Quoi de pire, sinon ces gens qui se contentent de peu et même de très peu. Car ensuite tous ceux qui veulent davantage ou autre chose passent pour des enragés. Ainsi quand le brave monsieur Faure dit « vouloir sauver Lecornu » à l’heure où LFI annonce sa motion de censure. Puis s’inquiète ensuite d’une découverte totalement inattendue : le projet de Lecornu serait une « copie insuffisante, voire alarmante ». Les mots soulignent la gravité bidon de la désillusion du gars qui voulait tellement y croire. Mais qui était dupe de la sincérité ce désespéré ? Surtout après que trois premiers ministres l’aient déjà roulé dans la farine ? C’est la comédie des « raisonnables de posture ». Ils ne croient pas un mot de ce qu’ils disent à propos des compromis qu’ils souhaitent. Mais ils pensent que l’électorat des « raisonnables et modérés » sera convaincu par leur offre de négociation et leur « bonne volonté ». C’est seulement une variété de mépris pour l’intelligence des gens qui les voient faire.
Leur seul résultat : ils minent de l’intérieur la capacité de résistance qui pourrait être mise en mouvement. Mais leur manière de faire nous valent d’être aussitôt assaillis de questions médiatiques : « refusez-vous le compromis que vos partenaires de gauche acceptent ? ». Caramba ! Que répondre sans « aggraver les divisions » quand on a la preuve qu’un tel compromis n’existe nulle part. Certes, une fois de plus Lecornu a promis de réfléchir à une manière de « mettre à contribution les très riches ». Un vieux leurre bien usé ! Déjà fait par Bayrou le 15 juillet 2025 (« une contribution de solidarité pour les plus hauts revenus »). Et, avant lui, par Barnier le 1er octobre 2024 (« une contribution exceptionnelle pour les Français les plus fortunés ») et avant lui par Attal le 27 mars 2024 (« je n’ai pas de dogme sur la contribution des plus riches »). Et avant eux tous, Élisabeth Borne s’en fichait. Alors de quoi pourrait-il bien être question cette fois-ci ?
Une saillie du jovial monsieur Roussel m’a éclairé. L’ami du barbecue et des betteraves françaises assaisonnées aux pesticides « trouverait raide de censurer d’emblée un gouvernement qui renonce au 49.3 » (AFP). Ah c’était donc ça ! Je remercie « Les Dernières Nouvelles d’Alsace » (DNA) pour son relevé scrupuleux de ma réaction : « je soupçonne monsieur Lecornu de se fiche de nous ». Ma modération verbale pouvait-elle désemparer ? Je l’ai craint. J’ai donc forcé ensuite le ton : « Lecornu, on ne te croit pas ». D’aucuns se renfrognèrent à cause du tutoiement. Mais quoi ? Comment oublier la leçon de tutoiement de bonne manière donnée par le président du Sénat quand il me brama en direct à la radio : « ferme ta gueule ».
Lecornu ne renonce à aucune brutalité anti-parlementaire. Sans le 49.3, il n’est privé d’aucun autre des moyens de tordre les bras des parlementaires ! La monarchie présidentielle ne se résume pas à un article de la Constitution. Elle en fourmille. Exemple : connaissez-vous le « vote bloqué » tel que prévu à l’article 44 de la Constitution ? Cet article est un super quarante neuf trois, mais il n’engage pas la responsabilité du gouvernement. C’est l’article « cause toujours tu m’intéresses ». Le gouvernement demande un « vote bloqué » sur un article, avec ou sans les amendements adoptés par l’Assemblée et avec ceux des siens dont il ne veut pas se passer. L’Assemblée est obligée de s’y soumettre. Et ce n’est pas pour régler des détails techniques de la loi en débat. Il a déjà été utilisé dans cet objectif. C’était en 2003 pour passer à 43 annuités pour une retraite à taux plein par le PS. Lecornu n’y a pas renoncé.
Il y a aussi l’article 38 où le gouvernement fixe par ordonnances le contenu des décisions que la loi lui accorde en général. Macron l’a fait utiliser pour renverser le code du travail et aussi pour ouvrir le rail à la concurrence du secteur privé. N’oublions pas non plus l’article 34 qui inclut ce qu’il veut dans le domaine du décret ! Déjà utilisé par Macron pour faire passer des réformes de l’assurance chômage ou le « bac à la carte ».
Et pour ce qui est du budget de l’État lui-même ? Foin du baratin sur le thème « il faut un budget pour la France » et autres trémolos pontifiants des « raisonnables ». Car l’article 47 de la Constitution donne au gouvernement la possibilité de passer le budget par ordonnances si le Parlement ne s’est pas prononcé au bout de 70 jours. Lecornu n’en a soufflé mot. Les nigauds de la gôche modérée ne connaissent peut-être pas cette disposition ?
Et ils ont aussi oublié les « commissions mixtes paritaires » où se retrouvent en tout petit comité sénateurs et députés ? Là, tout se mijote dans une coalition où la droite est toujours majoritaire grâce aux votes des sénateurs. Cela ne laisse à l’Assemblée que le choix de tout voter en l’état ou de tout rejeter.
Bref, pour revenir à des mœurs démocratiques, Macron/Lecornu ne doivent pas renoncer à un article : ils doivent renoncer à gouverner. Car ne l’oublions pas, ils ne sont pas légitimes depuis le vote des élections législatives anticipées qu’ils ont perdu. Et le fait que monsieur Olivier Faure ait décidé tout seul et sans consulter personne d’aller proposer sa candidature comme Premier ministre fini dans le ridicule de deux vents de première grandeur.