C eci est une note en zig et zag, un peu frivole, assez angoissée. Le doux désordre de Noël! J’ai déjà commencé à taquiner les chocolats. Le néant angoissant du sommet de Copenhague, mes camarades en galère dans leurs entreprises où on les maltraite, bref, le volcan sur lequel s’agite le monde, je laisse tout de côté quelques jours. Et pour le reste, sur ce que j’aurais à dire, mieux vaut se taire, si riches que soient les enseignements que j’en tire au fil des heures. Pour l’instant il faut que tout aille à son terme avant que de conclure. Ainsi du silence radio des Verts qui refusent de répondre au téléphone pour proposer une date de rencontre, ou des déprimantes discussions en cours avec le Parti Communiste pour la constitution des listes aux régionales. Mais d’abord une nouvelle glorieuse.
BLOG D’OR
Ce blog finit l’année en fanfare. Il a reçu la plus haute récompense la moins connue : le Nicolas d’or. Attribué par un large panel de blogueurs particulièrement brillant (la preuve !) il me signale à l’intérêt de tout l’univers de la toile en tant que doré. Je n’en suis pas peu fier ! Je me demande quelle forme prendra la distinction : diplôme calligraphié, chèque avantageux, trophée symbolique ? Va savoir. J’ai acheté une épée-stylo à tout hasard et j’ai commandé au Père Noël une tenue d’académicien pour faire face à toutes les situations que ce prix pourrait me valoir.
Humeur du temps
Je reviens d’une sorte de désert. En France. Là où les téléphones portables ne se connectent que par grand vent. Oubliée la clef trois G ! Elle clignote parfois misérablement, comme un clin d’œil d’endormie. A cent bornes de Paris !!! C’étaient mes trois jours de pause silence. Avec quelques entractes à la faveur des vents portants. Ou bien de majestueuses séances avec le téléphone fixe. J’en avais oublié tous les rituels. Le combiné qu’on soulève, la tonalité, la numérotation sur les gros boutons chiffrés et ainsi de suite. Je le raconte à un correspondant du Jura : il hurle de rire. C’est son quotidien ! Il relève sa messagerie au fond du jardin a l’angle entre un piquet et une dalle. Il me demande quelle sorte de martien je suis ! Bon ! Peu importe. J’ai eu ma dose quotidienne d’adrénaline politique, au grand dam de mes proches. Ce petit « juste ce qu’il faut » de contacts avec mes compères pour suivre l’évolution des discussions sur les listes aux régionales et autres préoccupations du même acabit m’a coupé le sommeil du juste sur lequel je comptais. Autour de moi, la nature semble s’enfoncer dans une nuit sans fin. Arbres lugubres, flaques gelées, mousses agonisantes. Des oiseaux vont et viennent mais je ne les envie pas car je les trouve soucieux. Morose, je me suis cependant réconforté en voyant des lilas bourgeonner. En fait, bien des plantes entament tout doucement le nouveau cycle. On sort de la période du soleil mourant. D’ailleurs le solstice est passé. Dorénavant chaque journée, le jour l’emportera davantage sur la nuit. Je voudrai que le phénomène s’applique à nous. Pauvres perdus que nous sommes. Je dis cela parce que je n’arrive pas à oublier Copenhague. C’est tellement plus grave que le G20 et les autres mondanités mondiales sans effet ! Comment sortir de ce cycle là, celui de l’égoïsme triomphant des puissants, sourds et aveugles à tout ce qui n’est pas leur intérêt immédiat ? Comment se dégager de la « gouvernance », comme ils disent, qui s’est montré si pitoyable dans cette circonstance jusque dans le déroulement matériel de cette palinodie. Je sens que je vais y revenir. A ma campagne les mares sont à sec. la nappe sous terraine est au point bas en plein hiver. Pour la première fois depuis dix ans.
