Une modification d’ensemble s’opère dans la distribution des forces dans l’espace politique. On voit la macronie se confondre avec l’espace de droite le plus réactionnaire. Déjà des élus LR du sud de la France se sont positionnés en faveur du président sortant. Et du coup un glissement de terrain s’étend. C’est évidemment sur le thème sécuritaire et du prétexte de la haine des musulmans que les grands stratèges tentent de dessiner une nouvelle latéralisation du champ politique. Cette évolution englobe large. Aux frontières du PS en perdition a lieu aussi une agitation brownienne. Partant de Valls, elle contamine ceux qui veulent survivre au naufrage.
La maire de Paris a donc apporté sa contribution à l’esprit de chasse aux sorcières qui anime les dirigeants du PS les plus proches de la LREM. Après Manuel Valls, Bernard Cazeneuve, Olivier Faure qui souhaitait le succès de Macron dès son élection, voici la version Hidalgo. À son tour, samedi 21 novembre, elle a repris sans originalité les mantras de ces hauts parleurs du PS contre ceux vis-à-vis desquels ils veulent fabriquer une diabolisation sans retour. Leur thème est économe de contenu : il s’agit de montrer du doigt ceux qu’ils accusent « d’ambiguïtés avec le cadre de la République ». Rien de moins.
On est désormais habitués à ce genre d’accusations fielleuses. « Ambiguïté » est un mot qui contient une capacité infinie de fiel et rend impossible la réplique puisque l’accusation n’est pas formulée. Me concernant, elle n’a évidemment aucun sens et tout le monde le sait, notamment Anne Hidalgo. Au contraire d’elle et de quelques-uns de ces donneurs de leçon, ma vie militante, mon programme, mes références historiques, mes livres, mes milliers de posts sont dans la ligne du républicanisme socialiste traditionnel. Il s’est enrichi depuis vingt ans du paradigme écologiste qui valide la similitude de tous les humains, puisqu’ils dépendent du seul écosystème qui rend leur existence possible.
En réalité, je suis sans doute une victime collatérale d’une hargne d’abord destinée à EELV. Hidalgo s’est jurée d’en tirer une vengeance aussi terrible que possible depuis l’humiliation de la démission de son adjoint à la culture qu’elle avait défendu bec et ongle aux côtés du préfet Lallement par une standing ovation en plein conseil de Paris. Dans la violence de cette sortie, elle a détruit l’alliance de fait qui la liait à Éric Piolle le maire de Grenoble, immédiatement obligé de prendre ses distances avec elle après des mois de proximité patiemment construite pour construire un pôle des « maires ». Peut-être même a-t-elle porté un coup fatal à la candidature de ce dernier en interne de EELV puisque le voici à sec, à la fois confronté à ma candidature qui lui tend la main et au coup de Jarnac d’Anne Hidalgo. Mais pour faire bonne mesure d’infamie Hidalgo a pensé qu’il ferait bon mettre dans un même sac LFI et EELV. C’est pourtant avec EELV qu’elle dirige Paris depuis bientôt 7 ans. Comprenne qui pourra pourquoi elle accepterait de gouverner la capitale de la France avec un parti qui n’est pas républicain ? Si c’était le cas, ce serait grave avant tout pour elle car cela soulignerait surtout son ambiguïté dans l’opportunisme.
En fait Anne Hidalgo est gravement compromise en fait de comportements à double face en matière de rapport aux religions. Je pourrais en citer bien des occasions. Il ne s’agit pas d’ambiguïtés dans le cadre de son mandat mais d’entorses publiques honteuses à la laïcité. Elles n’ont pas été rendues publiques par la presse qui semble fascinée au point d’être aveuglée. C’est la conseillère Insoumise de Paris, Danielle Simonnet, qui est la vigie laïque à la mairie de Paris face aux égarements de la coterie d’Hidalgo.
Le 9 avril dernier, jour de la fête catholique du « jeudi saint », Anne Hidalgo était incongrument présente aux côtés de l’archevêque comme maire pour la bénédiction de la ville de Paris. L’édile a participé au rituel en violation de tous les principes républicains de séparation de la religion et de la politique. Ce n’est pas tout. Ce rite s’est déroulée au pied du Sacré-Cœur. Double lamentable symbole. Car cette basilique a été construite à la fin du 19ème siècle pour « expier les péchés du peuple parisien » pendant la Commune de Paris et la Révolution de 1789. Drôle de symbole pour cette traqueuse « d’ambiguïtés » avec la République que veut être Anne Hidalgo. Ces deux révolutions ont en effet été précurseuses de la grande loi de séparation de l’Église et de l’État de 1905. C’est le décret communard du 3 avril 1871 qui pose pour la première fois dans le droit républicain que « l’Eglise est séparée de l’Etat ». Hidalgo honore au contraire ceux qui ont massacré ces précurseurs et fondé notre république.
