Retraites : ne pas prendre part à une arnaque

Comme d’habitude, bien de bonnes âmes ont servi la soupe au RN en présentant sa proposition de loi contre la retraite à 64 ans comme un « piège pour la gauche ». Cette façon de voir passe à côté de l’essentiel de la lutte en cours à la fois entre le RN et la gauche mais aussi à l’intérieur du RN. En réalité l’objectif du RN ce n’est pas la gauche. C’est plutôt sa propre situation. Sa relation au grand nombre. Pour la première fois depuis longtemps il y a une brèche ouverte où le parti d’extrême droite est en difficulté sur ses bases populaires. Le moment clef de cette situation a été aux législatives de juin dernier. Quand Bardella et le reste des dirigeants RN ont passé par-dessus bord leurs promesses sur les retraites et les taux de TVA sur les produits de première nécessité. Ils croyaient alors à leur victoire. Puis il y a eu l’épisode de soutien à l’installation du gouvernement Barnier. Puis ensuite la décision de refuser la censure du gouvernement. Et pire : le refus de destituer Macron. La « dédiabolisation », la banalisation en période dégagiste peut avoir un coût. L’ambiguïté fondamentale cultivée par les chasses du RN sur les terres des revendications de gauche atteint une limite quand l’objectif pour lui est bien de prendre la tête de la droite. L’opération sur ce texte retraite est de remonter sur le cheval populaire. Mais on ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépends. Ici le texte du RN est une tentative « en même temps » pour y rester.

Je me résume. Le texte sur les retraites est un compromis qui ne le dit pas entre les deux options désormais visibles qui composent le parti lepéniste. Tous sont d’accord pour conquérir l’hégémonie sur la droite. Et tous sont conscients d’être en train d’y arriver. Mais aussitôt se présente la contradiction : comment diriger la droite avec un programme qui contient entre autres le retrait de la retraite à 64 ans ? Car dans toute l’Europe l’extrême droite affiche son libéralisme économique. Aucune n’a fait le choix de vouloir chasser sur les terres des revendications de la gauche populaire. Et ça tiraille. On a vu Bardella condamner le retour à la flat tax et les députés RN présents la voter. On a vu les RN voter en commission des affaires sociales contre notre amendement d’abrogation de la retraite à 64 et cela une semaine avant de présenter leur propre texte sur le sujet et un jour avant le vote de la commission des affaires sociales sur leur texte ! Notre objectif est à notre tour de fracturer le bloc de droite en enfonçant le clou de cette contradiction. 

Fondamentalement le texte de Le Pen est une arnaque. Comment finance-t-elle cette réforme ? Elle dit noir sur blanc « cela sera défini par le gouvernement RN ». On va voir qui vote pour l’installation d’un gouvernement RN ! Mais ce n’est pas le plus grave d’aucune façon. Le plus grave c’est qu’on connait la recette de Le Pen pour financer car elle est dans le programme du RN. Pour eux il s’agit de supprimer les cotisations sociales et de faire passer le salaire brut dans le salaire net. Mais alors tout ce qui est payé par les cotisations devra être payé par l’impôt. Pas l’impôt sur les riches, ni par l’ISF, ni par la flat tax puisque le RN vient de voter contre dans le budget.

Donc le texte est juste une arnaque. S’il devait être appliqué cela reviendrait à décider la fin de la Sécurité sociale qui serait alors entièrement fiscalisée. Alors elle devrait mécaniquement limiter ses prestations et demander à chacun de transférer une bonne partie de son effort vers les « complémentaires ». CQFD !

Aucun besoin de s’associer à une aussi mauvaise action contre la Sécu. Aucune raison de voter pour demander à un gouvernement du RN de régler la question du financement. D’abord parce que nous ne voulons pas de gouvernement RN, ensuite parce que ce serait une arnaque. 

Pour ce qui concerne l’abrogation de la réforme Macron, les insoumis ont pris leurs dispositions. Ce point est décisif. Il suffit de patienter un mois. Dans un mois arrive notre propre proposition de loi d’abrogation de la retraite à 64 ans. Elle est  soumise au vote de l’Assemblée. Une fois adoptée, elle sera reprise au Sénat puis elle reviendra à l’Assemblée, sans doute en janvier. Et tout cela sera fait sans arnaque. Avec un financement garanti en respect de la retraite par répartition sur la base de cotisations sociales.

Il faut donc abandonner le RN à ses manipulations. Laissons-les se débrouiller avec la droite. Une démonstration va être faite sur ce point quand les uns et les autres vont voter contradictoirement. L’isolement du RN est un atout pour nous. En toute hypothèse, leur texte ne sortira jamais de l’Assemblée puisque le RN n’a aucun relais au Sénat. Le NFP en a. Et il se prépare à voter ensemble de la même manière dans les deux assemblées sur le même texte. Juste dans un mois. Pas question de donner des brevets de crédibilité au RN sur le front social. Et pas question de réformer le système des retraites à la sauce libérale !

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