Ce n’est pas la crise pour tout le monde, on le devinait ! Depuis le début de l’année, plus de 900 000 personnes dans le monde sont mortes du Covid-19. 400 millions de femmes et d’hommes ont perdu leur emploi. On estime qu’au moins un demi-milliard d’êtres humains vont basculer dans la pauvreté d’ici la fin de l’année. Mais il y a de bonnes nouvelles aussi. Les milliardaires de ce monde se portent bien. Mieux : la crise a été pour eux une nouvelle occasion de s’enrichir au-delà du concevable pour les 90% de gens ordinaires qui peuplent cette terre.
Oxfam a publié un rapport consternant à ce sujet. Il pointe les profiteurs de crise. Ceux pour qui le malheur a été une aubaine, une bonne affaire. Mathilde Panot et Manuel Bompard avaient déjà mis ce thème en avant en avril, dans une tribune publiée dans Le JDD, appelant à taxer les profiteurs. Le rapport d’Oxfam vient confirmer leur intuition et montrer, chiffres à l’appui, à quel point l’oligarchie s’est gavée plus que jamais. Car si le restaurant de quartier, le petit patron de garage ou le libraire indépendant ont souffert terriblement du confinement et ne sont toujours pas tirés d’affaire, les grands patrons et les actionnaires de beaucoup de multinationales ont fait leur beurre pendant le confinement.
C’est particulièrement le cas, bien sûr, des grandes multinationales du numérique ou bien de la livraison à domicile. Amazon, qui combine les deux, a été une poule aux œufs d’or pour son patron américain, Jeff Bezos. En juin, il est devenu l’homme le plus riche de toute l’histoire de l’Humanité et le premier à dépasser 200 milliards de dollars de fortune personnelle. Bien sûr, il est impossible pour vous et moi de nous représenter concrètement 200 milliards de dollars. Pour nous aider à réaliser l’obscénité de cette accumulation, Oxfam a fait un petit calcul. Jeff Bezos pourrait verser une prime de 105 000 dollars à chacun des 876 000 salariés d’Amazon dans le monde, y compris les 10 000 travailleurs français. Il serait alors encore aussi riche qu’au début de l’épidémie.
Mais Jeff Bezos n’est pas un cas à part. Les 25 hommes les plus riches du monde ont vu leur fortune augmenter de 255 milliards d’euros entre le mois de mars et le mois de mai. Là encore, il faut changer d’échelle pour appréhender une telle somme. En moyenne, entre mars et mai, chacun de ces magnats a gagné 13 000 euros chaque seconde – y compris la nuit et les week-ends. Soit autant que gagne un smicard français en 11 mois. C’est le résultat d’une organisation économique du monde entièrement tournée vers l’accumulation du capital dans les poches d’une poignée.
Les 32 entreprises les plus profitables du monde ont réalisé collectivement 109 milliards de dollars de bénéfices supplémentaires pendant la première vague de la pandémie. Mais tout, et même davantage, a été redistribué aux actionnaires. J’ai bien dit tout, et même plus. Car la bulle financière est tellement déconnectée du réel que même quand tout s’arrête de fonctionner dans la vraie vie, elle continue de tourner à plein régime. C’est le cas du pétrole. Pendant le confinement de la moitié de l’Humanité, l’économie du pétrole s’est littéralement arrêtée de fonctionner. Si bien que ceux qui avaient des barils de pétrole payaient pour les stocker, puisqu’ils ne pouvaient pas les vendre. Les 6 plus grandes compagnies pétrolières ont cumulé une perte nette de 61 milliards de dollars. Mais dans le même temps, elles ont reversé à leurs actionnaires 31 milliards !
On voit que l’économie financière n’est plus qu’une ponction parasitaire sur le reste de la société. Toute une part de la richesse créée par le travail humain est confisquée par l’oligarchie. Elle ne sert à rien d’utile à la société. Quel argument existe alors contre l’idée de la récupérer ? Le moyen que nous avons pour cela est l’impôt. C’est pourquoi nous avons proposé un impôt exceptionnel sur les profiteurs de crise. Ce genre de dispositif a été mis en place dans de nombreux pays du monde pendant les deux guerres mondiales. Il consistait à récupérer une partie des bénéfices accumulés sur l’effort de guerre pour le mettre au service des besoins de la société.
Si un impôt sur les sociétés similaire à celui des États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale était mis en place sur les 32 entreprises les plus profitables du monde, il récolterait 104 milliards de dollars. Soit de quoi financer l’accès à des tests sérologiques et à un futur vaccin pour chaque être humain de la planète. Ensuite il resterait 33 milliards de dollars pour investir dans les systèmes de santé publique. Mais en France, Macron nous a refusé de rétablir, même temporairement, un modeste impôt sur la fortune. Le monde peut bien s’écrouler autour de lui, le président Macron restera toujours le président des riches.