Trump engage une crise globale du capitalisme – Analyse pour l’Insoumission

Dans l’Insoumission, Jean-Luc Mélenchon analyse les crises et les chocs provoqués par la mise en application des mesures de droit de douane aux Etats-Unis d’Amérique par le président Donald Trump. Retrouvez leur article.

La mise en application des mesures de droits de douane aux États-Unis d’Amérique est dorénavant bien comprise comme un événement considérable. Il s’agit ici de la re-fragmentation du système des échanges commerciaux mondiaux et par conséquent de tous les aspects de la production et de l’organisation des échanges et de la division internationale du travail. Est mis à terre l’ordre sur lequel reposait toutes les mesures politiques, économiques et sociales depuis quarante ans au moins. Il est impossible qu’un tel revirement survienne sans provoquer de considérables secousses. Nous-mêmes, Insoumis, n’avons jamais été partisans du libre-échange. Mais nous avons toujours considéré qu’il n’était pas possible de procéder à la hache pour mettre en place le protectionnisme nécessaire pour permettre à notre nation de retrouver par exemple sa souveraineté alimentaire et sanitaire. Et de même pour l’essentiel des produits industriels dont elle a besoin pour assurer ses industries de pointe comme le spatial, le numérique, le maritime, en imposant sur tous ces terrains d’actions économiques 100 pour-cent de droits de douane. C’est pourquoi nous parlions de « protectionnisme solidaire », ce qui signifiait dans notre esprit un retour au bilatéralisme pour ce qui est de la négociation des droits de douane, en fonction des intérêts mutuels qui pouvaient être négociés dans cette circonstance, au cas par cas, pays par pays. Condamner la politique absurde de Donald Trump ne signifie pas que nous serions d’une manière ou d’une autre ralliés à la doctrine du libre-échange et de la « concurrence libre et non faussée ». Mais nous ne pouvons accepter qu’en tel choc soit infligé à l’ensemble de l’économie mondiale. Et donc très directement à tous les peuples du monde. Surtout venant d’une puissance brutale qui n’a aucun autre objectif que de conforter sa puissance, et si possible de l’amplifier. Et dans tous les cas de l’imposer au reste du monde.

