C’était un vraiment triste spectacle. Jeudi 11 avril, Julian Assange a été arrêté à Londres par la police britannique. Je revoyais son visage pour la première fois depuis longtemps. Comme il est marqué ! Depuis 2012, il vivait reclus dans l’ambassade de l’Équateur au Royaume-Uni. Sa vie avait lieu dans une pièce de 12m² dont les fenêtres étaient voilées par une bibliothèque pour barrer l’espionnage sonore extérieur. Rafael Correa, initiateur de la révolution citoyenne en Équateur et ancien président de ce pays, lui avait accordé la nationalité équatorienne. C’était pour Assange la seule façon d’échapper à l’Empire US et à ses larbins. Cette situation a duré plus de 6 ans jusqu’à jeudi dernier.
Si Assange a été arrêté, c’est bien parce qu’il dérange les maîtres du monde. Il est le fondateur du site internet d’information Wikileaks. Ce site collaboratif a publié ces dernières années les plus grosses fuites de documents secrets des puissants, et particulièrement des États-Unis. Ils ont ainsi révélé au monde les crimes de guerre commis par l’armée US en Afghanistan et en Irak. Le jour même de l’arrestation d’Assange, le tribunal pénal international renonçait à poursuivre les USA pour crime de guerre en Afghanistan. Mais Assange a aussi mis en lumière les pratiques d’espionnage de masse auxquelles se livre le gouvernement US contre tous les pays, y compris ses chers alliés. Dont la France fait partie. Ainsi, nous avons appris grâce à Wikileaks, donc grâce à Julian Assange, que l’agence américaine NSA avait placé sur écoute Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy puis François Hollande.
La révélation au public des méthodes utilisées par les États-Unis pour s’assurer de leur domination est souvent aussi dévastatrice pour eux. C’est un carburant puissant pour l’anti-impérialisme dans le monde. Car chacun peut voir, de cette façon, la distance qui sépare les discours lénifiant sur « la liberté » garantie par l’Empire et la réalité faite de mensonges, d’espionnages et de manipulations. Dans la jeune génération gavée de propagande plus ou moins ouverte en faveur des USA, de leur mode de vie et de leur culture, c’est une excellente leçon de choses.
D’où la cabale lancée de longue main par les « services » des USA et leurs relais de presse dans le monde entier contre Assange. Depuis 2010, il a été poursuivi par le parquet suédois pour des faits de viol et d’agression sexuelle. Assange a toujours nié ces accusations qu’il considère comme une manipulation. Mais il a accepté la procédure à son encontre à ses débuts. Sur place, il s’est rendu aux interrogatoires de police et de justice. Il a quitté la Suède avec l’accord des autorités judiciaires et il avait dit qu’il reviendrait à la demande si on lui garantissait qu’il ne soit pas expulsé vers les Etats Unis. Mais l’affaire suédoise est très vite apparue pour la police britannique comme un utile prétexte. Il permettait d’arrêter Assange au motif de le remettre aux autorités suédoises. Puis, une fois arrêté, d’examiner la demande d’extradition présentée par les États-Unis.
Car sinon, comment procéder contre Assange citoyen australien et Equatorien ? Quel moyen de le capturer pour pouvoir l’extrader vers les États-Unis ? Le Royaume-uni est capable de tout pour honorer son lien spécial aux États-Unis. Qu’on se souvienne des conditions dans lesquelles il a permis le départ hors de son sol de Pinochet, poursuivi à Londres par le juge espagnol Balthazar Garzon ! Autorisé à retourner au Chili dans une la chaise roulante apitoyante au départ d’Europe, Pinochet se releva tout seul en arrivant sur le tarmac de Santiago.
En 2017, le parquet suédois a finalement annulé les poursuites contre Assange. En 2018, le journal The Guardian a révélé que la justice suédoise souhaitait classer l’affaire depuis 2013 mais ne l’avait pas fait sous pression de la police britannique. Mais malgré l’absence de poursuite suédoises contre Assange, le Royaume-Uni maintient son mandat d’arrêt. Tout cela est en général passé sous silence. Et n’est jamais mentionné l’abandon de l’accusation initiale de « viol », sans preuve ni suite, ni même le moindre récit sur les faits reprochés qui permettrait aux lecteurs de se faire une idée de la personnalité d’Assange. Il s’agit de salir Assange en faisant de toute personne qui exprime de la compassion pour lui et de la solidarité politique pour sa lutte la complice d’un violeur et d’un agresseur sexuel.
Le vrai but est bien de l’envoyer aux États-Unis où il sera jugé pour violation de la loi américaine sur l’espionnage. Et cela bien qu’il ne soit pas citoyen américain. Et bien qu’il n’ait pas enfreint la loi américaine sur le territoire américain. Côté républicain, Donald Trump avait souhaité en 2010 qu’il soit exécuté. Mais il est aussi détesté par l’establishment du parti Démocrate pour avoir révélé en 2016 la triche contre Bernie Sanders dont avait bénéficié Hillary Clinton. Les réseaux démocrates américains du monde entier et les clients des agences d’influence qui leur sont liés ont donc célébré l’arrestation d’Assange. Avec plus ou moins de gène devant la sale besogne qu’on leur demande de faire.
Si mes lecteurs veulent savoir de quoi je parle, je leur recommande la lecture de l’éditorial du Monde du dimanche 13 avril en dernière page. Pour ceux qui aiment malgré tout ce journal, cette forme d’approbation de l’arrestation est tout simplement désolante.
J’ai donc renouvelé mon appel pour que la France offre l’asile politique à Julian Assange. N’a-t-il pas œuvré pour la liberté et l’indépendance de notre pays en révélant des pratiques agressives cachées menées contre lui ? Je défends de longue date cette position. Dès 2012, nous avons donné la parole à Assange lors des universités d’été du Parti de Gauche. Puis je suis allé lui rendre visite à Londres, à l’intérieur de l’Ambassade de l’Equateur. Aujourd’hui, il est gravement menacé. On ne doit pas oublier que Chelsea Manning, sa « complice » aux USA a été gardée au secret et torturée de longs mois. Les USA sont un pays qui pratique officiellement et légalement la torture, comme à Guantanamo. Ils entretiennent plusieurs prisons secrètes dans le monde et en Europe. Les USA sont une puissance violente et sans scrupule. L’honneur de la France serait d’accorder à une de leur victime sa protection comme elle le fait pour d’autres dissidents d’autres empires. Mais il faudrait s’opposer à l’édito spécial du journal « le Monde ». Et à l’ambassade US. C’est beaucoup pour un simple gouvernement du type de celui-ci.