des tirs. Et comme ils ont accès à de nouvelles richesses de leur sous-sol, on peut penser qu’ils auront les moyens de financer des programmes ambitieux. Récemment le Sénégal a signé une coopération spatiale avec la Chine… Avec l’Afrique, nous devrions être capable d’établir une coopération spatiale des pays francophones. Cela fait partie des causes communes de l’humanité.
2/ De l’espace démilitarisé à l’espace de la guerre
Militarisation de l’espace
En 2020, les Etats-Unis d’Amérique ont lancé le traité Artémis. La loi américaine devenue la loi de la Terre deviendrait aussi celle des mondes ou débarquent ses cosmonautes. Au départ il ne s’agissait pas de cela. Le traité n’en était pas un. Juste un accord de coopération dont la préoccupation initiale était tout à fait louable. Il s’agissait de mettre en commun des moyens pour aller sur la Lune. Mais tout autre chose en est vite résulté. Les pays signataires se sont mis d’accord, par le traité Artémis, pour dire que les ressources dans l’espace peuvent être désormais appropriées. Mais pas seulement. Dans le traité Artémis, il est dit que l’on a le droit de créer des « zones de sécurité » dans l’espace. Cela veut dire installer autour d’un gisement, par exemple, des bases matérielles de défense. Autrement dit, la militarisation de l’espace proche déjà faite sans crier gare devient une perspective pour l’humanité tout entière. Le capitalisme et le marché vont s’exporter dans l’espace et avec eux la guerre pour la propriété de ce qui s’y trouve. C’est un fait.
Propriété collective
La France a signé le traité Artémis en 2021. Nous, les Français, nous avons signé un traité dans lequel nous sommes d’accord pour que chacun puisse s’approprier l’espace et le militariser. Quand avez-vous entendu parler de ça ? Jamais. Qui a signé en notre nom ? Pas un ministre, pas un responsable, pas un Premier ministre, pas le président de la République. La personne qui dirigeait le Centre national d’études spatiales. Autrement dit, aucun responsable politique n’a voulu se mouiller pour signer en notre nom à tous un traité aussi contraire à nos principes pour l’appropriation à titre privé de l’Univers infini.
Le peuple français n’a pas dit oui à Artémis. Le moment venu, le peuple français saura lui dire non. Nous ne sommes pas d’accord pour l’extension du domaine de la propriété privée. Nous sommes partisans de la propriété collective de l’espace. C’est la raison pour laquelle je demandais de proposer une résolution pour exiger la propriété commune de la Lune. Parce que de cette façon ils peuvent imposer le débat sur la propriété collective de l’espace. Parce que nous voulons que l’espace reste la propriété commune de l’humanité. Et ainsi ferons-nous exister l’humanité en tant que sujet de l’histoire…
Guerre des étoiles
La guerre peut mettre fin à toute activité humaine. Les premiers traités n’acceptaient pas la militarisation de l’espace. Mais il y a aujourd’hui un enjeu de guerre et paix. La militarisation de l’espace implique la capacité de tirer depuis l’espace sur la terre ou bien sur d’autres objets spatiaux. Ou bien avoir des activités militaires depuis la terre vers des objets dans l’espace. Au moins quatre pays savent depuis la terre détruire des satellites en orbite. Les Etats-Unis d’Amérique, mais aussi la Chine et l’Inde. La Russie est dernière en date. Ce n’a pas été une merveille : cette pulvérisation a donné lieu au dégagement de toutes sortes de débris qui polluent encore aujourd’hui une partie de l’espace environnant. Comme ils sont sur une orbite basse, on peut penser à tort qu’on en sera rapidement débarrassé… D’autres pays savent « éclairer » des satellites depuis la terre. Ils ne le disent pas. Dont nous, Français, évidemment.
Tout cela n’est pas de la science-fiction. L’interconnexion entre la guerre dans l’espace et la guerre à terre a déjà eu lieu pour la première fois, très récemment. Pas dans des essais, mais dans un épisode de guerre spatiale. En 2023, il s’est tiré un missile depuis le Yémen, pour passer au-delà de la limite des 100 kilomètres à partir de laquelle s’arrête l’atmosphère terrestre. Son but était de revenir ensuite sur le plancher des vaches. Cela s’appelle missile balistique pour cette raison. Il retombe uniquement d’après les lois de la gravitation et redevient un objet pilotable imprévisible en réatteignant l’atmosphère terrestre. En 2023, selon le journal israélien Haaretz et le journal français Le Figaro, Israël a pu détruire ce missile parti du Yémen avant qu’il ne revienne sur terre. Pour la première fois, donc, en 2023, nous avons eu un épisode de la guerre spatiale. C’est une première dans l’histoire de l’humanité. De la même manière qu’un jour quelqu’un est venu avec une arbalète et s’en est servi à la place des arcs qui existaient jusque-là. De la même façon qu’il est venu un jour quelqu’un avec un revolver et un fusil, ce que personne n’avait jamais vu jusque-là. Personne n’avait jamais vu jusque-là un missile passer dans la zone où il devient balistique et être détruit donc au-dessus de l’atmosphère terrestre.
