On entend monsieur Zapatero ce matin au Parlement européen. Il présente le programme de la présidence tournante de l'Union européenne. J’écoute, j’en parle. Mais j’ai la tête ailleurs. Les yeux sur la presse du matin qui reprend sur les suites de la capitulation de Martine Aubry sur les retraites. Quel désastre!
Pluie de truismes
C’est un art. Le parler européen est un art raffiné. Mercredi matin parlait le premier ministre espagnol Zapatero. Puis Barroso et enfin le président Busek. Pluie de truismes ! Un méli mélo de phrases tièdes et de refrains usés jusqu'à la corde. Mais la façon de faire compte plus que tout. Il faut bouger les bras avec vigueur, froncer les sourcils, enfoncer le doigt dans l’air avec énergie. Ce qui est comique c’est de rapprocher le son et l’image. Imaginez une phrase aussi brillante que « nous devons travailler avec en vue de fournir des efforts soutenus pour parvenir a des objectifs portés avec la méthode communautaire ! » proférée en faisant des moulins avec les bras et les poings martelant l’air. Martin Schultz, le président du groupe des socialistes et démocrates est aussi très bon dans ce style. Il vocifère des phrases catégoriques du type « vous avez pris le bon chemin dans l’objectif de faire des efforts et pour cela nous saluons votre résolution » en hurlant comme un type mis hors de lui par je ne sais quelle indignation. Ce qui est remarquable est que la liste des accolades rituelles s’est considérablement allongée dans les salamalecs coutumiers. Aux congratulations et compliments au président de la commission et à la présidence tournante il faut à présent rajouter pour mémoire le président du conseil («présidence permanente») la «haute représentante» ce qui fait du commencement de toute intervention rituelle un torrent de miel et sucrerie écœurants. Donc l’Espagne prend la présidence tournante de l’union européenne. Devant un hémicycle à moitié vide, le socialiste Zapatero nous a évidemment régalé d’un discours excitant sur les petites entreprises et la compétitivité indispensable des entreprises en général et en particulier, sans un mot sur les droits sociaux ni un soupir sur la situation sociale des victimes de la crise. Mais (ouf !) il nous a rassurés avec des projets aussi formidables qu’un marché commun de l’énergie en Europe et un marché commun du commerce en ligne. Un marché, des marchés. Et aussi des voitures électriques. La totale. Fermez le ban. Ce que monsieur Zapaterro appelle «innover l’Europe». Et en réponse à la droite il déclare « je suis un partisan du pacte de stabilité et de la réduction des déficits, c’est ma conviction politique ». C’est noté.
UNE BALLE DANS LE PIED
Ce matin la presse vibre du sujet des retraites et de la capitulation de Martine Aubry. La digue est tombée. Elle mégote sur des nuances dans la meilleure tradition des effaceurs de pistes dans les bons westerns, juste après l’attaque de la banque. Je déplore autant le moment de cette annonce que son contenu. Pourquoi ? Quelle que soit ses intentions, Martine Aubry a porté un mauvais coup au mouvement social et donc à toute la gauche. Elle nous a tiré une balle dans le pied. Il est désastreux, quand on est partisan comme elle de la négociation avec les syndicats comme méthode de régulation sociale, d’agir comme elle le fait. Car avant que la discussion commence Martine Aubry donne à voir un « front des politiques » qui isole toute résistance sociale face à Sarkozy. Commencer une négociation en annonçant qu’on est d’accord avec l’objectif de la partie adverse est désastreux pour le rapport de force syndical. Je lui fais le crédit de croire qu’elle ne le voulait pas. Mais après tout est-elle aussi naïve que cela ? C’est peut-être moi qui le suis à son sujet.
UNE BALLE DANS LE DOS
Elle devait évidemment savoir aussi qu’aussitôt les chiens seraient lâchés. C’est sans surprise qu’on trouve l’ultra droite du PS sur la muraille de combat dès ce matin. Voici donc une fois de plus dans le rôle de tireur dans le dos Manuel Valls. Evidemment pour lui, «la gauche ne doit pas avoir de tabous». On avait compris. Et la CFDT qui se tenait dans l’ombre sort aussitôt du bois pour porter un mauvais coup cette fois ci contre les fonctionnaires. Elle veut rapprocher les régimes publics et privés. Evidemment le rapprochement ne se fait pas dans le sens du mieux placé mais du moins disant. Evidemment il faut y réfléchir « sans tabou » dit la CFDT. Quel type formidable ce Tabou ! Dès qu’un coup tordu est en vue, une trahison ou une infamie, les fourbes disent que tabou ne doit pas être là et que ça doit se faire sans lui. J’avais déjà un a priori favorable avec Tabou. Depuis la nuit des temps et le tabou de l’inceste, on sait que les sociétés ont besoin de tabous. Mais c’est sans doute parce que comme l’a dit Valls j’appartiens à une génération qui n’a pas le même sens que lui de la règle et de la loi en ce qui concerne les interdits.