A Tarbes mercredi nous étions cinq cents et à Perpignan jeudi nous étions plus de sept cents. A Agen vendredi où l’on nous prédisait une ambiance confidentielle, la salle était comble avec plus de quatre cents personnes entassées dans une chaleur suffocante! Pour le Front de gauche donc carton plein sans discontinuer depuis quatre mois. Mais à côté de cela, il semble que les commentaires sur les élections européennes concentrent leurs feux de façon très exagérée sur les rivalités égotiques internes du PS. Jamais les analyses ne vont à la racine politique des difficultés et débats politiques qui en constituent pourtant la matrice. J’y viens donc avec une nouvelle étonnante concernant la reconduite de José Manuel Barroso par les socialistes allemands. De même je note que les difficultés de la droite UMP, le rétrécissement spectaculaire de sa base électorale à moins du quart des électeurs est tout juste survolé par les analystes. Pourtant cette suspension du pouvoir au dessus du vide de l’abstention, combinée à une mise en minorité de fait devant le total des intentions de vote à gauche, est la prémice de cette crise politique qui est à l’ordre du jour. Du reste, la campagne électorale de l’UMP, loin d’être une promenade de santé est plutôt un ratage et une démonstration d’inefficacité qui est vraiment nouvelle à l’UMP depuis que Nicolas Sarkozy l’a formatée. C’est pourquoi la dernière crise d’agitation sécuritaire du gouvernement doit être mise en perspective dans son contexte.
NAÏFS !
On ne nous croyait pas vraiment. Quand bien même les éléments de preuves s’accumulaient le doute subsistait. Le PS l’a nié pendant des semaines. Peut-être va-t-il continuer. Pourtant les faits sont là. Après avoir reçu le soutien des principaux gouvernements sociaux-démocrates (portugais, espagnol et britannique), le président de la Commission européenne José Manuel Barroso, bénéficie désormais du soutien de fait du plus grand parti social-démocrate d’Europe, le SPD allemand. Par la bouche de son président Franz Müntefering qui s’exprimait lors d’une conférence de presse à la Foreign Press Association à Berlin mercredi 27 mai. Pour que les sceptiques se fassent leur opinion sur pièce, je reproduis ici la dépêche publiée à ce sujet par la très sérieuse agence Reuters:
Reuters économique. Mercredi 27 mai 2009 – 17:31:40 GMT – par Erik Kirschbaum
UE –Le SPD allemand juge inutile d’opposer un candidat à Barroso
BERLIN, 27 mai (Reuters) – Le chef du parti social-démocrate allemand a estimé mercredi qu’il ne serait guère utile pour le bloc socialiste au parlement européen de proposer un candidat à la tête de la Commission européenne. Selon le président du SPD, Franz Müntefering, la réélection à ce poste et pour un deuxième mandat de cinq ans du conservateur José Manuel Barroso ne fait en effet aucun doute. Müntefering a déclaré à des journalistes que Barroso s’était montré compétent à la tête de l’exécutif européen et rappelé qu’il disposait du soutien de plusieurs gouvernements socialistes européens, au Portugal, son pays, mais aussi en Espagne. Interrogé sur l’éventualité que le Parti socialiste européen présente un candidat face à Barroso, le chef du SPD a répondu: "Quel en serait l’intérêt?" "Une telle action serait naïve. Il y a 27 pays dans l’Union européenne dont 21 sont dirigés par des gouvernements conservateurs. Et au moins deux autres, le Portugal et l’Espagne, sont pour Barroso. Croyez-vous que les quatre restants devraient présenter un candidat ? "Müntefering a ajouté que son parti espérait une place au sein de la prochaine commission pour l’Allemand Martin Schulz, actuel président du groupe socialiste au parlement européen. Le SPD et l’Union chrétienne-démocrate allemande (CDU), qui se partagent le pouvoir à Berlin dans un gouvernement de coalition, peinent à s’entendre sur le prochain membre allemand de la Commission. L’actuel, Günther Verheugen, appartient au SPD. Il détient le portefeuille de l’Industrie. "Jusqu’ici nous avons eu une coopération étroite (avec Barroso) et je ne vois pas qui pourrait l’arrêter s’il est à nouveau présenté par les conservateurs", a déclaré Müntefering. Barroso, qui ne s’est pas officiellement déclaré candidat, avait cependant lui-même indiqué bénéficier du soutien du Portugal et de l’Espagne, ainsi que du gouvernement travailliste britannique. Le PS français fait quant à lui campagne contre la réélection de Barroso à la tête de l’exécutif européen.» (Version française Gregory Schwartz)
