Au milieu de la pagaille du 49.3, dans le désordre général, après avoir dénoncé la « caste politique » dont sont membres tous ses collègues du gouvernement et le président lui-même, après s’être accroché en public avec le Premier ministre sur les bancs de l’assemblée, Macron annoncerait sa candidature en juin selon Médiapart ! Nooooon ? Encore ! Oui, vraiment, c’est trop bon ! Imaginez la tête de Valls ringardisé en moins de deux mois et réduit à donner le fouet à l’Assemblée pendant que son ministre des Finances fait le kéké en couple dans la presse populaire ! Penser aux chocottes de Hollande qui s’est déjà pris les pieds dans le tapis avec des leurres qui refusent d’obéir ensuite, comme en 2007 avec la candidature de Ségolène Royal ! Bravo Macron qui leur pourrit la vie et dévaste le camp solfériniens !
Je ne dirai pas que « en marche » était le nom de la web-série de ma campagne de 2012. Ni que son site est une mauvaise copie de l’idée de plateforme que nous mettons en œuvre déjà en Espagne en France et aux USA. J’espère juste qu’il paie cher ces plagiats et que sa collecte de fond anglaise (même en passant par l’Amérique latine tout se sait) est déjà bien gaspillée par quelques-uns des paniers percés qui l’accompagnent.
Droitier caricatural, artefact de tigre en peau de lapin, le voici déjà pris à devoir tenir la main de son épouse (« ma femme que j’aime beaucoup ») dans VSD pour rassurer le bon peuple qui aime tant les familles royales ! A peine pondu, déjà frit ! Ce dimanche il a joué l’ami de la pucelle inspirée, dans un discours de sous-préfecture très vintage. Jeanne d’arc ! Poilade !
Seule la production du mythe a de l’intérêt pour l’Histoire de France. Ces messieurs les têtes d’œuf ne le savent pas. Je vous renvoie à l’excellent post d’Alexis Corbière sur l’histoire de cette guerre de propagande entre l’Église et la République. Tant de naïfs découvriront que l’Église, qui condamnait encore le suffrage universel en 1906 et ne reconnut pas la République avant 1920, mena un combat pour s’approprier le personnage de Jeanne d’Arc. En effet elle venait d’être « inventée » (comme on le dit d’une découverte) par les grands laïcs qui venaient de fonder la troisième République. Héroïne nationale de choix au lendemain de la défaite de Sedan. Condamnée par un évêque collabo de l’envahisseur anglais : un beau personnage pour l’époque. Rude épreuve pour les cléricaux d’alors que ce défi ! Car c’est l’Église et non le pouvoir civil, sous la férule de l’évêque Cauchon (mais oui, c’est son nom), qui envoya la douce exaltée au bucher pour sorcellerie du fait qu’elle prétendait avoir entendu des voix d’archanges. Jeanne d’Arc est morte brulée vive en 1431.
585 années après, le pauvre discours de Macron est une des innombrables variantes de ce type de commémoration : raconter des histoires pour s’auto-célébrer au mépris le plus complet de ce qui pourrait déranger. Tous les poncifs, anachronismes et trémolos de rigueur y étaient. Avec le pieu oubli de tout ce qui pourrait fâcher : que la virginité de cette malheureuse continue d’être mentionnée à son crédit, ce qui est patriarcal ; que l’Église la fit brûler, ce qui est anticlérical ; et que la vie du principal lieutenant de la sainte guerrière, Gilles de Rais, est celle d’un monstre pédophile assassin que la justice de l’époque fit exécuter en dépit de son rang tant ses crimes étaient révoltants, ce qui est totalement immoral.
