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« Le Figaro » un jour…

Il faut saluer et remercier le journal « Le Figaro » pour un acte éditorial totalement inhabituel dans la presse. Un bilan franc et ouvert sur le plantage monstrueux des sondages dans la période des élections régionales. D’autant plus remarquable que cela fait le titre à la une de ce journal sur cinq colonnes et que le papier inclut une critique du sondage publié par ce même journal à propos des résultats des élections en PACA. Dans cette région, l’institut « IFOP avait prévu la victoire « dans tous les cas » du RN ! Mais avant cela, dans un nombre important de régions, les mêmes sondages avaient prévu des duels de second tour entre le RN et les sortants, le plus souvent PS. De la sorte était créé un réflexe de « vote utile » anti-RN dès le premier tour qui faussa tout. On attend le papier de « La Dépêche du midi » et de ses suppléments locaux dans la région qui avaient titré à la une, photo à l’appui, sur la première place du RN face à Delga.

L’article du « Figaro » va loin. Il reconnaît que le journalisme est désormais addict au sondage et que cela joue un rôle systémique dans le commentaire politique qui finit par résumer une élection à un « jeu de petits chevaux ». Nous savons combien la paresse intellectuelle et l’affaissement des capacités d’analyse politique de maints commentateurs (trices) trouvent ici un point d’appui qui fonctionne comme un sauvetage : en commentant un sondage, ceux-là (celles-là) donnent l’impression de commenter un fait établi là où ils seraient incapables d’avoir une analyse établissant un diagnostic. Je suis un bon exemple de tous les abus possibles en ce domaine puisque j’ai le privilège d’un traitement médiatique où le devoir de raison, la décence et quelque souci de la vérité n’existent plus. Ainsi quand Bruno Jeudy trouve le moyen d’annoncer mon « effondrement » sondagier après ma « sortie complotiste ». Pourtant, le sondage qui l’affirmait avait été fait trois jours avant cette supposée sortie « complotiste » ! Ce qui prouve que ou bien « l’institut » ou bien le journaliste ou bien les deux d’accord ont délibérément changé le résultat pour le faire correspondre à leurs besoins. Ce mensonge et cette rectification au « doigt mouillé » venant après « l’enquête » obligent les mêmes la semaine suivante à me donner un retour de 5 points dans les facteurs supposés du public, l’éminent éditorialiste notant cependant avec un ton docte que cela ne fait « que la moitié du terrain perdu ». On aurait tort de se dire que puisqu’il s’agit de moi, ce n’est pas grave. Toutes ces scélératesses qui me sont appliquées n’étant jamais sanctionnées par aucun désaveu, c’est autant d’encouragement à les étendre ensuite à d’autres. On l’a bien vu et on le verra encore bientôt quand ce n’est pas déjà le cas.

Toutes ces pitoyables mauvaises habitudes viennent aussi compléter une mode selon laquelle l’analyse politique électorale aurait pour vocation de « prévoir » ce qui va se passer et non de « voir » ce qui se passe. De toute façon, la plupart des journalistes politiques ne sortent jamais de leurs bureaux ou des déjeuners en ville, sans parler des tautologiques réunions de confrères. Ils n’ont donc aucun ressenti de terrain. Ni aucun recul. Ni aucun capteur alternatif aux sondages. Et puis, comme toute critique est perçue comme une atteinte à la liberté de la presse et tout refus de participer au traquenard auquel se résument maintes émissions, la forteresse des certitudes traverse les évènements sans changer un seul rond de serviette quoiqu’il arrive.

Pourtant, les sages de la profession, qui ont connu d’autres époques, ne manquent pas de mettre en garde dans les rédactions et autour d’elles. On a même vu Robert Namias déplorer par un tweet tranchant que huit jours après un tel effondrement, les publications de sondages reprennent sans aucun recul ni autocritique. C’est ici la limite de l’exceptionnelle prise de recul du « Figaro ». Ses propres journalistes continuent non seulement à construire des « analyses » à partir des sondages, mais même à les opposer comme des faits et des défis, à l’exclusion de tout autre capteur existant et surtout, surtout, sans donner la moindre indication sur les changements de méthode des sondeurs depuis les élections. Pourtant ceux-ci aggravent la situation par une dose supplémentaire d’approximations incontrôlées. Le naufrage continue. Dire que les mises en garde hypocrites des sondeurs atténueraient l’impact du pouvoir d’injonction est une sottise contre tout bon sens. C’est comme si on disait qu’une rumeur n’aurait pas d’impact parce qu’elle est fausse !