BAGAGE
Je reviens à mon séjour à la campagne. Je dois avouer que coup mon gros sac à bandoulière, une sorte de bureau transportable, n’a guère été ouvert. Mes livres du moment et quelques notes de toutes sortes sont restées sagement assoupies. Et je ne dis rien de l’ordinateur dans sa jolie sacoche noire et blanche. Je m’émerveille toujours de transporter dans un petit portable d’à peine un kilo ces milliers de feuilles que je trainais autrefois avec moi à l’époque où on faisait des couper-coller au ciseau et au bâton de colle Uhu ! J’ai tout juste survolé ma note en préparation sur l’état de l’autre gauche. Ce sera prêt à temps quand même. Il le faut. Ce que je viens de vivre tout au long du cycle des discussions avec le NPA et le Parti Communiste m’a profondément marqué. Quoiqu’il arrive, d’importantes corrections de trajectoires seront à l’ordre du jour pour tirer une leçon positive, je veux dire créatrice, de ce qui s’est passé. Aujourd’hui le trouble est partout. Au PC, au NPA, au PS, des «militants de toute une vie» se repositionnent, font des choix déchirants. Dans tous les sens. Je ne parle pas des déchirements auquel la sélection des candidats donne toujours lieu. Je parle du fond politique. Le déroulement de l’élection va accentuer ces processus. Je me dis qu’il faut ouvrir une issue, ne pas laisser se perdre les énergies disponibles pour l’action. Par conséquent il faut être à la fois stables dans nos objectifs et innovants dans nos méthodes et mouvements. En face de nous, notre adversaire est déterminé, organisé, méthodique. Je suis frappé de constater que les querelles des sommets de la droite n’empêchent rien pour ce qui est de l’offensive de la droite sociale et des manager de tous poils dans nombre d’entreprises ou se mènent une cruelle guerre sociale contre les «fortes têtes». Dans cette ambiance, pour nous, il faut, plus que tout, avancer dans la confiance des citoyens. Le reste nous sera donné par surcroit.
GUERILLA
Avant mon départ en long week end, vendredi dernier, j’étais dans un dépôt EDF avec Besancenot en solidarité avec des syndicalistes en grève de la faim pour résister à des mesures de licenciements. Il parait que la direction n’a pas apprécié. Je le comprends. C’était fait pour. Nous y sommes allés parce que notre présence fait changer le sujet de rubrique dans les médias. Seule technique pour percer le mur du silence, souvent. Au cas précis, le sujet est sorti de la rubrique sociale, où les conflits sont mal vus pour entrer dans la rubrique « politique » ou la pipolisation fait qu’on parle du sujet pour parler de nous. Changer de rubrique est un art. Si je savais comment faire, sauf à adhérer de nouveau au PS, pour ne plus être dans la rubrique «extrême gauche» du journal Paris-Match je serais heureux de m’y conformer. Mais je suis conscient que c’est beaucoup demander.
