Pirouette et causette

Pirouettes et causettes ne font pas une politique à la hauteur des circonstances. Il est consternant de voir le Chef de l’État incapable de s’élever au dessus de ses certitudes idéologiques de libéral buté. Quoi? Encore une diminution d’impôt ! Et donc un appauvrissement supplémentaire de l’État. Entre 1 et 2 milliards pris aux contribuables qui continuent à payer. Et pendant ce temps la seule entreprise Total amasse 14 milliards de profits. Ainsi on ne touchera pas aux profits du CAC 40. Le capital et la rente sont une nouvelle fois exemptés de toute solidarité dans la crise.

Le président ferait bien de comprendre le message que les Antilles lui adressent au nom de tous les Français qui souffrent. Assez de saupoudrage de mesures finalement surtout destinées à détourner l’attention des magots qui continuent à s’amasser. Les Français veulent des revenus dignes. D’abord de meilleures payes. Il est inacceptable que le SMIC ne soit pas augmenté. Ensuite des protections sociales adaptées au temps de crise. Il est intolérable que les minima sociaux ne soient pas durablement réévalués.

Une fois de plus le Président ruse et agite des leurres. Il profite de la crise pour faire avancer encore le modèle de société où les salariés et l’État sont mis à contribution tandis que les actionnaires voient leurs superprofits épargnés et leur égoïsme social encouragé.

Dans cette note, une fois n’est pas coutume, je publie une analyse que je n’ai pas moi-même rédigé. Il s’agit de ce qu’a écrit, séance tenante dans la soirée, le secrétaire national du Parti de Gauche responsable du dossier social, Claude Debons. Comme il met en regard nos critiques et nos propositions, son travail prend une dimension d’autant plus utile. Voici ce que nous voulons prouver : on peut gouverner autrement, en ce moment aussi.

 Le Président de la République s’emparant en personne du dossier social, on aurait pu attendre qu’il prenne la mesure de la gravité de la crise et de ses conséquences et qu’il fasse des propositions à la hauteur des enjeux. Il n’en est rien. Le montant des mesures annoncées pour les ménages modestes, les couches moyennes, les personnes en situation de chômage ou de précarité s’élève à 2,6milliards d’euros. Ce montant est à rapprocher des 8 milliards d’exonération de taxe professionnelle accordées dernièrement au patronat ou aux 15 milliards d’euros du paquet fiscal pour l’essentiel au bénéfice des ménages aisés. Deux poids, deuxmesures. Les annonces comportent beaucoup de mesures ponctuelles qui ne seront touchéesqu’une fois sauf décision de reconduction (suppression de tiers provisionnels, prime pour les familles, prime pour les chômeurs, par exemple) à la différence du paquet fiscal ou de l’allègement de la taxe professionnelle qui se reconduisent automatiquement d’une année sur l’autre.

Il y a un refus obstiné de mesures structurelles répondant à la profondeur de la crise. Rien qui permettrait de commencer à modifier durablement le partage des richesses : hausse du SMIC, des salaires, des pensions, des minima sociaux. Rien de substantiel non plus pour permettre de lutter contre les licenciements, les délocalisations, l’augmentation du chômage. Et pas question de stopper les suppressions d’emplois publics bien au contraire. Depuis le début, la politique de Sarkozy tourne le dos aux réponses nécessaires à l’intérêt général. Le paquet fiscal et le bouclier fiscal redistribuent aux riches desdizaines de milliards qui manquent pour des mesures en faveur de l’emploi. La liquidation des 35 heures, la libéralisation des heures supplémentaires, la perspective de travailler le dimanche et jusqu’à 70 ans, réduisent les possibilités d’embauche. Les suppressions d’emplois dans les services publics — dont l’hôpital public et l’éducation — rétrécissent l’emploi et pénalisent les usagers. La protection sociale (assurance maladie, assurance chômage, retraite…) est réduite ce qui précarise les plus faibles et aggrave les inégalités. Les aides aux banques sans contrôle ni contrepartie ne permettent pas d’orienter le crédit vers les investissements socialement et écologiquement utiles. Enfin son plan de relance annoncé en décembre n’est pas à la hauteur de la gravité de la crise. Ses mesures « sociales » sont de la même eau : insuffisantes et inadaptées.Le Parti de Gauche propose une alternative globale avec son plan de 29 mesures d’urgence face à la crise (voir le document complet sur le site).

 

LES MESURES FACE AU CHÔMAGE

 

Ce qui les caractérise c’est qu’elle ne visent pas à lutter contre l’augmentation du chômage mais à atténuer (un peu) ses effets. Ces mesures soulignent la vacuité de l’accord Unedic (refusé par tout les syndicats sauf la CFDT) qui ne couvre pas les plus précarisés.

– Augmentation de l’indemnisation du chômage partiel (elle passe de 60 à 75 % du salaire brut). C’est un mieux mais encore insuffisant, les salariés n’étant en rien responsables de cette situation. Les organisations syndicales réclament de 80 à 100 %.