Par Toutatis !
La guerre, la paix, sont directement impliquées par la question de l’espace. Les Français doivent continuer à militer pour la démilitarisation de l’espace comme un objectif politique. Sans jamais céder à la naïveté de croire qu’il y parviendrait seulement en le recommandant. La géopolitique spatiale est une question aussi cruciale que la géopolitique sur la terre ferme. C’est décisif.
Comme nous sommes Français, nous sommes un peu héritiers de la créolisation de nos ancêtres Gaulois. Les Gaulois ne craignaient qu’une chose : que le ciel leur tombe sur la tête ! Les risques de la mythologie gauloise sont devenus des problèmes contemporains… Il est certain que la capacité de nous défendre et de nous protéger est partie intégrante du fait que nous sommes capables de dissuader. Donc de frapper nous-mêmes dans et depuis l’espace. Il faut choisir. Donc en parler et voter.
3/ La planification de l’activité spatiale
Deux visions s’opposent
La militarisation de l’espace, sa privatisation et sa transformation en espace d’expansion capitaliste fournit un nouveau et gigantesque secteur d’accumulation. Les ressources, y compris les métaux rares, y sont présentes dans des quantités supérieures à celles de la croûte terrestre… Mais l’accès à l’espace et la façon de l’occuper sont par eux-mêmes des moyens d’accumuler. Comme la voiture a été un vecteur de l’accumulation capitaliste au XXᵉ siècle, l’occupation du proche espace dans la logique capitaliste peut-être une zone d’accumulation extraordinaire. Les satellites lâchés dans l’orbite proche retomberont les premiers. Leur durée de vie est de 5 à 7 ans. Qu’est-ce que c’est sept ans ? La durée de vie d’un modèle de voiture.…
Toutes les techniques, du satellite aux lanceurs, ont permis de faire baisser le prix du kilo envoyé dans l’espace. En 1957, envoyer Spoutnik 1 dans l’espace coûtait environ 85 000 dollars par kilo. Aujourd’hui, l’envoi du satellite Falcon 9 d’Elon Musk coûte environ 3000 dollars par kilo. Les prix ont été divisés par 28 environ. Pour casser encore plus les prix d’accès à l’espace, Elon Musk propose Starship, un lanceur spatial super-lourd, toujours en développement. En lançant son programme Starship, Elon Musk déclarait que le prix de lancement de ces satellites en orbite basse pourrait être facturés à 100 dollars par kilo… L’objectif est clair, faire voler la fusée la plus haute et la plus lourde jamais construite, pour emmener dans l’espace un record de 100 tonnes de charges utiles (équipage et satellites compris) en orbite basse. C’est cinq fois plus que le nouveau lanceur européen Ariane 6. Jamais nous n’avions imaginé une chose pareille. Il n’y a pas besoin d’aller chercher où se trouvent les motivations du capitalisme. Mais nous aussi, nous avons besoin de relance de l’économie, de l’intelligence, de la recherche.
C’est la raison pour laquelle à cette logique de durée de vie satellitaire de 5 à 7 ans, il existe des alternatives : les satellites géostationnaires. Le prix d’envoi est aujourd’hui d’environ 20 000 dollars par kilo. Envoyés bien plus loin, leur durée de vie est entre 15 et 20 ans. Ces satellites sont essentiels pour fournir des données précieuses pour la prévision météorologique et le suivi des phénomènes climatiques tels que les ouragans. Les faits déjà sous nos yeux attestent une nouvelle donne spatiale. La logique du capitalisme est l’accélération sans fin et le plus vite possible du cycle du capital. C’est sa loi interne, son code génétique. C’est pourquoi le temps, c’est-à-dire les cycles de toute chose ont raccourci depuis le XXᵉ siècle, période d’expansion absolue du capitalisme. Et pourquoi il raccourcit chaque jour dans ce cadre. Voilà deux logiques. Si les satellites sont envoyés plus loin ou plus proche, le résultat n’est pas le même certes du point de vue des délais de transmission dans l’état actuel de nos techniques. Mais non plus du point de vue du rythme de l’accumulation capitaliste.