LES PRINCIPES C’EST PLUS SIMPLE
Je suis obligé d’y venir. Donc il n’y avait pas « d’affaire Dray ». On se souvient comment j’ai rappelé sur ce blog que nous ne sommes ni juge ni policier. Dans une société civilisée, ces fonctions sont dévolues à des organismes spécialisés. Donc nous n’avions pas à spéculer sur ce qui se colportait quant au « fond de l’affaire », c'est-à-dire au sujet des faits que d’aucuns prétendaient voir révélés. La connaissance du « fond de l’affaire » est précisément l’objet de l’action de justice. Je recommandais de s’en tenir à la règle du respect de la présomption d’innocence. Et je la rappelle dans les termes de la déclaration des droits de l’homme : tout accusé est innocent aussi longtemps qu’il n’est pas reconnu coupable. Au cas concret, Dray n’était même pas accusé. De toute façon dire qui est coupable et qui est innocent résulte de l’action de justice qui, comme vous le savez est rendue « au nom du peuple français ». Si les affaires sont ainsi mieux traitées que par n’importe quel autre procédé est le résultat du long cheminement du droit au droit, enfant des lumières. En face, la horde confuse des braillards, lyncheurs petits et grands, qui de tous temps ont pullulé aux abords des places ou l’on a disposé des piloris. Aujourd’hui la fonction du pilori est accomplie par les médias. Le gout du sang et celui du scandale leur fait placer des chiens d’arrêt qui hurlent à la mort aux premiers effluves d’un parfum indiscret, selon la vieille loi de la rumeur mortelle «il n’y a pas de fumée sans feu ». Ce lamentable système a déjà ses grandes pages de gloires et ses trophées : le martyr des accusés d’Outreau, l’ignominie faite à Dominique Baudis par exemple. Auparavant il y avait eu l’assassinat de Pierre Bérégovoy. Rassurons les amis des lapidations : tout cela est aussi vieux que tous les vices humains et cela durera encore longtemps. Le devoir de l’honnête homme consiste à le savoir et à se refuser d’y participer. Quel dénouement amusant à tout cela ! Dray est donc appellé à retrouver une première place en tête de liste en Essonne. Pauvres socialistes qui jouent si mal au billard à dix bandes! Car pour finir leur tête de liste régionale, condamné lui en bonne et due forme, bénéficie ainsi de quelqu’un pour l’aider qui aura été expulsé du droit au vote sur la base d’une rumeur et rétabli sur la base d’un accord familial. He oui ! C’est ça la grande blague finale. Julien Dray devient tête de liste des socialistes en Essonne. Mais il n’a jamais été élu par personne à la tête de cette liste qu’il conduit désormais. Trop fort ! Je n’en dis pas davantage car sinon on va suspecter quelque nouvelle alliance secrète entre lui et moi comme cela failli devenir l’évènement dès l’annonce du classement de son affaire.
SIGNES DE CULPABILITE
J’avais dit la même chose à propos de Frédéric Mitterrand. Pas même inculpé, lui non plus, lapidé sur la base de cinq lignes d’un roman glauque publié quatre ans plus tôt et trainé séance tenante au pilori médiatique avec obligation de dire avec qui il avait couché au cours d’un séjour en Thaïlande et quel âge avait son partenaire. La journaliste hagarde à qui l’on avait confié cette besogne voyeuriste reconnu n’avoir jamais lu le livre incriminé. Une scène à vomir. Dans l’un et l’autre cas ceux qui se crurent autoriser à poursuivre leurs harcèlements brillèrent spécialement en infamie. D’abord, à propos de Frédéric Mitterrand, ce fut Manuel Valls qui insulta tous ceux qui appelaient à la fin du lynchage par une phrase qui doit rester dans les annales et dont j’assurerai la mémoire autant de fois qu’il faudra jusqu’à ce qu’il la retire. Selon lui, en effet le refus d’accabler Frédéric Mitterrand signalait un « clivage générationnel autour de ce que doivent être la liberté et les règles ». S’agissant d’une accusation de pédophilie on mesure ce que