Décalage horaire et politique

Je suis de retour. Avec sept heures de décalage horaire dans les veines. Car j’étais au Mexique pour le Forum des partis de l’autre gauche en Amérique latine. Quatorze d’entre eux sont au pouvoir. Le débat a porté sur les problèmes de la confrontation avec les Etats Unis et les marges de manœuvre des gouvernements de gauche face à la crise. Au retour je trouve juste de la bouillie pour les chats. Un débat crapoteux sur les alliances avec le centre et des logorrhées nauséeuses sur les primaires. Contenu égal à zéro. La réalité a disparu du paysage de cette gauche là. Le contraste est à vomir. J’en ai droit à une dose spéciale. En effet, j’arrive juste à temps pour recevoir une bonne giclée des poisons et vieilles dentelles du sérail socialiste et de son festival de la Rochelle. Il est question de savoir si oui ou non j’ai reçu leur invitation et pourquoi je n’y ai pas encore répondu. Bien sûr je n’ai rien reçu et ils le savent parfaitement. Bien sûr ils n’en avaient rien à faire puisqu’ils avaient déjà publié leur programme avec la liste des invités. Il s’agit juste pour quelques petits malins parmi les snipers du grand état major de me coller une image de grognon qui ne veut pas discuter avec les gentils socialistes. Comme ça on ne parlera pas des raisons que j’ai de refuser le cadre politique proposé, la fameuse «Maison Commune» sans le NPA ! Bref traquenard ordinaire. En réalité très politique. Ils ont monté cette clownerie avec moi pour des raisons politiques. Rude retour. Rien ne fait davantage contraste pour moi que ces palinodies vénéneuses avec l’été militant des militants du Parti de Gauche qui du Chili au Mexique en passant par Aix en Provence, la Gironde et Notre Dame des Landes ont tenu le fil rouge de notre engagement combattant. Les liens hypertextes que je souligne permettent à mes lecteurs de connaître tout ça de près. J’insiste pour que vous regardiez ce que dit et décrit Corinne Morel Darleux de la participation des quarante militants du Parti de Gauche qu’elle a coordonné aux assises de l’écologie radicale. Et je veux spécialement souligner l’importance de la série des posts d’Alexis Corbières engagé, avec Raquel Garrido, secrétaire nationale du PG,  pendant ses vacances dans la campagne présidentielle au Chili. J’ai le pressentiment que ce Chili là contient, comme d’habitude, bien des choses dont nous avons la pareille en France. Je vais parler de ça et du reste.