Dans l’immédiat, je tire une sonnette d’alarme à propos des nouvelles normes sondagières appliquées par des « instituts » dont les biais sont déjà bien notés par ceux qui en connaissent le fonctionnement. Et notamment celui de leur « boîte noire », lieu où s’exercent les redressements de résultats avec de la poudre de Perlimpinpin. Je ne parle pas de ces caricatures connues où l’analyste d’un institut était lui-même membre du FN. Je parle de la décision d’inclure des taux d’abstention « différenciés » selon les candidats à la présidentielle. Encore une fois, cela bat des records me concernant puisque l’IFOP et d’autres supposent que 60% de mes électeurs de 2017 s’abstiendraient ! Non seulement le rubricard du « Figaro » qui s’en réclame n’en dit rien mais, au contraire, il recopie les doctes raisonnements de sa collègue du « Parisien » Jannick Alimi. Il est vrai qu’elle est souvent son maître à penser. Et souvent la « penseuse » du groupe des journalistes conservateurs. Je n’en exagère pas les mérites, car elle est aussi capable de solides manipulations sans fard.

Elle a ainsi osé annoncer que nous avions déposé sept cent mille amendements (pas moins) contre la réforme des retraites. Elle avait aussi révélé un désaccord entre Coquerel, Autain et moi à propos du Venezuela…. en faisant de leurs propos contre Macron des propos contre Maduro. Cette fois-ci, elle annonce ma « marginalisation » à 7,5% en s’appuyant sur les commentaires de « certains » socialistes. La malheureuse et son plagiaire du « Figaro » ne se rendent pas compte que c’est le niveau où eux-mêmes évaluent Jadot et Hidalgo depuis des mois et encore à cette heure. Mais c’est de bonne guerre sale venant de droite. Ajoutons que notre intérêt est aussi que la bonne société qui paye pour lire « Le Figaro » et les intellectuels qui prennent l’avis de Jannick Alimi soient induits en erreur et soient abreuvés d’informations erronées. Comme lorsque Jannick Alimi, reprenant la consigne du communiqué du CRIF titrait sur un « Front républicain… contre Mélenchon » « En cause : les positions du député des Bouches-du-Rhône sur la république, la laïcité ou le complotisme ». Tel quel et sans autre explication. Un journalisme sous influence conservatrice aux insinuations assez vites repérables.

Moins dôle et plus manipulateur est le fait que tout ceci permet aussi d’élargir l’écart entre Macron et Xavier Bertrand. S’il y a manœuvre, elle est là. Car cela fausse la prévision du deuxième tour. En effet, l’électorat de Bertrand contient une composante populaire qui est considérée comme massivement abstentionniste et donc déduite de son score prévisionnel. On comprend la manœuvre. Comme pour les régionales, en surévaluant Le Pen au premier tour et en faisant de Macron le challenger, on pousse à des votes style Delga en Occitanie. Car tout est là : selon que l’on voit le peuple revenir aux urnes ou seulement la classe moyenne supérieure, les résultats changent du tout au tout. La droite classique et nous sommes perdus, en effet, si le peuple populaire ne vote pas. Le contraire s’il va aux urnes et minore les votes de centre-ville aisés. On voit au passage le caractère terrible des soi-disant « révolutionnaires » qui prônent l’abstention « contre le système » et lui apportent ainsi en fait son meilleur renfort. Ces constats nous ont conduits aussi à formuler la stratégie de « l’Union Populaire ». C’est-à-dire comprendre que le peuple ne se mettra pas en mouvement pour des logos ni pour des têtes d’affiche mais pour des contenus, des objectifs qui changent sa vie.

Dans l’intervalle, mes lecteurs sauront garder la tête froide devant les exploits du gratin intellectuel des conservateurs et de leurs commentaires de sondages bidon. Jannick Alimi doit être considérée comme une ligne rouge au-delà de laquelle mieux vaut cesser de savoir lire.

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