cette formule ostensiblement euphémisante implique ! Selon Manuel Valls donc, les personnes de plus de quarante sept ans (son âge) ont une complaisance pour la pédophilie et le tourisme sexuel que la bienheureuse génération post soixante huit n’aurait pas. C’est beau comme de l’extrême droite ! En ce qui concerne Julien Dray, j’ai trouvé même parmi les commentateurs de mon blog, qui sont pourtant des nuques raides sur les principes, des dérapages nombreux. J’appelle un dérapage quelqu’un qui me dit « vous défendez Dray alors qu’il a un train de vie pareil ! ». J’ai déjà répondu sur le point de savoir ce que je défendais en la circonstance. Mais j’y reviens avec une histoire que j’ai déjà peut-être déjà raconté ici (Manuel vous dira qu’après quarante sept ans on a tendance à se répéter). Elle me vient du passé profond, les années soixante dix, quand un notaire de Bruay en Artois fut accusé d’avoir violé et assassiné une jeune femme de son coin. Pure rumeur. Mais elle vécu bien sa belle vie des semaines durant. Un jour de ce moment je diffusais des tracts d’étudiants devant l’usine Rhodia de Besançon. En même temps que nous tractaient une variété de maos car il y avait foule en ce temps là à la porte des usines. Sur le sol, ils avaient dessiné des slogans et disposés des panneaux d’explications à propos de l’affaire de Bruay. Evidemment le notaire était coupable à leurs yeux. C’était un bourgeois et la victime une prolétaire. Seuls les aveugles et les ennemis de classe pouvaient ignorer quelle conclusion judiciaire tirer de cette évidence. Parmi les nombreux arguments de cette sorte l’un m’avait frappé. Ils disaient en effet : « la veille du crime il avait mangé un beefsteak de 350 grammes. On comprenait nettement à ce détail que c’était bien un riche que ce notaire. Son aptitude à violer et à tuer était ainsi démontrée. L’âge, la condition sociale, sont les avatars délicats dans une société ou la couleur de
peau et la religion n’autorise pas encore les mises à mort de principe. Ce n’est pas toujours le cas. J’y pense en me souvenant de cette exposition de brutes montrée à Arles cet été. Je dis de brutes parce qu’il n’y avait rien pour prévenir de ce qu’on allait voir. Et rien pour mettre à distance ce qu’on voyait. J’avais fini par trouver tout cela suspect. En fait ce n’est pas davantage qu’une illustration de la banalisation de l’horreur qui est une des normes esthétique les plus actives de notre temps. Là, c’était des photos de lynchage de noirs dans le sud des Etats Unis dont on pouvait se repaitre entre deux cornets glacés et deux expositions sur les cailloux japonais et les effets de lumière. Les malheureux s’y voyaient brulés, pendus, battus à mort au milieu de foules hilares et de gens faisant des signes à l’objectif du photographe pour souligner leur excitation. C’était des noirs que l’on martyrisait en foule et dans la joie dans ce pays de rêve que sont les Etats unis. C’était seulement des noirs, donc évidemment coupables des meurtres et des viols qui se produisaient dans leur voisinage. Les apparences construisent des tyrannies très puissantes. Mais ce jour là, cet été, sous le soleil de la Provence, le spectacle de leur torture n’a pas été considéré comme une offense au droit à la dignité humaine. Ici tout est répugnant, l’exposition, ce qu’elle montre et le fait qu’elle en fasse un spectacle. Le spectacle ne s’arrête jamais, n’est ce pas ?
LES APPARENCES