Petite foulée et Bayrou

Je vais donc reprendre l’écriture sur ce blog en petite foulée. En fait je ne peux pas trop en écrire ces jours ci car je suis engagé auprès de plusieurs médias. Presse écrite et audiovisuelle. Evidemment on ramassera tout ça ensuite dans un document unique. Et, de toute façon, dimanche, je fais le discours de clôture du «remue méninge» du Parti de Gauche à Clermont Ferrand. J’aurai donc l’occasion de m’exprimer en détails sur les questions qui ont l’air de passionner la scène politique en dépit de leur évidente caractéristique de rideau de fumée. La crise? Le chômage? La politique américaine? Quoi? Quoi? Après! On verra. Ce qui compte c'est l’alliance au centre et les primaires! La peste et le choléra! Je n’en dis pas plus pour la raison que je viens d’évoquer. Je vais cependant relever un point à propos de cette histoire d’alliance au centre. Je crois que ces socialistes sont ou très naïfs ou carrément sournois. Tout leur raisonnement est que François Bayrou va venir sur leur position. Et qu’ils vont l’instrumentaliser à leurs conditions. Ils ont des phrases d’une arrogance incroyable à ce sujet. Le refrain est: fixons notre projet d’abord et si Bayrou l’accepte alors il n’y aurait aucun problème. Je pense qu’ils ne mesurent pas la vision dominatrice que cette phrase exprime. Car après tout c’est bien une alliance qu’ils veulent? Donc, pour être allié avec le PS, il faut se rallier à son projet? On peut légitimement se demander pourquoi François Bayrou qui s’est donné tout ce mal pour s’autonomiser politiquement de l’UMP l’aurait fait juste pour venir ensuite porter les sacoches du PS? Mais dans l’immédiat la mise en mot des socialistes a, selon eux, l’avantage de faire passer pour des sectaires tous ceux qui la refuse. De ce point de vue c’est ce que l’on peut appeler une tentative d’accoutumance. Une addiction progressive de l’esprit de gauche. Je crois que le plus absurde dans ce domaine aura été ce pauvre Benoît Hamon. Il déclare au «Parisien» ne pas accepter d’alliance avec le MODEM «tant qu’il garde son orientation actuelle», mais «s’il fait des choix de fond qui l’amène à se reconnaître dans notre famille politique, la gauche, il n’y aura pas de difficulté». Je suppose que l’intéressé pense avoir trouvé la ruse du siècle pour dire non. Je lui fais crédit de sa bonne foi. Je veux croire qu’il n’a pas l’intention de céder. Pour autant il est quand même tombé dans le panneau. Car il laisse penser que le Modem après tout serait susceptible d’être «de la famille». Aucun d’entre eux n’a l’air de douter que cela soit possible. Pourquoi? Il y a une raison. C’est qu’ils ne parlent de rien, d’aucun contenu, d’aucune proposition qui pourrait éventuellement indisposer le Modem. Et si par hasard ils en font une c’est toujours sur le terrain du Modem. Cette façon de faire signe un processus général d’effondrement opportuniste. Les dirigeants socialistes accepteront par anticipation n’importe quoi. Ils n’ont pas compris que de ce fait même il suffit à Bayrou de ne rien faire et d’attendre que pour finir le dispositif lui tombe tout cuit dans l’assiette. Quand on en est comme à Marseille à faire une standing ovation à Marielle De Sarnez après qu’elle ait débité l’ordinaire classique de la vulgate oppositionnelle de François Bayrou, alors on voit bien ce qui suivrait si lui-même en faisait autant. J’ajoute que si les socialistes devaient voter dans une primaire entre Bayrou et Royal, ou entre Strauss Kahn et Bayrou, il y aurait sans doute des surprises. C’est ce qui s’est passé en Italie. C’est comme ça que le petit oiseau centriste Romano Prodi est sorti en tête du vote de la primaire. Et que, le coup suivant, après l’effondrement dans le ridicule de ce gouvernement de cent membres, quand ce fut le tour de l’ancien communiste Veltroni de devenir l’homme fort, lui-même déclara ne pas être de gauche! Au Chili, cette fois-ci le vainqueur de la primaire «à gauche» est le démocrate chrétien Frei. C’est lui le candidat à la présidentielle pour le PS. Salvador Allende doit être heureux de savoir que son parti vote pour un parti qui a approuvé le coup d’état de ses assassins. La honte!

LA GAUCHE EXISTE

Au Mexique, du 20 au 24 aout, j’étais observateur de la dix neuvième session du Forum de San Paolo qui réuni quarante huit partis de gauche d’Amérique latine. Il y a donc vingt ans, quand se tint le premier forum, à l’initiative du PT du Brésil, le parti de Lula, les partis membres étaient aussi étranges dans le paysage de leur pays que l’est notre Parti de Gauche aujourd’hui. Le mur de Berlin venait de tomber, l’empire triomphait, le capitalisme luisait comme une outre trop pleine, les sociaux libéraux s’emparaient des commandes à gauche. Le Foro de San Paolo? Qu’est ce que c’est? Un truc gauchiste, comme disent les importants à Paris? Par exemple, Lula lui-même, co-fondateur du Foro en 1990, n’était pas fréquentable par le PS français, suspect qu’il était d’être un trotskiste mal caché. On mesure l’humour de situation. A présent un grand nombre des partis du Forum sont au pouvoir. Les sociaux démocrates les regardent pourtant toujours de haut. Ils participent avec enthousiasme aux campagnes de dénigrement et aux coups d’Etat contre eux que fomentent les brutes du Pentagone étatsunien et leurs gorilles locaux. C’est dire de quel mépris ils jouissent autour de la table du forum cette année, à l’heure de l’angoisse que crée le coup d’état au Honduras. Chacun peut mesurer à ce propos l’indignation à géométrie variable des habituelles grandes consciences de la bulle «Tibet-Géorgie etc.». Je n’y reviens pas. Cela me blinde. Je sais dorénavant que sans exception ces gens là sont des comédiens. A gage pour beaucoup d’entre eux. Au forum le sujet c’était les marges de manœuvre des gouvernements de gauche dans la crise. Mais surtout l’identification d’une contre offensive des USA contre la déferlante des révolutions démocratiques. L’installation de sept bases militaires nord américaines, oui, sept, en Colombie fait frissonner tout le monde. On devine que ceux là ne sont pas là «pour la paix et tutti quanti». D’autant que les conseillers militaires israéliens du gouvernement Colombien ont dénoncé la présence d’Al Quaïda et du Hezbollah à la frontière de la Colombie. Ce que cette grossière provocation signifie est compris de tous ici comme l’a déclaré la présidente de l’union des maires du Salvador qui en informait le forum. Donc tout le monde se sent menacé. La réaction hostile est générale. Ici on ne fait pas dans l’angélisme européen. Pire. Beaucoup voient dans l’impuissance d’Obama à faire passer le retour du président destitué par la force au Honduras, dans l’incroyable violence de la campagne contre lui aux Etats-Unis à propos de la sécurité sociale d’inquiétants signaux de la puissance des services et des militaires buschistes dans l’administration américaine. C’est une mauvaise nouvelle pour tout le monde surtout pour les Etats les plus faibles. J’y reviendrai bientôt car ce fut le cœur de mes «rencontres bilatérales» avec les partis présents au Foro, ce grand exercice et utilité de ces sortes de réunions. 