– Prime exceptionnelle de 500 euros pour les chômeurs pouvant justifier de 2 à 4 mois de travail. C’est un palliatif de l’accord Unedic qui n’indemnise qu’avec justification de 4 mois de travail. C’est une mesure ponctuelle donc pas une indemnité dans la durée pour les personnes concernées.

– Création pour deux ans (2009-2010) d’un fonds d’investissement social « pour coordonner les efforts en matière d’emploi » et destiné à la formation des chômeurs. Ça ne peut pas faire de mal, mais on est loin d’une véritable sécurité sociale professionnelle.

– Information et consultation du comité d’entreprise des établissements de plus de 50 salariés bénéficiant d’une aide publique. Meilleure association des syndicats aux restructurations. Rien n’est dit sur un réel pouvoir permettant aux syndicats de contester ou de surseoir aux décisions patronales.

 

Les principales réponses du Parti de Gauche :

 

– Droit de veto suspensif pour les représentants des salariés permettant l’examen de la situation de l’entreprise et des alternatives économiques possibles.

– Contrôle administratif permettant d’interdire les licenciements abusifs sans justification économique sérieuse.

– Commissions régionales et départementales de l’emploi et du développement économique (employeurs, syndicats, élus et collectivités territoriales, préfecture), chargées d’examiner les alternatives aux licenciements et aux délocalisations.

– Droit de reprise par les salariés, avec l’aide du secteur public bancaire à constituer, des entreprises qui voudraient délocaliser ou déposer leur bilan, notamment sous des formes coopératives ou d’économie sociale

– Nouveau statut du salarié avec une sécurité sociale professionnelle financée par un fonds patronal mutualisé, garantissant la continuité des droits en cas de perte d’emplois ou de chômage partiel.

– Abrogation des mesures qui ont vidé de sa substance la loi sur les 35 heures et libéralisé le régime des heures supplémentaires. Réduction à 130 heures du contingent annuel d’heures

supplémentaires. Réduction des durées hebdomadaires maximales de travail et, en particulier, réduction de 48 à 44 heures de la durée maximale sur une semaine.

– Arrêt des plans de suppression d’emplois publics et de privatisations ; création d’emplois dans les services publics pour combler les déficits patents (hôpitaux, service public de

l’emploi, éducateurs spécialisés, police de proximité, tribunaux, inspection du travail, éducation, culture, audiovisuel public, etc.).

– Un plan d’investissements publics sur deux ans, animé par le triple souci de relance de la demande et de l’emploi, de satisfaction des besoins sociaux et de réorientation écologique de notre mode de production. Combiné aux autres mesures évoquées par ailleurs, ces investissements devraient amener à 100 milliards d’euros (env. 5% du PIB) le soutien public à l’activité économique.

– Effort massif d’investissements en recherche et développement vers le secteur des énergiesrenouvelables.

 

MESURES FISCALES

 

Ce qui les caractérise, c’est un allégement ponctuel pour une partie des couches moyennes, qui ne concerne pas les 16 millions de foyers fiscaux qui ne paient pas l’impôt sur le revenu et ne peuvent donc pas bénéficier d’une « ristourne » fiscale.

– Suppression provisoire des deux tiers prévisionnels restant à payer en 2009 pour les 4 millions de ménages assujettis à la première tranche d’imposition. Gain moyen par ménage de 200 euros. Un crédit d’impôt étendra la mesure aux 2 millions de foyers fiscaux qui dépassent légèrement la limite de la première tranche.

 

Les principales réponses du Parti de Gauche :

 

– Abrogation du paquet fiscal favorable aux plus fortunés et redistribution des 15 milliards d’euros libérés sous forme d’une prime au profit des 60 % des ménages les moins riches, avec un taux de redistribution d’autant plus élevé que le revenu est faible et les charges de familles

élevées. Cela permettrait de verser en deux fois dans l’année une prime allant de 1500 euros (pour les 10% les plus pauvres) à 500 euros (pour la tranche supérieure de revenu concernée).

– Abrogation du bouclier fiscal, rétablissement de la progressivité de l’impôt sur le revenu permettant de plafonner un revenu maximum. Lutte contre l’évasion et la fraude fiscale.

 

MESURES POUR LE POUVOIR D’ACHAT DE CERTAINES FAMILLES

 

– Prime de 150 euros pour 3 millions de familles qui bénéficient de l’allocation de rentrée scolaire. Là encore il s’agit d’une mesure ponctuelle touchée une fois.

– Mise en place de bons d’achats de service à la personne de 200 euros par foyer pour l’aide à domicile, la garde d’enfants, le soutien scolaire ou le ménage. Parmi les bénéficiaires possibles : les 650 000 ménages bénéficiant de l’allocation personnalisée d’autonomie à domicile, les 470 000 bénéficiaires du complément mode de garde d’enfants gagnant moins de 43 000 euros par an, les 140 000 foyers

ayant un enfant handicapé, les demandeurs d’emplois retrouvant du travail et ayant des problèmes temporaires de garde d’enfants.