Ce gouvernement des apparences vient de s’appliquer à moi aussi d’une façon qui est a la fois risible et rageante. Il s’agit d’un député écolo qui tient des lignes sur un blog qu’il partage avec Karima Delli, une députée que j’estime, elle, beaucoup. Il s’agit de Pascal Canfin. Ce petit m’as-tu-vu ne s’est sans doute pas remis d’avoir voté une résolution favorable au nucléaire, et même peut être d’avoir voté l’amendement de son propre groupe reconnaissant le marché carbone, tandis que pour ma part je n’ai voté ni l’un ni l’autre. J’ai dit que je n’en voulais à personne de ses votes. Lui, m’en veut de n’être que moi et d’avoir été davantage lui que lui-même. Il ne s’explique pas sur ce sujet si bien qu’on ne saura rien de ce qu’il pense. Par contre l’euro député était là, dans l’hémicycle à l’heure d’une des nombreuses et si émouvantes manifestations qui émaillent la vie du parlement européen. La dernière fois c’était la chute du mur qui nous a rassemblés dans une longue transe d’émotion et de congratulations. Cette fois ci c’était le prix Sakharov. Je m’y trouvais moi aussi, dans cet hémicycle, depuis le matin neuf heures. Ce n’est pas le cas de tout le monde… Et notamment des députés d’Europe écologie. Sur le blog du monsieur on lit « un symbole qui n’a visiblement pas été du gout de Jean-Luc Mélenchon qui a ostensiblement refusé d’applaudir lors de la remise du prix aux membres de l’association. Un détail certes, mais certains détails ont parfois plus de poids que de long discours. » En effet, ai-je envie de dire. L’infâme dans cette affaire c’est que le sujet, le prix Sakharov, n’y est qu’un prétexte. Car le titre me montre du doigt là où il aurait du plus logiquement célébrer le prix remis si c’était vraiment le sujet : « Mélenchon a-t-il un problème avec les droits de l’homme ?». Il s’agit de me viser. Pourquoi ? Surtout sur un sujet où je suis très actif depuis tant d’années. Il est possible que des gens trouvent cela amusant. Ou que d’autres disent plus justement que l’avis de ce monsieur Schmol leur indiffère. Ce faquin aura peut-être pensé qu’il est glorieux de s’attaquer à un « Nicolas d’or » de ma trempe quitte à se faire essorer ensuite. Ca existe. Ca porte un nom. C’est le complexe d’Erostrate. C’est le nom du paumé qui a mis le feu au temple d’Artémis à Ephèse, une des huit merveilles du monde antique. Mais moi je ne peux manquer d’y réfléchir. Ainsi il aura suffit à cet homme que je n’applaudisse pas au bon moment pour pouvoir aussitôt conclure que j’ai « un problème avec les droits de l’homme ». Ou, plus perfidement pour poser la question, laissant ainsi entendre que je peux toujours démentir. Ce n’est pas rien comme accusation même si pour des «prout ! prout !» de cet acabit les mots sont aussi légers que l’air du temps où on les fait voltiger. Je suis juste abasourdi par le procédé. Et par son objet. Il doit être de la génération de Valls et avoir une autre idée de la norme et de la règle en matière d’insultes, sans doute. Quand « mémorial » est né, en France, l’historien trotskiste Pierre Broué, qui fut une référence pour nombre d’entre nous, nous invita à soutenir. On pensait que la mémoire des nôtres, les opposants de gauche assassinés par Staline et les siens serait aussi sauvée du néant. On connait la suite. Les bons morts à l’est sont de droite. Bref, nous fumes cependant nombreux à suivre le conseil de Broué, je crois. Pourquoi aurais je soudain changé d’avis ?
On m’a dit que je ne devrai pas répondre à une telle bassesse. Si je le fais ce n’est pas sur le fait qui m’incrimine. Ai-je applaudis au bon moment ? Étais-je encore occupé à ma conversation avec Jacky Hénin mon voisin ? A vrai dire je ne m’en souviens pas. Et je m’en moque. Ce qui me retient, c’est la méthode qui est utilisée, ce qu’elle montre comme mœurs dorénavant en vogue. On accuse puis on voit. La rumeur fera le reste. Voit-on vraiment où l’on va avec de tels procédés ? Non, je crois que non. On ne voit pas. En tous cas Canfin, compte tenu de son pédigrée et des ses exploits de toute nature ne tardera pas à s’en rendre compte pour peu que quelqu’un ouvre la bouche. Mais Canfin pourra s’en défendre cela va de soi. Ce procédé ci s’appelle une insinuation. C’est le stade qui précède la rumeur. Je suis un modéré en quelque sorte.
