Question écrite au sujet de la santé des ouvriers forestiers

M. Jean-Luc Mélenchon alerte Mme la ministre de la transition écologique au sujet de la santé des ouvriers forestiers. En effet, les représentants des personnels de l’ONF réclament l’application de la loi pour préserver la santé des ouvriers forestiers. L’article 36 de la loi d’avenir n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt prévoit par son article 36 que « compte tenu de la spécificité du travail en forêt, dans un délai d’un an suivant la publication de la présente loi, les partenaires sociaux négocient un accord collectif prévoyant les modalités selon lesquelles les salariés effectuant des travaux mentionnés à l’article L. 154-1 du code forestier bénéficient, à partir de cinquante-cinq ans, d’une allocation de cessation anticipée d’activité ».

En application de cette disposition, un dispositif a été mis en place à l’Office national des forêts. Entre janvier 2017 et fin janvier 2021, il a permis à 438 ouvriers forestiers de cesser totalement leur activité à 55 ans à la condition de justifier d’un minimum de vingt années d’ancienneté. Ce dispositif répond à la très grande pénibilité de leur métier. En effet, l’espérance de vie moyenne des salariés exerçant des travaux en forêt est très inférieure à celle du reste de la population. Du fait de nombreux accidents du travail souvent mortels, celle d’un bûcheron est actuellement de 57 ans. L’âge moyen de leur inaptitude est de 52,5 ans. Cela signifie que nombre d’entre eux n’atteignent même pas l’âge requis pour bénéficier d’une cessation anticipée d’activité. Or le conseil d’administration de l’Office national des forêts a adopté le 16 décembre 2020 un budget pour 2021 prévoyant de ne pas renouveler ce dispositif au-delà du 31 janvier 2021.

Ce nouveau coup de boutoir austéritaire aurait des conséquences désastreuses. En effet, l’Office national des forêts compte aujourd’hui 260 ouvriers forestiers dont l’âge est compris entre 50 et 54 ans. À défaut de pouvoir bénéficier d’un tel dispositif, ces forestiers seraient contraints de continuer à travailler au-delà de 55 ans. Sinon, ils seraient licenciés pour inaptitude physique. Le non-renouvellement de ce dispositif est indécent. Au-delà du mépris pour la santé des travailleurs forestiers, cette décision a été prise sans que les négociations prévues par l’article 36 de la loi de 2014 n’aient eu lieu. Elle est donc contraire à la loi. Dans ce modèle agro-industriel d’exploitation, la souffrance des forestiers et celle de la forêt vont de pair.

En effet, cette décision s’inscrit dans la droite ligne des politiques austéritaires imposées à l’ONF. Le bilan est désastreux : 40 % des effectifs ont déjà été supprimés en 30 ans. Le malaise est grand : entre 2005 et 2020, 51 personnels de l’ONF ont mis fin à leurs jours. Ce taux est deux fois plus élevé que dans le reste de la population. L’intersyndicale tire la sonnette d’alarme : elle a décidé de porter plainte pour mise en danger de la vie d’autrui. Le Gouvernement envisagerait la suppression de 500 postes supplémentaires d’ici 2025. Or la destruction du service public forestier est contradictoire avec le besoin plus grand de lutte contre le dépérissement des forêts lié aux bouleversements climatiques. Ceux-ci gèrent 25 % de la surface forestière française. Leur rôle est donc essentiel. La forêt est un allié précieux face à l’urgence écologique et climatique. En effet, elle fixe 20 % des émissions annuelles de carbone. Elle est également indissociable du cycle de l’eau et de la protection de la biodiversité. Il faut donc investir du temps et du savoir-faire pour assurer son suivi sanitaire et renouveler les peuplements forestiers. Pourtant, au rythme actuel d’exploitation, la forêt française ne sera bientôt plus en mesure d’atténuer le changement climatique.

Avec de moins en moins d’agents publics prompts à faire un travail de qualité et de précision en lien avec des scieries locales, la gestion forestière durable disparaît au profit d’une exploitation industrielle. L’économie du bois est au plus mal : il y a dix fois moins de scieries qu’en 1960. Une poignée d’entre elles produisent de la matière brute exportée puis réimportée sous forme de produit fini bien plus coûteux. Pourtant, la filière bois française compte 370 000 emplois directs, souvent locaux et non délocalisables, c’est-à-dire presque deux fois plus d’emplois que ceux du secteur automobile. On doit planifier l’avenir. Le bois est un atout écologique : dans le bâtiment pour remplacer le béton, pour remplacer le plastique dans les produits de consommation courante. Une filière forêt-bois française soutenable et créatrice d’emplois de qualité est la condition pour préserver un des biens communs le plus précieux. Détruire la forêt et les travailleurs pour planter des arbres est un non-sens.

Par conséquent, M. le député aimerait savoir si Mme la ministre compte intervenir pour faire appliquer la loi. Il y a urgence à défendre la forêt et ses travailleurs. Il n’y a pas de gestion durable de la forêt possible sans protection de ceux qui y contribuent. Il souhaite connaître son avis sur le sujet.

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