On comprend qu’un sondage qui me place à huit pour cent deux jours après un autre qui me place a 12 ou 13% retienne mon attention. Au minimum on a le droit d’être surpris. Non parce que les « instituts » concernés étaient les vainqueurs de l’attribution des gros lots de commande de sondage de l’Élysée et que je suis toujours très réservé sur ce que proclament IPSOS ET IFOP (malicieusement rebaptisé « au pif » par mes camarades). Les montagnes russes du grand cirque sondagier donnent la nausée. Je veux m’en prémunir. Je veux comprendre. Je suis certain que vous êtes nombreux à penser de même. Même s’ils m’accordent comme tous les autres sondage un gain de un point, je ne m’ébahis pas.
Ce n’est pas le cas des journaux et de l’audiovisuel gouvernemental. Ils avalent tout rond, font semblant de découvrir et répètent sans même faire semblant d’être étonnés. « Le sondage qui rebat les cartes » plastronne même « Le Parisien ». Pourtant c’est une arnaque. Et c’est la seconde fois qu’elle est commise depuis juin. La tambouille des deux instituts est très simple : on demande aux personnes sondées d’indiquer, sur une note de 1 à 10, quelle est la certitude qu’ils aillent voter pour le premier tour de l’élection présidentielle. Puis on retire de l’échantillon toutes les personnes qui n’affirment pas leur intention d’aller voter avec une certitude de 10/10.
Si l’on ne retient que les personnes se disant certaines d’aller voter (10/10 sur cette échelle), alors on obtient une estimation du taux de participation ridiculement basse. Pour le sondage IFOP publié au mois de juillet, cette participation est estimée à 49,7% selon la notice. Pour le sondage IPSOS du jour, cette estimation est de 53%.
Cela représente un taux de participation de… 25 à 30 points inférieur au premier tour de l’élection présidentielle de 2017. L’information principale, si on croit ces sondages, et qui devrait faire la « Une » de tous les médias du pays devrait donc être la suivante : « 50% d’abstention prévu pour la présidentielle ! ». Mais ce n’est pas ce qui préoccupe ces sondeurs régalés par l’Élysée. Qui disparaît dans cette opération ? Quelles catégories sociales ? Celles qui votent le moins. Les milieux populaires ! Qui sont alors les votants surreprésentés : les beaux quartiers et les personnes les plus âgées, c’est à dire les milieux les plus conservateurs en majorité. Effacer les milieux populaires et donner le pouvoir d’injonction du sens du vote aux milieux dominant c’est davantage un projet politique qu’une méthode scientifique d’évaluation. Le blog Médiapart de Eliot Thibault a évalué avec précision et d’après la notice des sondeurs l’ampleur de ce biais sociologique.
En ne retenant que les personnes certaines d’aller voter (10/10), on retient 67% des plus de 65 ans mais seulement 40% des personnes âgées de 25 à 34 ans. Par contre si l’on ajoute aussi les personnes quasi-certaines d’aller voter (8/10 et 9/10), alors on obtient 88% des plus de 65 ans et 70% des personnes âgées de 25 à 34 ans. De même, seulement 57% des électeurs de Jean-Luc Mélenchon en 2017 se disent certaines d’aller voter contre 66% des électeurs de Benoît Hamon. Par contre, si on retient également les « presque certains d’aller voter » (8/10 et 9/10), alors le chiffre monte à 85% chez les électeurs de Mélenchon et à 83% chez les électeurs de Benoit Hamon. Avec cette méthode, on confie donc aux classes supérieures et aux personnes âgées le choix des candidats qui feront des bons sondages…. À vous d’apprécier.
En tous cas cela confirme ce que je disais ce dimanche à Valence aux AMFIS : plus le peuple vote plus nous montons, moins le peuple vote plus Macron monte. Simple comme un sondage IFOP et IPSOS. Les deux entreprises n’agissent sans doute pas sur ordre ni conseils. Sans doute sont-elles encore traumatisées par leurs échecs aux régionales. On s’en ficherait si celles ci n’avait pas déjà cette fois là défiguré le vote en faisant croire à un duel avec le RN partout au second tour. Il est donc vain de faire comme si les sondages n’avaient pas un pouvoir d’injonction et de conditionnement des votes. D’ailleurs le titre du Parisien affiche l’intention, « rebattre les cartes », car pour ce genre de journalisme l’élection présidentielle est un jeu de cartes avec un classement de petits chevaux. Si les sondeurs affichaient le taux d’abstention sur lequel ils se fondent et si les journaux s’en préoccupaient, il n’y aurait rien à reprocher. La question vient de ce qu’ils ne le disent pas et que les « journalistes » qui voient des cartes « rebattues » n’en soufflent mot et se contentent de recopier le commentaire que le sondeur fournit avec ses chiffres.
Copie jusqu’a l’absurde. Manuel Bompard, euro-député insoumis et directeur de ma campagne présidentielle, fait justement remarquer quelle contradiction non signalée par les commentateurs contient cette méthode. « Cette estimation de l’abstention est en contradiction avec les informations publiées par les mêmes sondeurs. Ainsi, dans le sondage IFOP publié en juillet, l’institut estime la participation à 49,7%. Mais dans la même enquête (la notice est consultable sur le site de la Commission des Sondages), il est indiqué que 95% des personnes interrogées indiquent qu’elles envisagent d’aller voter : 70% d’entre elles disent d’ailleurs que “c’est tout à fait certain”, 23% que “c’est pratiquement certain” et 5% “qu’il y a de grandes chances”. C’est-à-dire que même si on ne retient que les 70% des 95% qui se disent “tout à fait certains” d’aller voter, on aurait une participation estimée à 66,5%, bien au-delà des 49,7% utilisés pour le calcul des intentions de vote ».
« Enfin, cette méthode réduit de manière très importante la taille des échantillons, sans le dire. Ainsi, en ne retenant qu’une personne sur deux sur un échantillon de 925 personnes (celui de l’institut IPSOS du 3 septembre), on ne retient que 490 personnes pour calculer les intentions de vote. Pire encore, il faut retirer de cet échantillon les personnes se disant certaines d’aller voter mais n’exprimant pas d’intention de vote (entre 11 et 16% selon les hypothèses). On se retrouve donc à publier un sondage pour l’élection présidentielle en France calculé sur un échantillon d’environ 430 personnes, ce qui est ridiculement bas ».
Si nous pensions qu’il s’agit d’un vrai plan politique que devrions nous conclure ? Que les insoumis ne sont pas visés en particulier. ce sondage pousse à la multiplicité des candidatures. Tout le monde est à « touche-touche », tout le monde est encouragé à prolonger sa candidature et d’autres à venir s’y joindre dès lors que le ticket d’entrée dans le panorama est faible. Pécresse et Bertrand a un point l’un de l’autre. Hidalgo et les verts réduit a Jadot de même. Montebourg (2%) et Roussel (0,5%), Le Pen (15%) et Zemmour (8%) : toute les courses en sac sont encouragées. Unique bénéficiaire de cette situation : Macron, placé invariablement a 24 % des suffrages. D’un certain point de vue ce sondage nous sert quand même en contribuant à cette atomisation de la concurrence et son enracinement.
Nous avons donc demandé et obtenu un rendez vous avec la Commission nationale des sondages. notre dossier est en béton. Nous ne mettons pas en cause les sondages mais leurs procédures et leur valeur mathématique. Le directeur de notre campagne présidentielle étant un docteur en math et comme nous avons nous même un outil de sondage en privé réalisé par des professionnels, les plaisantins devraient s’abstenir de plaisanter face à nous.