Cet affichage aux côtés d’un archevêque pendant une cérémonie n’est pas un faux pas isolé au milieu d’un chemin de vertu laïque. Chaque année, Anne Hidalgo accorde 2,5 millions de subventions publiques à des crèches confessionnelles. Il s’agit des crèches Loubavitch et de celles des associations familiales catholiques. Deux mouvances connues pour promouvoir une application plutôt traditionaliste de leur religion respective. Hidalgo peut-elle nous dire à quels besoins éducatifs spécifique et religieux correspondent ces établissements destinés à des enfants de moins de trois ans ? Et pourquoi tous les citoyens devraient cotiser pour financer cette faveur sectaire ? Ces religions telles que la pratiquent ces deux groupes amis de l’endoctrinement des nourrissons sont pourtant bien peu allantes sur l’égalité femmes-hommes ou la lutte contre l’homophobie dont la maire de Paris se réclame dans la même interview. Mais dans ce cas, à l’heure du carnet de chèque, elle ne voit ni le problème ni l’ambiguïté d’un tel double langage.
Mélanger les initiatives cultuelles et les initiatives culturelles est une tactique classique des opposants à la laïcité en France pour financer les cultes avec de l’argent public. Un musée sur l’histoire d’une religion ou sur les phénomènes artistiques qui ont accompagné son développement peut être financé par la collectivité. Mais pas un lieu de culte ou de prière. En montant des projets contenant en toute ambiguïté à la fois l’un et l’autre, les gros malins tentent de contourner la loi. Anne Hidalgo a allègrement joué à ce jeu. Elle a financé le centre européen du judaïsme, dans le 17ème arrondissement, et sa synagogue. Mais aussi l’institut des cultures de l’islam, et sa mosquée. Ainsi que le temple bouddhiste du bois de Vincennes. N’est-ce pas là bien davantage que de l’ambiguïté ? N’est-ce pas juste du clientélisme sans principe ?
Quand est arrivé la loi Blanquer et son cadeau financier pour les écoles privées, qu’a fait Madame Hidalgo ? On parle ici quand même d’un chèque de 6 millions d’euros de la ville de Paris pour l’enseignement catholique. La maire ne s’est pas opposée un seul instant. Au contraire, elle a joué le jeu en négociant avec le diocèse une augmentation de l’argent versé par la ville aux écoles catholiques. Encore une fois les citoyens cotisent quel que soit leur rapport à ce culte religieux.
Sur le sujet de la lutte contre le djihadisme terroriste, la maire de Paris devrait aussi se faire moins donneuse de leçon. Elle devrait plutôt exprimer ses excuses et son repentir. En 2016, elle a signé dans le cadre de « Paris Plage » un contrat avec l’entreprise Lafarge. À l’époque, des articles étaient déjà publiés accusant les patrons de cette entreprise d’avoir pactisé avec Daech en Syrie en 2014. Il s’agissait ainsi de payer des cotisations en échange de la pérennité de l’exploitation de ses usines en zone contrôlées par les bandes djihadistes. L’insoumise Danielle Simonnet était intervenue en Conseil de Paris pour dénoncer cette déchéance morale et exhorter madame Hidalgo à renoncer au contrat avec le cimentier. Hidalgo avait pris de haut cette mise en garde et prolongé sans mot dire sa complicité avec le trust cotisant à Daech. Et pourtant, il y avait déjà eu l’abominable tuerie du bataclan revendiquée par Daech. Cela retire à Hidalgo tout droit moral à donner des leçons.
Je ne suis pas gêné qu’Anne Hidalgo se différencie de moi ou dise qu’elle ne se retrouve pas dans ma candidature. C’est bien son droit. C’est la démocratie. Je sais qu’elle en a besoin pour s’affirmer comme potentielle candidate du PS au nom d’une ligne d’accommodement avec le système. Pourquoi pas. C’est leur affaire. Et si elle doit être candidate, cela serait dans l’ordre des possibles. Cela ne dépend que du choix du PS. Et nous le prendrons comme tel le moment venu si cela doit advenir. Et ce ne serait pas la pire hypothèse pour nous. Mais je demande qu’elle fasse ce qu’elle veut dans la limite du respect dû aux autres et notamment de mon identité politique. Je suis un républicain laïque. Je ne confonds pas ce principe avec un athéisme d’État. Je ne l’utilise pas non plus comme un code de connivence pour viser les croyants d’une religion comme l’islam en particulier. Je veux donc la mettre en garde, elle comme d’autres dans son parti et dans la macronie. Au-delà des postures, il y a les actes et les positions concrètes. Non seulement je n’ai pas peur des comparaisons sur ce sujet mais je saurai les rendre publiques autant qu’il le faudra. Non seulement dans ce domaine de la séparation du religieux et du politique mais aussi à propos de la séparation du culte de l’argent.
Nous avons parfaitement analysé le sens du message exprimé par Anne Hidalgo à l’occasion de cette sortie si brutale. Elle veut ériger une barrière de haine religieuse pour l’élection régionale en Île-de-France. Et bien-sûr, le deuxième tour de l’élection présidentielle est aussi en vue. Anne Hidalgo creuse un fossé. Et du côté où elle veut montrer qu’elle se tient, il n’y a que la macronie comme voisin. C’est sans doute pourquoi elle s’est immédiatement située dans le camp des enthousiastes de la loi sécurité globale. Je doute que cette forme de mépris pour la liberté de la presse et de la vie privée des citoyens soit du goût des Parisiens, plus amis de la liberté que des éborgneurs et de la dérive du régime autoritaire qui gouverne le pays.