Débat sur le référendum au Sénat : un début de bataille bien engagé !

Il y a déjà trop de jours passés sans que j’ai écrit sur ce blog-note. Je n’ai pourtant pas lézardé. Je ne parle pas des réunions qui se sont accumulées en effet. Sans parvenir percer le mur d’indifférence médiatique et institutionnelle qui a protégé le prétendu « traité simplifié », il faut l’admettre, la rage au cœur. Je parle du temps que j’ai consacré à un travail d’écriture qui a absorbé toute l’énergie de mon stylo et de mon cher clavier. J’ai en effet été invité à présenter un travail d’analyse du discours de Latran prononcé le 20 décembre par le Président de la République. Ce travail va être très prochainement disponible en ligne. Je n’ai pas trouvé d’éditeur à cette heure pour en faire une publication bien distribuée. De toute façon, l’emploi du temps de ces jours-ci est ailleurs. Je suis mobilisé au Sénat par la révision de la Constitution en vue de la ratification du traité européen de Lisbonne. Là, le plus difficile est de lutter contre la résignation. « C’est plié », « c’est perdu », « à quoi bon ». Voilà le fond de l’air. Pour un peu on nous inviterait à jeter l’éponge. Un bon combat ne serait qu’un combat gagné d’avance. Ou raisonnablement gagnable. Il n’en est rien. Avec ce genre de raisonnement aucun combat de gauche n’aurait jamais eu lieu. A l’instant, cet après-midi au Sénat, la droite s’est couverte de ridicule. Pour contrer la bataille que les parlementaires du Comité National pour un Référendum ont engagée avec le dépôt d’une « motion référendaire », il lui aura fallu recourir aux méthodes les plus misérables.

Nous avons donc décidé avec nos collègues communistes et les camarades socialistes et verts partisans du référendum de déposer au sénat une motion référendaire à l’ouverture de la séance sur la révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité européen. La motion référendaire permet, si elle est discutée et votée, de renvoyer directement au référendum le vote d’un texte de loi (ici le projet de révision constitutionnelle). Mais pour pouvoir la discuter, c’est un vrai parcours du combattant. Il faut notamment être au moins 30 sénateurs à la soutenir en étant physiquement présents en séance.
Il fallut donc faire le tour de tous les partisans du référendum pour que personne ne manque à l’appel. De quoi faire une belle démonstration de force puisque nous étions 34 sénateurs de gauche partisans du référendum en séance (20 communistes, 12 socialistes et 2 verts) alors que le total des sénateurs de droite présents ne dépassait pas les 25. La droite n’en revenait pas ! A commencer par le premier ministre Fillon qui n’avait pas vu arriver le coup. De quoi mettre de l’ambiance en ce début de discussion. J’ai réellement cru à ce moment que nous allions y arriver.
Notre demande de motion référendaire aurait donc dû être discutée. Mais, coup de théâtre, le président Poncelet souleva une possible irrecevabilité de notre motion. Il proposa donc de suspendre la séance pour faire examiner ce point par la Commission des Lois du Sénat. Les sénateurs membres de cette commission sont donc sortis de la séance, tandis que les autres ont patienté le temps de cette suspension. La manœuvre a bien failli se retourner contre ses auteurs. Grâce à une nouvelle démonstration de force des partisans du référendum dans la Commission des lois. Les rangs de la droite sénatoriale étant déjà très clairsemés dans l’hémicycle, ils le furent encore plus dans la Commission des lois. Au sein de cette commission, la droite n’arriva en effet à aligner que 7 sénateurs face à 8 partisans du référendum ! Nouveau coup de théâtre donc. Car ainsi composée, la Commission des lois ne pouvait que conclure à la recevabilité de notre motion référendaire. Son président, le sénateur Hyest suait donc à grosse goutte, tandis que les assistants du groupe UMP et les attachés parlementaires du gouvernement faisaient chauffer les téléphones portables pour rameuter quelques sénateurs UMP et tacher de renverser la tendance. Rien n’y fit. Toujours pas le compte. La déroute était en vue à droite. C’est alors qu’il y eut une trouvaille de carabin. Des procurations furent rédigées comme par enchantement, alors que cette réunion de la commission n’était pas prévue et qu’il était donc impossible officiellement pour des sénateurs de faire une procuration pour s’y faire représenter. La droite est donc arrivée à aligner 14 voix en commission des lois (7 sénateurs présents et 7 votes par procuration) face à nos 8 voix favorables au référendum. Résultat, par ces méthodes que j’ai qualifiées de misérable de retour en séance, la Commission des lois a conclu que notre motion référendaire était irrecevable.
Mais le calvaire n’était pas terminé pour la droite. Car de retour en séance, le sénat devait désormais valider par un vote la conclusion de la commission des lois. Avec à nouveau un problème d’effectifs présents en séance. Qu’à cela ne tienne, le président du groupe UMP demanda illico un scrutin public, procédure qui permet au président d’un groupe de voter pour tout son groupe y compris les absents. Pour la deuxième fois, les absents ont donc fait la décision. Alors que la droite sénatoriale était minoritaire en séance, elle a réussi à faire rejeter notre demande de discussion de motion référendaire. Pitoyable caricature. Non seulement la droite veut priver le peuple de parole sur ce traité européen, mais elle veut même empêcher que l’on puisse en débattre au Parlement. Nous l’avons abondamment dénoncé en séance. Nos interventions de protestation avec nos camarades socialistes Charasse et Dreyfus Schmidt ainsi que notre camarade communiste Nicole Borvo ont tapé ferme ! Je publierai le texte de cette première intervention que j’ai prononcée dans ce débat dès qu’il sera retranscrit.
La droite croyait enfin pouvoir dire ouf. Fillon s’apprêtait à prononcer son discours à la gloire du traité européen. Mais nous avons tiré une autre cartouche pour porter avec force l’exigence du référendum. Nous avons utilisé pour cela un autre instrument de procédure qui permet à 30 sénateurs présents en séance de demander la discussion immédiate d’une proposition de loi déposée préalablement. Bien sûr, nous avions justement déposé quelques jours auparavant une proposition de loi (avec 2 communistes, 2 socialistes et 2 verts) proposant de réviser la constitution pour rendre obligatoire un référendum sur toute question sur laquelle le peuple s’est déjà prononcé par référendum. Une manière d’inscrire dans la constitution que seul le peuple peut défaire ce que le peuple a décidé. Cette fois-ci la droite n’avait plus aucun artifice juridique pour bloquer notre demande. Le président du Sénat fut contraint de constater, sous l’œil dépité du premier ministre et de l’UMP, que plus de 30 sénateurs étaient bien là (34 exactement, les mêmes qu’au départ, toujours fidèles au poste) dans l’hémicycle pour soutenir la discussion immédiate de cette proposition de loi. Celle-ci ne sera discutée qu’à la fin de la séance cette nuit. Mais cela nous offre une tribune supplémentaire pour plaider en faveur du référendum.
Nous entrons donc maintenant dans la discussion elle-même sur la révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité européen. La droite sénatoriale est toujours minoritaire, pour encore un petit moment face aux sénateurs de gauche partisans du référendum. Ca n’a pas l’air de gêner M. Fillon qui déroule son discours sur le traité européen sur un air blême, sans même commenter les deux heures d’incidents préalables dans lesquels son parti vient de se ridiculiser. Voilà une bataille bien engagée.

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