 

Les principales réponses du Parti de Gauche :

 

– Augmentation du SMIC — pour atteindre 1500 euros net — de 10% au 1er mars 2009, 10% au 1er juillet 2009 et 10% au 1er juillet 2010, avec un fonds de compensation temporaire pour les PME qui maintiennent l’emploi.

– Augmentation du minimum de pension de retraite et des minima sociaux de 300 euros – Augmentation des bourses d’études et mise en place d’une allocation d’autonomie pour les jeunes.

– Conditionnement de toutes les aides publiques aux entreprises (y compris exonérations de cotisations sociales) à la conclusion d’un accord comprenant une revalorisation des salaires signé par une majorité syndicale.

– Indexation des salaires, pensions, et minima sociaux sur les prix pour assurer le maintien du pouvoir d’achat.

– Injonction immédiate aux entreprises d’appliquer strictement le principe d’égalité de salaires hommes/femmes sous peine de sanction aggravée.

– Abrogation des lois de régression sociale prises par la droite contre les retraites, l’assurance maladie et les droits des chômeurs. Financement accru pour améliorer la protection sociale (assurance maladie, retraite, chômage) par une taxation de la spéculation et des profits financiers non réinvestis. Suppression des franchises médicales, rétablissement des conditions du droit à la retraite à 60 ans à taux plein, amélioration de la couverture chômage et revalorisation des indemnités en attendant la mise en place de la sécurité sociale professionnelle.

– Droit à un logement pour tous, par des mesures d’urgences : recours aux logements vacants, suppression du dépôt de garantie pour les locataires et garantie du maintien dans les lieux, moratoire sur les prêts-relais. Blocage des loyers pour deux ans. Baisse des loyers de 10% dans les zones ayant enregistrées les plus fortes hausses depuis cinq ans.

– Droit d’accès à l’eau, à l’électricité et au gaz, gratuit sur une première tranche de consommation pour les ménages à faible revenu.

 

DIVERSES AUTRES MESURES

 

– Les patrons des entreprises qui licencient ou recourent au chômage partiel devront renoncer à leurs bonus. En l’absence de texte législatif, « l’invitation » risque de faire long feu.

– Les banques invitées à moduler les échéances de remboursement des prêts immobiliers pour les salariés en chômage partiel.

– Les syndicats vont être conviés à de multiples négociations, manière de gagner du temps face au mécontentement social.

 

Les principales réponses du Parti de Gauche :

 

– Mise en place d’une rémunération maximum pour limiter les écarts de rémunération dans les entreprises, plafonnement des dividendes des actionnaires et suppression des « bonus » des dirigeants d’entreprises. Suppression des stock-options, sauf pour les petites et moyennes entreprises nouvellement créées et durant les 5 premières années.

– Maîtrise publique du système bancaire pour contrer la spéculation ; pour une politique du crédit au service de l’emploi, du logement social, des services publics, des projets écologiques ; pour un développement régional ; pour un véritable service public bancaire.

 

BLA – BLA – BLA

 

Sarkozy s’est livré à son habituel baratin sur la valeur travail en oubliant que sa reconnaissance passe d’abord par le salaire. De même sur le partage de la valeur ajoutée et la part qui doit revenir aux salariés, il veut missionner un expert et inviter syndicats et patronat à négocier. Les chiffres sont pourtant connus : de 1983 à 2008, la part des travailleurs a été réduite de 71 % à 62 % de la valeur ajoutée créée par les entreprises ; soit plus de 170 milliards d’euros par an transférés des salaires aux profits. Cela représente en moyenne plus de 6500 euros par an (550 euros par mois) perdus par chaque travailleur. Et le levier essentiel d’un nouveau partage de la valeur ajoutée, c’est l’augmentation des salaires dont il ne veut pas entendre parler.

Que restera-t-il alors du discours sur le partage des profits ? Même rengaine habituelle sur la nécessité de « moraliser le capitalisme » et de veiller à la « justice sociale ». Sarkozy ne manque vraiment pas d’air.

 

LES CONTRE-REFORMES DOIVENT CONTINUER

 

Sarkozy prend prétexte de la crise pour poursuivre ses contre-réformes. Son idée est résumée dans l’affirmation « Nous sortirons de la crise en modernisant la France » pas « en embauchant davantage de fonctionnaires ou en rétablissant l’autorisation administrative de licenciement », ni en « augmentant massivement le SMIC ». Il veut donc continuer ses contre-réformes (université, recherche, État, formation professionnelle, retraites complémentaires, etc). Plus que jamais, la résistance sociale appellera une alternative politique.

Le 18 février 2009 – 23h30.

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