TROUVER LES MOTS POUR EN PARLER
Je voudrai récompenser monsieur Canfin, qui a toujours eu un gros problème avec la vérité si j’en crois ce que m’a dit quelqu’un qui l’a entendu dire. J’estime que mon prix de blogueur d’or garantit dorénavant la qualité de mes intentions en matière d’écriture parfois provocante. Me voici donc encouragé à continuer à n’en faire qu’à ma tête ! Je suis blanchi de l’accusation d’avoir l’habitude d’infliger des notes interminables qui n’ont d’ailleurs même pas toute l’avantage d’avoir des paragraphes classés dans l’ordre chronologique. Me voici également encouragé à continuer d’illustrer mes lignes avec des photos sans rapport au sujet selon une logique du deuxième et même troisième degré qui m’a valu d’être qualifié de blogueur dadaïste par l’un de mes aimables commentateurs. De cette façon je suis aussi suffisamment protégé pour me permettre ce qu’aucun homme politique ne peut faire dans ce pays. Je vais citer Fidel Castro. Car comme vous l’expliquerait Pascal Canfin, le monde est composé de la manière suivante : d’un côté les gentils ayant à leur tête le prix Nobel de la paix monsieur Barak Obama, dieu le bénisse, et de l’autre les méchants, masse confuse et composite parmi laquelle se distingue ma méchante face de suspect et la vilaine figure de Fidel Castro, que le diable les emportent tous ! Citer Fidel Castro est donc spécialement stigmatisant. Mais voila : je cherchais comment ne pas répéter ce que j’avais lu de toute part à propos de l’échec consternant de Copenhague. Je me demandais comment exprimer sans trop d’emphase à quel point je crois que ce moment est un bon concentré de ce qui ne va pas durer dans notre nouveau siècle. J’ai acquis la certitude qu’un système qui affiche cette sorte d’impuissance ne peut tenir le choc d’aucun des évènements qui s’avancent. De tels
dirigeants ont fait perdre en quelques heures l’essence de la légitimité de l’ordre qu’ils incarnent. Car la plus sophistiquée des constructions politiques ne peut s’affranchir du devoir d’assumer, peut importe comment, la part de l’intérêt général dont elle est dépositaire. Cette assemblée à Copenhague, s’est dispersée dans la confusion et la cohue après avoir donné un spectacle d’empire finissant autour d’un président des états unis politiquement bafouillant et pitoyable dans son déguisement de prix Nobel de la paix. Je ne vois pas meilleure manière de dire mon indignation qu’en confiant à Fidel Castro le soin de le faire avec le texte qu’il à publié sur le sujet.
LE COMPTE RENDU DE FIDEL CASTRO
« Ce sont les jeunes que l’avenir concerne plus que quiconque. Encore tout récemment, la discussion portait sur le type de société où nous vivrions. Aujourd’hui, l’on discute si la société survivra… Il ne s’agit pas là de phrases dramatiques. Il faut s’accoutumer aux faits réels.
L’espoir est la dernière chose que les êtres humains peuvent perdre. C’est la vérité en main que des hommes et des femmes de tous âges, mais surtout des jeunes, ont livré au Sommet de Copenhague une bataille exemplaire, offrant ainsi au monde une grande leçon. Le principal, maintenant, c’est que l’on sache le plus possible à Cuba et dans le monde ce qui s’est passé à Copenhague. La vérité possède une force qui surpasse l’intelligence médiatisée et bien souvent désinformée de ceux qui ont en main les destinées du monde.
Si quelque chose d’important a été obtenu dans la capitale danoise, c’est que l’opinion mondiale a pu observer à travers les médias le chaos politique qui s’y est engendré et le traitement humiliant infligé à des chefs d’État ou de gouvernement, à des ministres et à des milliers de représentants de mouvements sociaux et d’institutions qui, pleins d’illusions et d’espoirs, se sont rendus au siège du Sommet, à Copenhague. La brutale répression contre des manifestants pacifiques par la force publique rappelait la conduite des troupes d’assaut nazies qui occupèrent le Danemark en avril 1940. Ce que personne ne pouvait imaginer, c’est que, le 18 décembre 2009, dernier jour du Sommet, celui-ci serait interrompu par le gouvernement danois – allié de l’OTAN et associé à la boucherie afghane – pour céder la salle plénière au président Obama où celui-ci et un groupe sélect d’invités, seize au total, auraient le droit exclusif de parler. Obama y a prononcé un discours trompeur et démagogique, bourré d’ambiguïtés, qui n’impliquait aucun engagement contraignant et ignorait le Protocole de Kyoto. Il a abandonné la salle peu après avoir écouté quelques autres orateurs. Parmi les pays invités à prendre la parole, on trouvait les pays les plus industrialisés, plusieurs économies émergentes et quelques-uns des plus pauvres de la planète. Les dirigeants et représentants de plus de cent soixante pays n’ont eu que le droit d’écouter.