LE PLAT DE LENTILLE
Vous avez bien lu. Non seulement il n’y aura pas de candidature alternative du PSE face à Barroso mais la «coopération étroite» des sociaux-démocrates avec la droite va continuer pour gérer la Commission. Se référant à d’autres sources, le journaliste Jean Quatremer, le correspondant à Bruxelles de «Libération», toujours très ami intime des sociaux démocrates, donne une clef pour comprendre cette évolution du SPD. Sur son blog il révèle que le soutien du SPD à Barroso, et donc la neutralisation de toute velléité de candidature alternative du PSE, serait acquis en échange d’un poste de commissaire pour Martin Schulz. Tel quel. Martin Schultz est l’actuel président du groupe socialiste au parlement européen. C’est lui qui dénonçait à Toulouse, au meeting des socialistes français ceux qui comme Bayrou «parlent comme Karl Marx en France» et votent avec les libéraux en Europe. Voilà le genre de politicien sans conviction qu’est ce «socialiste» qui rêve d’être membre de la prochaine ‘équipe Barroso! Voilà à quoi sont appelés à donner leur appui les électeurs socialistes à qui l’on a chanté depuis le début de la campagne les merveilles du «stop Barroso» des socialistes français et de leur «Manifesto», programme commun des socialistes des 27 pays de l’Union! Évidemment je ne peux manquer de rappeler ici la brillante trouvaille de Pierre Moscovici, qui s’était aventuré le 22 mai sur Radio Orient à proclamé que «le PSE a voté contre M.Barroso et toujours voté contre M.Barroso». Mensonge pour le passé et donc dorénavant mensonge pour le futur immédiat! Et bien sûr le moment est venu de lui retourner, preuve en main à présent, le compliment qu’il m’avait adressé en déclarant: «toute voix qui se porte sur le NPA d’Olivier Besancenot ou sur Mélenchon est une voix en moins pour le parti socialiste et donc une voix en plus pour Barroso». Avec ce nouveau renoncement des sociaux-démocrates on mesure pour finir qu’il n’y a pas d’autre moyen pour changer l’Europe que de changer la gauche.
La droite en campagne sécuritaire
C’est donc dorénavant un classique banal. A cours d’arguments sur l’Europe, la droite axe sa campagne sur le terrain sécuritaire. L’ampleur de la débauche d’énergie sur le sujet donne la mesure de l’effort que le parti du Président sent qu’il est obligé de faire pour essayer de remobiliser son électorat. Le parti de la trouille pétarade donc du matin au soir avec une avalanche d’annonces à grand spectacle. Tout le gouvernement et la majorité parlementaire sont mobilisés pour faire vibrer la corde sécuritaire. Christian Estrosi a présenté sa loi contre les porteurs de cagoules et les bandes. Suivi de près par Alliot-Marie qui présente la loi dite LOPPSI 2 (loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure). Avec au menu, un nouveau développement de la télésurveillance, qui sera facilitée pour les opérateurs privés. Sans oublier l’annonce anxiogène de nouveaux outils de surveillance policière sur internet avec la transposition sur la toile du système des écoutes téléphoniques. Bien sur il y a aussi un nouveau renforcement des fichiers de sécurité avec de nouvelles possibilités de croisement entre fichiers au détriment des libertés. Enfin, Darcos et Sarkozy viennent eux-mêmes d’en rajouter une louche sur la sécurité à l’école et dans les cités. Nicolas Sarkozy a donc pu renouer pour l’occasion avec sa rhétorique contre les «voyous» déjà expérimentée en 2007. Il aura régalé les scrogneu-gneux de son vocabulaire guerrier contre les banlieues. C’est reparti pour les annonces d’«opérations coups de poings dans les cités» et la mobilisation de «nouvelles unités mobiles» en banlieue, CRS, gardes mobiles et ainsi de suite. Bien sur l’inadéquation de tout cela en banlieue est mille fois avérée. Mais c’est du grand spectacle en perspective pour les chaînes de télévision. Car le but de ces annonces est purement médiatique et idéologique. Personne au gouvernement ne se préoccupe de savoir comment les lois vont effectivement être appliquées ni même si les précédentes le sont déjà. D’ailleurs avec la nouvelle salve décrite plus haut, on en sera à la 14ème loi sécuritaire présentée par la droite depuis 2002 et la 10ème depuis 5 ans, ce qui fait une moyenne d’un texte tous les 6 mois!