Nous pouvons deviner au moins deux conséquences probables au vu des conditions dans lesquelles s’opère la politique de Monsieur Trump. La première est que d’un côté les droits de douane des USA, de l’autre les répliques dans tous les autres pays du monde ce sera autant d’inflation importée partout. Et cette inflation vient s’ajouter à celle qui déjà s’est produite après la COVID du fait du rattrapage par les prix des retards d’accumulation des principales puissances capitalistes, grandes entreprises, banques et autres. Dans la période immédiatement précédente, aucune compensation salariale n’a été accordée d’une manière générale pour rattraper la ponction de l’inflation sur les salaires. Seuls quelques pays, seuls quelques activités dans quelques pays ont bénéficié de rattrapage. Mais globalement, les peuples se sont appauvris. Le nouveau choc inflationniste va donc tomber sur un terrain déjà meurtri. Et dans une logique des rapports sociaux qui sont celles de la période du néolibéralisme triomphant. C’est-à-dire des rapports sociaux brutaux et totalement déséquilibrés. C’est donc la certitude d’une aggravation des tensions sociales partout et des « lutte de classes ». Qui en résulte d’une façon générale. Dans de telles circonstances. Plus ces tensions interviendront dans des sociétés déjà déséquilibré du point de vue du fonctionnement de leur démocratie et de l’exaspération des tensions déjà présentes, plus évidemment, elles généreront de crises politiques. Jusque dans des formes majeures, comme celle de « révolutions citoyennes ». C’est-à-dire d’une volonté de reprise du contrôle par le grand nombre sur sa destinée. À côté de cet événement social, et peut-être avant lui l’autre conséquence de la politique douanière de Trump, c’est le déséquilibre qu’il introduit à l’intérieur de la sphère financière globale c’est-à-dire du choc qui lui inflige et qui peut produire par effet domino une contagion de paniques boursières. Et d’effondrement en chaîne de sociétés liées les unes aux autres, soit par des prêts interentreprises, soit par des prêts bancaires qu’elles ne peuvent plus honorer. Dans ces conditions, tout est réuni pour que la politique de Trump produise à la fois une crise du capitalisme et une crise politique populaire. L’intéressé, Donald Trump lui-même a d’ores et déjà admis que sa politique aurait un effet récessif aux États-Unis d’Amérique. Mais évidemment, et par contagion, dans toutes les nations productives du monde qui verront leur commerce mutuel passer au ralenti d’une manière considérable. À mes yeux, il n’y a aucune chance pour que les États-Unis dans un tel épisode et en 4 ans, de la durée d’un mandat présidentiel arrive à reconstituer une base productive industrielle au niveau auquel Trump voudrait la voir parvenir pour effacer le solde abyssal du déséquilibre du commerce extérieur nord-américain. Encore faut-il bien comprendre que ce déséquilibre a été le mode d’organisation de l’économie mondiale depuis 1971. C’est parce que les États-Unis achetaient à crédit partout qu’une animation du commerce et de la production avait lieu sans qu’on ne demande jamais aux États-Unis la contrepartie des dollars qu’ils émettaient pour combler leur déficit. Un tel système ne durera pas et poussera sans aucun doute les nations qui ont été piégées par l’usage du dollar à devoir s’en passer et à se passer des relations avec les États-Unis d’Amérique. Mais rien de tout cela ne peut avoir lieu sans que tout commence par la récession. Or, d’ores et déjà, plusieurs économies, et non des moindres dans le monde, comme celle de l’Allemagne sont en récession. La France de son côté ne prévoit pas d’augmentation de sa croissance de plus de 0,7%, c’est à dire quasiment la stagnation. Dès lors, les recettes fiscales seront en baisse. Les dépenses sociales liées au chômage et à la mauvaise santé seront en hausse. Et la mécanique qui a déjà ruiné le pays s’amplifiera puisqu’on refuse de mettre à contribution les grandes fortunes. Tout cela ne peut que conduire au chaos comme celui qui se prépare avec par exemple le gel de 9 milliards des crédits votés dans le budget de l’État. On ne sait combien de temps Donald Trump pourra continuer sur sa lancée sans rencontrer de résistance. La politique dont il a fixé les grandes orientations, la paix en Europe aux conditions de la Russie et sans la participation des Européens pour obtenir des garanties mutuelles avec les Russes se conclura donc dans des conditions instables et menaçantes pour le futur. La paix au Moyen-Orient semble prendre chaque jour prendre un visage de bouleversement de la carte géopolitique que ce soit aux frontières du Liban, de la Syrie et sans doute ensuite plus loin comme avec l’Iran. Mais fondamentalement, la préparation de la guerre dans la mer de Chine n’aura pas cessé un seul jour depuis des mois et des mois. Les incidents sont quasi quotidiens. L’installation sur la pointe avancée des Philippines d’ogives nucléaires nord-américaine capable d’atteindre le continent et en particulier le territoire de la Chine continentale, est une provocation. Elle fait penser à celle qui fut organisée contre la Russie soviétique quand les Américains installèrent en Turquie leurs missiles, a quoi les Russes répondirent par l’installation des leurs missiles à 150 km eux aussi de la frontière des États-Unis d’Amérique, à Cuba. Il est absolument exclu d’imaginer que les Chinois, d’une quelconque manière, se laissent intimider par la puissance déclinante des États-Unis d’Amérique. Il est également exclu de penser que les États européens, contrairement à ce que disent leurs discours, soient capables d’organiser une « défense européenne » souveraine. Rien n’en prend le chemin. C’est par dizaines et dizaines que des avions F 35 sont commandés aux États-Unis d’Amérique par tous les pays d’Europe. Tous ces avions interviennent dans le cadre de l’Inter opérationnalité avec le matériel américain. C’est-à-dire sous le contrôle direct de la présidence des États-Unis d’Amérique qui peut décider quel avion décolle et quel avion ne décolle pas, quelle cible peut être visée et qu’elle ne peut pas l’être. Et cela dans le même temps où la pression pour confisquer le Groenland au profit des États-Unis d’Amérique contre le Danemark n’a pas cessé un seul jour et semble se diriger, comme pour les autres objectifs fixés par Trump par une mise en œuvre matérielle concrète, à horizon très proche. Tout cela inflige donc des chocs majeurs : un choc récessif et inflationniste dans tous les pays, un choc financier sur l’ensemble de la sphère numérique financière globale, et un choc social s’ajoutant comme conséquences des dévastations que les deux premiers vont produire. Et enfin un choc guerrier.

Ce qui compte n’est pas l’addition des crises, mais leur superposition. Et cette superposition, intervient elle-même dans un contexte d’aggravation des conséquences de la crise climatique globale. Il est donc prévisible, a moins d’un changement d’orientation majeur que cela conduise d’une façon générale à une crise de la civilisation humaine comparable à celles qui ont été le résultat des 2 premières guerres mondiales. Et par conséquent, toutes les sociétés seront mises au défi de savoir où elles veulent aller et quels moyens elles se donnent de le faire. Il faudra s’aligner sans rechigner et sans discuter sur les désidératas des Nord-américains et payer le tribut qu’ils ont fixé à tous leurs alliés. C’est-à-dire 5% de leur PIB consacré à des dépenses militaires pour acheter du matériel américain. Ou bien s’inscrire dans une logique alternative c’est-à-dire de non-alignement aux côtés de tous ceux qui refusent de céder, qui refusent d’entrer dans une logique de confrontations violentes et guerrières avec l’une ou l’autre des puissances. C’est à la fois un moment très dangereux et un moment plein d’opportunités. Mais à un moment dans lesquels les faux pas, les à-peu-près, et les faux-semblants ne peuvent produire que des désastres. Plus que jamais les Insoumis doivent se présenter comme l’alternative à la marche, à la ruine du monde cela dans notre pays avec le peuple qui le fait vivre. Sans concession. Sans arrangement. Sans dilution de la clarté et de la cohérence des objectifs de son programme si l’on veut d’un « avenir en commun ». La « révolution citoyenne » peut surgir par cette porte inattendue ouverte par l’absurdité de la politique des USA.

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