Le pompon de l’ignorance est d’entendre le fantastique et magnifique monsieur Macron dire qu’il ne croit pas à l’homme ou la femme providentiel au moment il parle du parangon de cette variété puisque Jeanne d’Arc fut « donnée par la providence » elle-même, raison pour laquelle elle fut canonisée ! Peu me chaut en fait. Que le journal Les Échos lui aussi se soit senti obligé de pondre à son tour une rédaction d’élève de troisième sur le thème en première page, avec photo couleur, pour participer à la promotion de Macron, meilleur ami de la femme qui entendait des voix, est suffisamment drôle pour que nous nous estimions dédommagés d’avoir eu à subir toutes ces simagrées.
Mais il me semble qu’à notre époque, nous méritons mieux que la légende dorée. Deux mots pour agacer sur le sujet. Le personnage historique de Jeanne d’Arc prend place au milieu d’une foule d’illuminés de l’époque dans un contexte de désordre politique et militaire total. Le roi fou (Charles VI) a reconnu que l’anglais est roi de France. Son fils Charles VII règne sur une petite Cour à Bourges où un certain nombre de seigneurs français attendent leur heure avec lui, tandis que la plupart des autres collaborent avec enthousiasme avec l’occupant. Cette guerre est d’abord une guerre civile sous l’ancien régime. Jeanne ne réconcilia personne mais au contraire choisi son camp. Cette Jeanne-là arrive après bien d’autres jusqu’à Charles VII qui n’en a cure mais voit bien ce qu’il peut tirer d’une illuminée qui clame venir de Dieu pour faire « sacrer le roi à Reims ». De toutes façons il n’en peut mais…
Quant à elle, c’est son inconscience absolue qui lui fait lancer un assaut victorieux sans aucune préparation. C’est ce qui permit de débander à Orléans, par surprise, un siège à moitié abandonné par l’ennemi. Le même genre de charge absurde lui vaut de se prendre un carreau d’arbalète devant Paris (entre la station de métro la Chapelle et Marx Dormoy, selon la légende) et de perdre platement la bataille contre d’autres Français. Les « voix » avaient oublié de la prévenir sans doute. J’en passe.
Bon républicain, je suis un ami de la dame brûlée par les curés, cela va de soi. Bon républicain je sais que l’envahisseur est toujours infâme, anglais ou allemand selon les saisons de l’Histoire et qu’il ne faut jamais oublier quoi que ce soit même quand on pardonne. Ami des héros, je sais aussi que dans notre pays tous les traitres ont des noms adaptés à leur rôle : Cauchon brûle Jeanne d’Arc, Merda tire sur Robespierre, Vilain tue Jean Jaurès. Aimer Jeanne d’Arc, c’est détester ceux qui ne l’aimaient pas à l’époque. La France du roi français contre le roi anglais. Inutile de souligner le genre de parallèle qu’on pourrait faire plutôt que les mièvreries de ce Macron du dimanche. Mais comme on le sait, son apologie n’alla même pas jusqu’à dire de quoi la malheureuse était morte, ni qui en était responsable.
Un jour où l’autre, j’aurai sans doute à mon tour le devoir de parler en public sur cette Jeanne d’Arc d’heureuse mémoire. Je vous y donne rendez-vous quand ce sera le moment. Je saurai mettre un nom sur l’ennemi si j’avais à parler sur le sujet. Le propos au gros burin de Macron était qu’on finisse par le prendre pour elle, au prix d’allusions spécialement lourdingues. Célébrer Jeanne d’Arc est un exercice sans aucune valeur historique. C’est toujours, et à chaque génération politique un exercice allégorique. Il en va de même cette fois-ci et c’est bien pourquoi le système a adoooooréééé la scène et ses farcesques vocalises. Le moment était celui d’une mise en scène de la volonté « d’union nationale » entre la droite LR (maire de la ville) et le PS dont Macron est la figure du jeune marié. Beau comme une grande coalition du type de l’Allemagne et de tant d’autres pays d’Europe. Beau comme madame Clinton s’accordant avec la famille Bush aux USA pour reléguer sur le bord de l’assiette Donald Trump et Bernie Sanders. Mais ma conviction est que leur tour est passé.