Rien de tel pour détourner, à l’ancienne, les esprits du terrain social, alors que le pays compte 650 000 chômeurs de plus. Dans ce contexte, la lumière est volontiers mise sur certains voyous plutôt que sur d’autres. Sarkozy est par exemple allé jusqu’à annoncer que des contrôleurs fiscaux seraient spécialement «affectés dans chacun des 25 quartiers les plus sensibles», afin dit-il d’y «détecter les signes extérieurs de richesse indue». Un enfumage répugnant pour faire croire que le problème de la banlieue est la richesse indue de quelques trafiquants et pas la misère de masse de ses habitants. Le dégoût est à son comble quand on sait qu’au même moment, Eric Woerth le ministre du budget, met en place de nouvelles procédures très complaisantes pour les grands évadés fiscaux. Ceux-ci pourront en effet se déclarer au fisc de manière anonyme pour évaluer ce que leur coûterait le retour dans la légalité. Libre ensuite à eux de se démasquer ou de continuer à frauder sans que le fisc ne puisse les poursuivre! Les petits voyous des cités auront donc des contrôleurs fiscaux spécialement dépêchés jusque dans leurs cages d’escaliers tandis que les grands voyous des paradis fiscaux pourront continuer à frauder librement en étant même conseillés par le fisc! Si ce n’était si triste sur le fond on en rirait!
LA REVANCHE SOCIALE CONTINUE
Toute cette mise en scène permet aussi à la droite une heureuse mise en condition pour redoubler les coups en matière sociale. Sarkozy n’a-t-il pas d’ailleurs prévenu qu’il entendait «profiter de la crise pour accélérer les réformes structurelles». On sait quelle logique d’affrontement social se déduit de ce point de départ! Depuis une dizaine de jours, on a un avant goût de ce qui est promis aux salariés après les élections européennes. Une nouvelle proposition de loi sur le travail le dimanche a été déposée cette fois-ci pour être votée cet été. Dans le débat sur la loi hôpital, après 3 semaines de débats acharnés au Sénat, le gouvernement ne lâche rien. Il a par exemple refusé tout encadrement des dépassements d’honoraires dans les cliniques comme le proposait le sénateur François Autain au nom du groupe Communiste et du Parti de Gauche. Il ya là dedans quelque chose qui est aussi de la provocation pour faire baisser la tête. Une volonté de montrer qu’il n’y a pas de limite, que la compétition entre responsables de droite est dorénavant au plus violent social. On ne peut comprendre autrement une aberration comme celle proposée par Frédérique Lefèvre lorsqu’il a cru bon de proposer à l’Assemblée nationale que désormais les salariés puissent travailler à distance pendant leurs congés de maladie.
AMBIANCE
Dans ce contexte on comprend bien que le sens de l’élection européenne du 7 juin s’élargit. Il implique en réalité toute la sphère politique. Il va dire davantage qu’un choix entre des listes. Il va indiquer ce que sont en réalité les paramètres fondamentaux autour desquels se construit l’univers mental des Français face à la crise. Les apprentis sorciers qui ont joué l’abstention et la désintégration des repères politiques vont bientôt toucher du doigt le risque qu’ils prennent en réalité. La situation pourrait bien pour finir leur échapper complètement.