C’est son tour ! Après la campagne harcelante contre Jeremy Corbyn et les lourdes insinuations contre moi, c’est au tour de Bernie Sanders d’être accusé d’être antisémite. La méthode est partout la même. L’accusation d’antisémitisme est utilisée à des fins politiciennes comme méthode de combat pour salir un adversaire.
La façon avec laquelle cela s’est enclenché contre Sanders est assez remarquable par sa grossièreté. Cela s’est passé lors du sixième débat de la primaire démocrate. Bernie Sanders a rappelé qu’il a vécu dans sa jeunesse en Israël dans un kibbutz. Il avait également assumé crânement être « juif et fier de l’être ». Mais il a déclaré « nous devons percevoir qu’en Israël, nous avons maintenant un dirigeant qui a été mis en examen pour corruption, qui, d’après moi, est raciste ». Mais Bernie Sanders a surtout proclamé qu’« Israël a le droit d’exister, et pas seulement d’exister, d’ailleurs – mais d’exister dans la paix et la sécurité. Mais ce que doit être la politique américaine, ce n’est pas seulement être pro-Israël. Nous devons être également pro-palestiniens ». Un juif, kibutzin, partisan de l’existence d’un état d’Israël vivant en paix et sécurité serait donc antisémite ? C’est ce qu’on aussitôt rabâché les réseaux médiatiques conservateurs. Même modèle qu’au Royaume uni et en France. La charge a tapé fort. Sanders a été lourdement accusé de mener la campagne « la plus antisémite de la décennie » par Tiana Lowe, journaliste du magazine Washington Examiner.
Il va de soi que ce type de dénigrement est exclusivement réservé à notre famille politique. Car dans le même débat, le démocrate social-libéral Joe Biden, adversaire de Sanders dans cette primaire a également sévèrement critiqué Netanyahu. Il a l’a accusé d’aller à « l’extrême-droite » et il a recommandé qu’une pression constante soit exercée sur Israël en faveur d’une solution à deux Etats au conflit israélo-palestinien. De leur côté Elizabeth Warren et Pete Buttigieg deux autres candidats démocrates à la primaire ont rejoint le point de vue de Sanders. Ils ont accepté l’idée de l’utilisation des aides américaines comme moyen de pression pour obliger le gouvernement d’Israël à changer sa politique à l’égard des Palestiniens. Mais seul Sanders est devenu une cible à propos d’antisémitisme. On comprend alors que l’antisémitisme n’est pas le vrai souci de ses accusateurs. Le problème pour eux c’est le programme social de Sanders et son contenu anti-capitaliste.
Et de fait le camp de la droite aux USA ne s’y est pas trompé. Le 20 décembre, Trump a signé un décret qui s’attaquerait à l’antisémitisme supposé sur les campus universitaires en raison des campagnes de boycott des produits israéliens. Il me semble que tout ceci prouve ce que j’ai dit et écrit sur le sujet à propos de l’instrumentalisation de l’antisémitisme dans le combat politique contre notre famille politique.
C’est pourquoi je crois qu’il est utile et nécessaire de dénoncer cette méthode. Elle n’est pas seulement absurde et offensante. Elle est surtout dangereuse. Car tout cela se fait au détriment de la véritable lutte contre l’antisémitisme. Son principal résultat est d’abaisser le seuil de vigilance des anti-racistes sincères. En effet, à force d’accuser tout le monde et n’importe qui, à force d’inventer des antisémites là où ils ne sont pas, la banalisation de l’attaque vérifie le vieil adage tiré d’une fable d’Esope : « à force de crier au loup… ». C’est-à-dire qu’à force de lancer de fausses alertes, une vraie alerte ne sera pas prise au sérieux.