À la fin du discours du seizième élu, Evo Morales, fort de toute l’autorité de son origine aymara, frais réélu par 65 p. 100 des votants et jouissant du soutien des deux tiers de la Chambre et du Sénat bolivien, a demandé la parole. Le président danois n’a pas eu d’autre remède que de la lui céder à la demande des autres délégations. Quand Evo a conclu sa sage et profonde intervention, le Danois a dû la concéder ensuite à Hugo Chávez. Les deux interventions passeront à l’Histoire comme des exemples de discours brefs et opportuns. Une fois leur tâche dûment remplie, tous deux ont regagné leur pays respectif. Mais quand Obama est sorti de scène, il n’avait pas encore conclu la sienne au pays siège du Sommet.
Dans la nuit du 17 au 18, le Premier ministre danois et de hauts représentants des États-Unis s’étaient réunis avec le président de la Commission européenne et les dirigeants de vingt-sept pays pour leur proposer, au nom d’Obama, un projet d’accord à l’élaboration duquel aucun autre dirigeant du reste du monde ne devait participer. C’était là une initiative antidémocratique et virtuellement clandestine qui ignorait des milliers de représentants de mouvements sociaux, d’institutions scientifiques, religieuses et les autres invités au Sommet.
Dans la nuit du 18, alors que de nombreux chefs d’État étaient déjà partis, les représentants des pays ont attendu jusqu’à trois heures du matin du 19 la reprise des séances et la clôture de la réunion. Pendant toute la journée du 18, Obama avait soutenu des réunions et des conférences de presse. Tout comme les dirigeants européens. Puis ils sont partis.
Il s’est alors passé quelque chose d’insolite : le 19, à trois heures du matin donc, le Premier ministre danois a convoqué la clôture du Sommet. Les ministres, fonctionnaires, ambassadeur et personnels techniques étaient les seuls à représenter leur pays.
Mais un groupe de représentants de pays du Tiers-monde qui contestaient la tentative d’Obama et des plus riches de la planète de présenter comme un accord consensuel du Sommet le document imposé par les États-Unis a livré cette nuit-là une bataille étonnante.
La représentante vénézuélienne, Claudia Salerno, pleine d’une énergie impressionnante, montra le sang qui coulait de sa main droite à cause des coups qu’elle avait dû frapper sur la table pour pouvoir exercer son droit de parole. Le ton de sa voix et la dignité de ses arguments sont inoubliables.
Le ministre cubain des Relations extérieures a prononcé un discours énergique d’un millier de mots dont j’extrais plusieurs paragraphes pour les inclure dans mes Réflexions :
« Le document dont vous avez nié à plusieurs reprises l’existence, monsieur le Président, apparaît maintenant… Nous avons vu des versions qui circulent d’une manière subreptice et qui se discutent en petits conciliabules secrets.
« … je regrette profondément la façon dont vous avez conduit cette Conférence.
« …Cuba juge extrêmement insuffisant et inadmissible le texte de ce projet apocryphe. L’objectif de 2ºC est inacceptable, car il aurait des conséquences catastrophiques incalculables…
« Le document que vous nous présentez ne contient, hélas, aucun engagement de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
« Je connais les versions antérieures qui se sont négociées elles aussi à travers des procédés contestables et clandestins, en coteries fermées…« Le document que vous nous soumettez maintenant omet justement les phrases clefs déjà bien maigres et insuffisantes de cette version-là. « …pour Cuba, cet objectif est incompatible avec le critère scientifique universellement accepté selon lequel il est urgent et incontournable de réduire les émissions d’au moins 45 p. 100 d’ici à 2020 et de non moins de 80 à 90 p. 100 d’ici à 2050.