L’INVITATION DU PS

Claude Bartolone m’a appelé à Mexico. Mais oui ! Samedi. Pour s’étonner que je n’aie pas répondu à l’invitation qui m’avait été faite de participer à l’université de la Rochelle. Comme si de rien n’était. Quel ami attentif ! La vérité est qu’il avait été alerté par François Lamy du fait que je n’avais rien reçu. Et Lamy venait de le découvrir au hasard d’une congratulation, celle là traditionnelle et authentiquement amicale entre nous, à propos de mon anniversaire. Mais oui. A quoi ça tient! En fait aucune invitation ne m’a jamais été envoyée. Et voici pourquoi. Ces gens nous méprisent. Ils n’ont aucune envie de nous voir gâcher leurs mondanités avec nos interpellations de rustres de gauche. Leur morgue est intacte. Proportionnelle à leur désarroi. Comme ces nobles russes blancs qui faisaient les taxis en gardant leurs grands airs, les caciques solfériniens se la jouent entre deux scènes de ménage. Quelques uns de ces messieurs dames les importants ne veulent donc voir à leur table que des commensaux. Qui a envie d’être Robert Huisé, Chevènementisé, Baylétisé? Pas nous. Nous ne monterons pas dans la soute à bagages. Mais je conviens encore que tout cela ne serait rien si ce n’était que cela. Si l’offre des socialistes était honnête, tout le monde devrait bien manger son chapeau, monter sur la galère et ramer en cadence. Mais ce n’est pas le cas. L’invitation faite est présentée sous l’angle engageant du rassemblement de la gauche. Bien sûr on est prié d’oublier que la plupart de ces bons amis du Week end sont prêts à combiner avec le Modem. Mais là encore s’il n’était question que d’intentions, on devrait bien mettre de l’eau dans son vin tant que le maquignonnage n’aura pas été conclu. Alors ? Où est le problème? Le cadre, bien sûr ! La liste des invités. Tout le monde y serait, même au rabais comme pour nous, tout le monde, sauf le NPA. Au détour d’une mondanité politique renoncer à l’union de toutes les gauches sans exclusive? Jamais! Les yeux doux au Modem et le contrôle d’identité permanent pour le NPA? Pas question. Je n’irai pas cautionner ça. Vous avez bien compris? Pas parce qu’ils nous ont traité comme de la petite monnaie. On ne changera pas leurs mauvaises habitudes dans ce domaine. Nous n’irons pas parce que nous ne cautionnerons jamais leur ligne d’exclusive qui est l’antichambre de leur objectif d’alliance au centre. Pour autant est-ce que nous refusons tout dialogue, tout échange, tout débat public? Non, bien sûr. Au contraire. Donc, il y aura rencontre, rassurez -vous si vous étiez inquiet. Pour nous, pour moi, le vrai rendez vous de la gauche aura lieu sous peu. A la fête de l’Humanité. La rédaction du journal a invité toute la gauche pour un débat public. L’invitation est partie à Olivier Besancenot, Martine Aubry et Marie-George Buffet. Notamment. J’y donne donc rendez vous aux commentateurs autant qu’aux militants. C’est là que ça se passe. Pas à la Rochelle, paradis des coups tordus.

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