« Le Monde » exulte 15 minutes après la nomination du Premier ministre : « Michel Barnier : un homme de consensus à Matignon ». Plus directe, Marion Maréchal-Le Pen résume bien les termes du consensus et ses composantes : « Allez Monsieur le Premier ministre, c’est le moment de tenir vos promesses ! », et d’en établir la liste en se référant à la séquence « immigration » de Barnier aux primaires de LR : moratoire sur l’immigration, limitation drastique du regroupement familial, fin des régularisations, fin de l’aide médicale d’État, expulsions facilitées, réforme du droit d’asile.
On se demande donc qui, à part la direction du « Monde » et madame Maréchal-Le Pen (le cas échéant), pourrait se sentir concerné par un tel consensus. « Les gens d’en bas », comme il les a nommés, savent à quoi s’en tenir à propos de « l’humilité » rabâchée de monsieur Michel Barnier, avec la componction habituelle de ceux qui ont une chaise à leur nom au premier rang.
Le monsieur ne fera pas consensus avec ceux dont le vote a été bafoué et volé. Dans ce domaine, Michel Barnier est un connaisseur. Auteur actif dans le comité qui rédige le texte du projet de constitution européenne, il fut en rage de l’échec du référendum de 2005. Mais aussitôt ce fut l’un des organisateurs d’un viol légal de la souveraineté du peuple qui avait pourtant dit « non ». « L’humilité » du monsieur devant « les gens d’en bas » qui « ont souvent de bonnes idées » et qui « doivent être respectés », mais qui votent « non », a ses limites ! « Si cette constitution n’existe pas il faudra la réinventer d’une manière ou d’une autre » avait dit l’humble. Il se fit donc l’ardent défenseur du traité de Lisbonne dont Giscard avait dit que c’était « le même texte dont les chapitres ont changé de place ». Cet écœurant camouflet contre le suffrage universel a généré tout le dégagisme et l’abstentionnisme qui sévit depuis.
À présent, il est membre d’un parti qui n’a pas voulu de lui comme candidat à la présidentielle de 2022 et qui compte 150 députés de moins que le Nouveau Front populaire. Mais il est censé incarner une nouvelle majorité parlementaire « stable ». On se demande bien comment et pourquoi il trouverait une telle majorité ! On connait la réponse : macronistes, LR et RN s’arc-bouteraient pour ne pas le laisser se faire censurer par l’Assemblée nationale. Voilà le consensus qui réjouit « Le Monde » et, d’une manière générale, l’officialité de notre pays. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres ! Qui est certain de voir le « centre » avaler encore une louche de xénophobie et de gesticulations sécuritaires ? Qui est prêt, à droite et au RN, à absorber encore une dose d’allégeance à la Commission européenne qui va venir avec le FMI saigner notre pays ? J’en passe et d’autres. Aider le corbillard à passer, pourquoi pas. Mais monter dedans c’est une autre affaire !
Quant au NFP, nous avons désormais la certitude qu’il ne se disloquera pas au profit d’une aussi sordide aventure. La droite du PS a certes déjà commencé à encenser le nouveau maître des vanités gouvernementales, comme l’a fait Carole Delga, et à répéter les éditos du « Monde » comme Mayer-Rossignol. Mais aucun d’entre eux ne fera davantage que japper. Ces gens-là devront affronter des élections locales, qui ne seront pas favorables aux supplétifs de la macronie.
Le bras de fer commence donc ce samedi 7 septembre. C’est une affaire de dignité personnelle. Ceux qui votent ne peuvent accepter qu’on les méprise et foule aux pieds de cette façon. Nous avons devant nous une session parlementaire de combat et un trimestre d’action contre le budget de brute qui a été préparé par le gouvernement « démissionnaire ». Et il y aura, avant cela, la nomination des ministres. La dernière fois, ce fut un exercice long et douloureux. Cette fois-ci, ce sera long et ridicule.
Macron ne sortira pas du siège éjectable où il s’est installé. La nomination surprise de ce jour est la suite de la série d’éditos et articles envisageant sa démission comme seule issue au blocage de la nomination du Premier ministre. Un moment de panique dans l’ombre de la motion de destitution. La solution Barnier n’en est pas une et on va le voir bientôt. À présent, ce qui va travailler l’esprit public, en butte à toutes les privations que le budget prévoit et à celles que le précédent a déjà imposées, c’est l’illégitimité de ceux qui en décident. Le dégagisme et la turbulence vont dominer la scène. La motion de destitution vient à point nommé, puisque notre avertissement n’a pas été entendu ! Malheur aux soutiens de Barnier. Quand le vent souffle fort, il emporte aussi les girouettes…