D’autre part, notre congrès est le dernier rendez vous pour fixer notre orientation avant la désignation de notre candidat à l’élection présidentielle. On ne peut donc pas dissocier notre choix d’orientation de cette échéance. Ce serait artificiel. Surtout quand en même temps les annonces de candidature, toute du même côté, se multiplient dans nos rangs. Plusieurs d’entre vous parmi les membres de la direction l’ont admis publiquement. Assumons le. C’est le plus sain. Jusque là, parmi nous, on ne dissociait pas une candidature et une orientation.
Dès lors, pour moi, le référendum, le congrès et l’élection présidentielle c’est une seule et même séquence politique. Elle doit être pensée dans sa cohérence. Au demeurant, le lien s’est imposé de lui-même puisque la ratification définitive de la Constitution européenne interviendra après l’élection présidentielle.
Dès lors, donnons à notre congrès sa dignité. C’est-à-dire : examinons franchement nos divergences. Elles ne sont pas subalternes. A maints égards elles sont fondatrices de démarches clairement distinctes.
Il y a d’abord une divergence sur le diagnostic :
Pour les uns, le résultat du référendum est un handicap. Vous affirmez ainsi que le résultat est celui des peurs accumulées. Vous maintenez que le oui était la bonne réponse. Vous regrettez le texte rejeté. Vous n’avez pas demandé l’interruption du processus de ratification.
Pour les autres, nous, à l’inverse, le résultat du référendum est un atout. Nous voulons prendre appui sur l’énergie qu’il a accumulé : énergie sociale d’un vote de classe, énergie d’un vote massif à gauche, énergie démocratique d’un peuple se saisissant en toute lucidité d’une question institutionnelle complexe, énergie de la jeunesse qui a massivement voté non. Nous voulons être fidèle à ce vote. Nous voulons lui donner son prolongement politique en 2007.
Il y a ensuite divergence sur l’orientation générale.
A cette heure je n’évoque que trois aspects que je crois fondateurs
D’abord, logiquement, nous avons une rude divergence sur la leçon du référendum.
Selon vous il faut dépasser le oui et le non. Entre nous ? Bien sur ! Il faut être aussi unis que possible pour pouvoir passer efficacement aux combats suivants. Si c’est cela que veut dire le dépassement du oui et du non, personne ne le contredira. Mais devant le choix du pays ? Que peut bien vouloir dire « dépasser » le vote des français ? Nous devons dire sans détour et sans barguigner : « Le non est le choix des français, nous l’assumons, il nous fait mandat ». En 2007 au moment de la ratification, le président de la république française, s’il vient de nos rangs respectera le non des français, il le défendra devant nos partenaires de l’union. Il sera fidèle à sa double exigence sociale et démocratique. Il devra donc refuser de ratifier le traité constitutionnel libéral. Il devra proposer l’ouverture d’un nouveau processus Constituant.
Ensuite vient le cadre général de notre orientation. Il y a deux options parmi nous. D’après moi, on le constate en particulier sur une question essentielle qui en éclaire bien d’autres. Celle de la place de l’Etat, et donc au bout du compte de l’action publique.
François Hollande a rappelé à La Rochelle : « L’état ne peut pas tout et j’assume la formule ». Ce n’est pas l’orientation que nous croyons bonne. Nous ne croyons pas que nos sociétés souffrent de trop d’Etat. Nous croyons que l’Etat, la loi, la délibération collective, doivent au contraire pouvoir davantage. Bien davantage. L’option préférentielle des socialistes ce doit être la reconstruction d’un Etat moderne digne de ce nom, un Etat prévoyant, un Etat stratège, un Etat protecteur, un Etat maître des horloges du temps long conformément au meilleur de la tradition entreprenante et sociale de notre République. Le marché n’a pas besoin de nous pour faire agir les forces brutes qu’il contient. Mais l’Etat appauvri, démembré, dénigré, rendu impotent et impuissant par la politique de la droite, mais aussi l’Etat délégitimé par les doutes, les sarcasmes et les croche pieds d’une certaine gauche, l’Etat a besoin de notre engagement politique vigoureux pour retrouver sa place. Le volontarisme, l’optimisme de l’action collective, l’idée qu’on peut changer la donne dans la vie de tous, voila l’essence du socialisme de transformation que nous devons proposer aux français. A présent, le martyr de la Louisiane fait éclater une vérité que plus rien ne peut masquer : le libéralisme communautariste et sécuritaire dont les USA sont le modèle est un système « qui ne marche pas ». L’exigence du développement humain passe ailleurs, de notre côté. Mais c’est impossible de tenir ce rôle dans l’histoire si l’on pense que l’accompagnement social des dégâts du marché est le seul horizon raisonnable du socialisme contemporain !
Enfin nous divergeons tout aussi gravement sur la conduite à tenir pour la prochaine élection présidentielle. Ce point fonde le sens de la démarche que nous avons engagé en faisant le choix d’une motion commune. Une motion commune cela signifie qu’elle regroupe les signataires de plusieurs contributions. Un regroupement libre, préparé tranquillement, au vu et au su de tous, approuvé par nos mandants. Cette motion commune est celle de la stabilité puisqu’elle est sans conflit de candidature. Cette motion commune nous l’avons rédigée ensemble. Personne n’a présenté de texte à prendre ou à laisser. Personne parmi nous n’efface rien de ce qu’il est et continue d’être. Mais nous avons eu la sagesse de penser qu’un congrès du premier parti de gauche, à la veille d’une telle échéance, cela méritait mieux que d’en rester à la vieille alternative croupissante : continuer à se maudire ou commencer se dédire.
Tout cela nous l’avons fait au nom d’une conviction, d’un raisonnement.
Nous croyons qu’on ne peut battre la droite sans que la gauche soit rassemblée. Pour ce rassemblement, le parti socialiste peut et doit être le trait d’union. Le trait d’union cela signifie notamment qu’il renonce à prononcer des exclusives à gauche. Il doit renoncer à prétendre vouloir « guider la gauche » comme l’a déclaré François Hollande. Il doit préférer respecter, dialoguer et, le cas échéant, placer chacun devant ses responsabilités. Il doit être unitaire pour deux et même davantage. Aucune avanie ne doit le faire renoncer à l’action opiniâtre pour le rassemblement. Bien sur, sa politique doit répondre aux attentes populaires. Ce sera l’objet de la préparation de notre programme, le moment venu. Mais ce doit être aussi la règle pour le choix de celui qui doit porter nos couleurs en 2007.
Nous croyons que le candidat socialiste le mieux placé pour être utile à la gauche doit venir des rangs du non au référendum. Non pour prolonger la querelle entre socialistes mais pour la clore avec nos électeurs et avec le reste de la gauche. Tout autre, quelque soit ses mérites et son talent, ferait courir le risque d’accroître l’abstention et la dispersion des voix au premier tour. Et si nous parvenons au deuxième tour, comment penser rassembler la gauche si l’on n’est pas ancré dans le choix fondateur du 29 Mai ?
Au total : notre analyse fonde une cohérence : celle d’un modèle, le socialisme de transformation, celle d’une ligne le rassemblement de la gauche, celle d’une candidature à l’élection présidentielle. La raison d’être de notre motion commune, son ambition, sa proposition aux socialistes c’est cette cohérence. C’est pourquoi nous avons appelé notre texte rassembler a gauche et que notre premier signataire sera Laurent Fabius.