« Toute proposition de poursuite des négociations en vue d’adopter à l’avenir des accords de réduction des émissions doit inclure impérativement le concept selon lequel le Protocole de Kyoto est toujours d’actualité. […] Votre papier, monsieur le Président, est l’acte de décès du Protocole de Kyoto, et ma délégation s’y refuse.
« La délégation cubaine tient à souligner la primauté du principe des "responsabilités communes mais différenciées" en tant que concept clef des futures négociations. Votre papier n’en dit mot.
« Ce projet de déclaration omet des engagements concrets en matière de financement et de transfert de technologies vers les pays en développement dans le cadre des obligations contractées par les pays développés au titre de la Convention cadre des Nations sur les changements climatiques. […] Les pays développés qui imposent leurs intérêts par ce document interposé fuient tout engagement concret.
« …Ce que vous appelez, monsieur le Président, un "groupe de leaders représentatifs" constitue à mes yeux une violation grossière du principe de l’égalité souveraine des États que consacre le Charte des Nations Unies.
« Je vous demande formellement, monsieur le Président, de faire en sorte que ma déclaration fasse partie du rapport final sur les travaux de cette lamentable, de cette honteuse Quinzième Conférence des Parties.
On n’avait concédé qu’une heure aux représentants des États pour émettre des opinions, ce qui a provoqué des situations compliquées, honteuses et désagréables.
Il s’ensuivit un long débat durant lequel les délégations des pays développés ont exercé de fortes pressions pour que la Conférence adopte ce document comme résultats final de ses délibérations.
Un nombre réduit de pays a insisté fermement sur les sérieuses carences et ambiguïtés du document impulsé par les États-Unis, en particulier sur l’absence d’engagement de la part de pays développés en matière de réduction des émissions de carbone et de financement permettant aux pays du Sud de mettre en place des mesures d’atténuation et d’adaptation.
C’est au terme de discussions longues et extrêmement tendues que la position des pays de l’Alliance bolivarienne des peuples de Notre Amérique (ALBA) et du Soudan en tant que président en exercice du Groupe des 77 a fini par prévaloir : le document en question était inacceptable par la Conférence.
Devant le manque de consensus évident, la Conférence s’est bornée à « prendre note » de l’existence de ce document en tant que position d’un groupe d’environ vingt-cinq pays.
Une fois cette décision adoptée à 10 h 30 (heure de Copenhague), Bruno – après avoir discuté amicalement, aux côtés d’autres représentants de l’ALBA avec le Secrétaire général de l’ONU et lui avoir confirmé leur disposition de continuer de lutter de concert avec les Nations Unies pour empêcher les terribles conséquences des changements climatiques – a regagné notre pays en compagnie du vice-président cubain, Estéban Lazo, pour assister à la session de l’Assemblée nationale. Sa mission avait pris fin. Il n’est resté à Copenhague que quelques membres de notre délégation et l’ambassadeur pour participer aux démarches finales. Ils ont informé cet après-midi : « …comme ceux qui ont participé à l’élaboration du document aussi bien que ceux qui, comme le président des USA, se sont empressés d’annoncer son adoption par le Sommet… ne pouvaient refuser la décision de celui-ci de seulement "prendre note" du prétendu "Accord de Copenhague", ils ont tenté de proposer un procédé par lequel d’autres pays Parties qui n’avaient pas participé à cette manigance pourraient la seconder et y adhérer, afin de donner des dehors de légalité à cet accord, ce qui aurait pu de fait préjuger du résultat des négociations à venir. » « Cuba, le Venezuela et la Bolivie se sont opposés de nouveau fermement à cette tentative tardive, avertissant que ce document non entériné par la Conférence n’avait pas de caractère légal, qu’il n’existait pas comme document des Parties et qu’on ne pouvait établir aucune règle pour le faire censément adopter… ».« Voilà dans quel esprit que se sont conclues les sessions de Copenhague, sans adoption de ce document préparé subrepticement ces derniers jours, sous la conduite idéologique évidente de l’administration étasunienne… »
Fidel Castro Ruz
Le 19 décembre 2009
20 h 17