Planification spatiale
Alors la planification spatiale implique de former une filière. La France est la première puissance spatiale européenne aujourd’hui. Nous avons un ensemble de moyens techniques, intellectuels. Mais nous avons besoin d’ingénieurs. Et il nous faut des lycées professionnels pour former les techniciens de l’espace. Nous avons besoin de techniciens dans les métiers de fabricants des pièces aéronautiques. Ils produisent les fusées, les lanceurs, les satellites. Aujourd’hui, plusieurs milliers de personnes travaillent sur ces sujets. Les jeunes gens aujourd’hui ne sont plus d’accord pour servir le capital. Les élèves des écoles supérieures d’agronomie ou de l’industrie aéronautique préviennent : “votre agriculture, votre industrie ne nous intéressent pas”. Je leur demande de dire : “l’espace que vous voulez ne nous intéresse pas. Nous ne ferons pas la guerre, nous ne nous approprierons pas les surfaces de l’espace. Nous nous investirons pour le bien commun de l’humanité”. Une idée morale a toujours une force immense, comme cela s’est vu si souvent dans l’histoire de l’humanité. Nous avons besoin de la planification du développement spatial, d’une filière professionnelle de l’espace. Nous avons besoin de développer sur chaque sujet la confrontation entre les deux points de vue : collectiviste et capitaliste.
Heureusement, nous avons le télescope James Webb. Lancé en 2021, il a franchi toutes les limites et a été tiré si bien, si juste, par les Français de la base de Kourou, qu’il a économisé son carburant et doublé sa durée de vie dans l’espace ! Cela prouve que nous maîtrisons cette technique. Tout est une technique et toute technique est de la science. Toute science est du savoir, tout savoir est une activité humaine. Voilà pourquoi nous sommes concernés et compétents pour tout ce qui concerne le futur profond. Sur la planète Terre et dans l’espace par tout, y compris l’espace.
Instaurer l’idée de la planification spatiale sera un très grand progrès. Cela permettra à notre pays d’organiser son action de première puissance spatiale européenne.
Peut-il y avoir une base populaire pour un tel projet. Nous pensons que oui en effet. Il y a en France une astronomie populaire. Celle des clubs de terrain et des personnes passionnées. C’est là une composante spontanée de notre peuple pour penser l’espace et se l’approprier comme un bien poétique et comme un bien scientifique. Cette astronomie populaire est déjà en état de participer à des activités de veille et de collecte d’informations spatiales qui nourrissent directement la production scientifique et les autres activités de l’espace. Elle constitue donc sous les radars une composante de la culture de notre pays. L’encourager, la développer est un objectif de bonne compréhension de notre temps et une méthode de prise en charge d’une ambition collective .
Anthropospace
Nous avons donc besoin d’une pensée qui, par un mot, désigne l’ensemble des activités qui concernent l’espace. Activités intellectuelles de pensée, philosophie, sociologie, anthropologie. Activités de production matérielle, économique. Activités de formation. Appelons-le l’anthropospace. Non pas parce que l’univers aurait vocation à devenir la propriété des êtres humains. Mais au contraire pour mettre à l’ordre du jour la responsabilité humaine dans l’état de ce qu’il touche dans l’espace, bien commun des humains et de l’harmonie spontanée de la réalité matérielle initiale. Car il est aussi vain de croire sans conséquences que l’espace puisse lui aussi devenir une poubelle, comme il l’était de croire que cette planète puisse devenir une poubelle, sans conséquences. Nous n’avons pas agi quand il était temps de le faire. La catastrophe climatique est commencée et irréversible. Mais quand le pullulement des activités humaines pollue déjà l’espace, quand les conséquences sur le bon déroulement des activités scientifiques sont déjà d’actualité, réagirons-nous à temps ?
Comme insoumis, nous allons introduire l’idée que le capitalisme n’est pas l’avenir de l’espace. Que les entreprises privées ne sont pas l’avenir de l’espace. L’État Nord-américain a cessé d’investir, il a décidé de sang-froid d’investir sur Space X. Cette entreprise d’Elon Musk s’est d’abord nourri beaucoup d’argent public. Car les USA ont une possibilité unique au monde : créer et dépenser de l’argent tant qu’ils veulent, comme ils veulent sans contrepartie. Ils ont donc gorgé SpaceX de subventions publiques, et de contrats de l’armée, ce qui a permis de développer une technique que n’importe quelle industrie d’État aurait été capable de mettre au point. Monsieur Musk n’est pas un génie, il ne fait que marchandiser des possibilités qui existaient techniquement et scientifiquement. Ce qui compte n’est pas ce qu’il fait, c’est par quels moyens il l’a fait. Cela est vrai pour n’importe quelle activité humaine. Non, le capitalisme n’est pas l’avenir de l’espace. Non, la morale de l’appropriation et de la cupidité n’est pas l’avenir des activités humaines dans l’espace. C’est au contraire le principe de responsabilité collective de l’humanité devant ses biens communs.
En France, la planification de l’activité spatiale dans la production, l’éducation, l’accès à l’espace et la coopération sont possibles. Les insoumis en font un des axes organisateur du redéploiement de l’activité économique de leur pays.
Ce texte est une version aménagée du discours que j’ai prononcé à l’ouverture des travaux de cette réunion à Toulouse.