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Quand le travail tue

733. C’est le nombre de personnes mortes sur leur poste de travail en 2019. Les personnes tuées sur le trajet pour s’y rendre ou en revenir doivent aussi être comptabilisées. Elles étaient 283 en 2019. Enfin, n’oublions pas ceux qui ont été emportés par des maladies directement liées à leur activité professionnelle. Il y en a eu 175 en 2019. En réalité donc 1191 personnes sont donc décédées au et du travail en 2019. 

C’est un chiffre considérable. Assez pour y regarder de plus près. D’abord, certains secteurs sont davantage  concernés que d’autres. Il faut pour le savoir consulter les tableaux très détaillés de l’Assurance-maladie. Ainsi, en 2019, 176 personnes décédées sur leur lieu de travail étaient des ouvriers du bâtiment. Concrètement, chaque jour travaillé, un ouvrier meurt sur un chantier. On recense aussi 71 chauffeurs-routiers, 69 travailleurs des industries de la métallurgie, 51 intérimaires. Et bien sur 11 policiers et gendarmes. Des progrès ont été réalisés dans le temps long. Ainsi il meurt trois fois moins de policiers qu’il y a trente ans. C’est donc que les techniques d’exercice du métier se sont améliorées. Cet effort doit être poursuivi et on doit l’étendre a toutes les professions. Mais le constat est là : au total, 70% des salariés morts du travail sont des ouvriers et des employés.  

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Outre les décès, plus de 650 000 accidents sont survenus en 2019. Ce chiffre est en augmentation par rapport à l’année précédente. Ce n’est pas un hasard. En effet, c’est le résultat de conditions de travail harassantes pour un grand nombre. Commençons par dire que les Français comptent parmi les salariés les plus productifs d’Europe. Et en plus, ils travaillent plus que leurs voisins. Ainsi, les Français travaillent 2h30 de plus que les Allemands par semaine. Malgré cela le temps de travail en France continue d’augmenter. On est très loin du mythe des Français feignants et des Allemands travailleurs acharnés. En fait, ces derniers se la coulent douce et profitent des commandes françaises.

Il faut ensuite examiner dans quelles conditions travaillent les Français. Les horaires atypiques sont nombreux. Ainsi, un salarié sur trois est coutumier du travail le dimanche. Un sur cinq est amené à travailler la nuit. La pénibilité se matérialise sous des formes très variées. Elle est subie en premier lieu par les ouvriers et les employés. Par exemple, les deux tiers des employés travaillent debout. Et ils vont et viennent au boulot. Ainsi, chaque jour, une infirmière fait en moyenne 10 kilomètres sur son lieu de travail. Ce n’est pas tout. Les deux tiers des ouvriers portent des charges lourdes. Autant respirent des fumées et des poussières. Enfin, la moitié d’entre eux manipulent ou sont exposés à des produits toxiques. Au total, 4 ouvriers sur 10 doivent être attentifs en permanence pour cause de danger quand ils sont au travail . Au risque sinon, d’être victimes d’un accident. Mais comment l’être quand les cadences sont infernales et le temps de travail toujours plus long ? 

Au bout du compte, ces conditions de travail dégradées ont des conséquences très concrètes. Psychiques d’abord. Ainsi, le taux de burn-out a doublé en un an. Le burn-out n’est pas à prendre à la légère car ce sont des gens arrivés à la limite d’eux-mêmes. De fait, le nombre de gens incapables de travailler ou de fournir un travail de qualité croît. Au total, près de la moitié des salariés sont en détresse psychologique. Ainsi dans la police aujourd’hui, il y a davantage de morts par suicide que par n’importe quoi d’autres.

Quand ce n’est pas la tête, c’est le corps qui s’use. La détresse physique, alors n’épargne guère non plus. Ainsi, 50 000 maladies professionnelles ont été reconnues en 2019. Près de 90% d’entre elles sont des « troubles musculo-squelettiques ». C’est-à-dire des douleurs aux articulations, des maux de dos ou des gestes trop répétés devenus impossibles. Tout cela rend le quotidien insupportable. 

Pour finir, les cancers d’origine professionnelle se multiplient également. Les cancers liées à une exposition à l’amiante représente 90% des cancers professionnels reconnus. Mais d’autres secteurs sont également concernés. Ainsi, 6 cancers ou maladies liés à l’exposition aux pesticides touchent davantage les agriculteurs : leucémie, cancer de la prostate ou encore maladie de Parkinson. 365 000 travailleurs de la construction et du bâtiment sont exposés à un risque élevé de développer des cancers du poumon et de silicose. 160 000 sous-traitants du nucléaire ne bénéficient pas des mêmes conditions de sécurité que les agents EDF. Ils sont pourtant exposés à de dangereuses radiations. Celles-ci participent du développement de cancers de la thyroïde. Mais la reconnaissance de l’origine professionnelle de ces maladies est un parcours du combattant. Ainsi, plusieurs centaines de substances à l’origine de cancers sont identifiées par le Centre international de recherche sur le cancer. Mais, en France, les tableaux de maladies professionnelles listent seulement 22 substances pouvant être liées à des cancers.

L’hypocrisie est à son comble avec ce gouvernement. Il tue avec le sourire et les mines de la modernité. À peine élu, Emmanuel Macron a dissous par ordonnance les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Il a également supprimé le compte pénibilité pour le transformer en compte de prévention. Ce petit tour de passe-passe a permis de réduire le nombre de facteurs de risque reconnus de 10 à 6. Evidemment, 4 facteurs très importants ont été rayés de la liste : manutentions de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques et exposition aux agents chimiques dangereux. Cela concernait notamment les 1,2 millions de travailleurs du bâtiment et de la construction. Je le redis, 176 d’entre eux sont morts sur les chantiers en 2019. Merci qui ?

Auparavant, l’exposition à ces facteurs permettait un départ à la retraite anticipé et la reconnaissance facilitée de maladies professionnelles. Ce n’était pas génial mais du moins ça soulageait plus tôt. Mais Emmanuel Macron n’aime pas le mot « pénibilité ». Car « ça donne le sentiment que le travail serait pénible ». Pourtant, 70% des ouvriers subissent au moins un facteur de pénibilité dans leur métier. Pour ne plus la voir, il a donc fait disparaître les preuves de celle-ci. Mais loin des coups de baguette magique du gouvernement, le travail continue de tuer et de broyer. Or, nous avons besoin de toutes les forces disponibles pour reconstruire le pays et relever le défi écologique. L’amélioration constante des conditions de travail est donc une tâche d’intérêt collectif en plus d’être un devoir de société civilisée.

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